7X3, de la poétesse grecque Matsie Hadzilazàrou, se compose de sept poèmes donnés trois fois : dans l'original grec, puis en français, puis en anglais, dans des traductions de l'auteure elle-même.
Ces traductions, sans être des chefs-d'œuvre, montrent de façon exemplaire le travail d'un poète sur les mots. L'auto-traductrice ne se gêne pas pour ajouter, supprimer, modifier — ce qu'un autre à sa place n'oserait jamais faire à ce point. Les «pierres du fond» françaises se réduisent à «on the rocks» ; les «mers et continents» de l'original se développent en «mers îles et continents» chez nous ; la montagne grecque devient «steep path», etc.
Je ne comprends pas toutes les ruses de la poétesse, mais la plupart du temps elles m'éclairent vivement. Le grec dit «Ils se sont mis à danser», phrase qui dans cette langue est souple et vigoureuse, grâce à des consonnes rebondissantes ; le mot à mot français est d'une rare platitude — d'où le choix de traduire par un «martelant des talons» allitéré à souhait, infidèle en surface, fidèle en profondeur.
Et cette «chaleur d'aisselle ou de paume» qui fait place, dans les deux traductions, à «une chaleur d'aisselle ou d'aine»... Pudique, le grec ? Il doit s'agir plutôt d'une question de mots. L'aine grecque ne faisait pas l'affaire. Elle se prononce [vouvònas] : mot lourd, moche, pas bandant pour deux sous.
(Cela dit, «aine» en français, pas réjouissant non plus... J'aurais choisi un autre mot, relayant jusqu'à l'obsession les sons sifflants du mot «aisselle»...)
(publié dans PAGES D'ÉCRITURE N°6 en février 2004)