C'est en hiver surtout, à la nuit tombée, que le Rond de la Broussaille m'attire. Il faut monter jusqu'au Parc si l'on veut retrouver la nuit, disparue de nos zones urbaines. Pas tout à fait la vraie nuit, mais une obscurité à notre usage, apprivoisée, allégée, nuit de théâtre, éclairée juste assez pour qu'on la voie, elle et ce qu'elle enrobe.
Sur ces hauteurs, à mi-chemin entre ville et ciel, dans l'ombre entre lumières d'en bas et d'en haut, je prends ma dose homéopathique d'infini. Je marche un instant à la frontière de deux mondes, sur le rond-point qui m'apparaît, plus j'en fais le tour, comme une espèce de machine géante, de cyclotron à l'envers, qui ralentit les particules. Car là-haut j'apprends la lenteur. Je ne suis pas de ces conquérants qui prennent la vérité de force, je patauge et tâtonne, une lueur par-ci, plus souvent rien, il faut y revenir encore avec une extrême patience, m'accorder au temps paisible des choses, et voilà pourquoi, désolé, lecteur, je reviens une fois de plus au Rond de la Broussaille et compte bien y revenir encore, encore, tant que neurones et guibolles tricoteront.
(Journal infime, 2003)
(publié dans PAGES D'ÉCRITURE N°30 en mars 2006)