Un éditeur que je ne connaissais pas explore le présent site, est ébloui par une nouvelle de Zyrànna Zatèli, «Le vent d'Anatolie», inédite, et me propose de la publier. Il a bon goût : c'est une splendeur. Moment historique : le site joue pour la première fois un rôle d'appât. Je rêve à des éditeurs venant se prendre dans ma toile comme des mouches.
Oui, mais pour Z., nous n'y sommes pas encore. Il faut chercher à convaincre le postulant de publier tout le recueil ou du moins une partie (il refuse), puis le mettre en relation avec l'éditeur grec, relancer plusieurs fois chacun de peur qu'on ne s'endorme, attendre sans être sûr de rien. Cela va prendre des mois.
Un autre éditeur de taille modeste, mais réputé, accepte le dernier roman de R. L'auteur et moi le rencontrons ce printemps, tout baigne, le livre paraîtra début 2008. J'annonce que je dois profiter de l'été pour traduire. Pas de problème, on va nous envoyer les contrats. Reste à obtenir l'accord de la maison-mère, simple formalité. À la fin août j'en suis aux trois-quarts du travail, toujours pas de contrat. Je vais aux nouvelles : apparemment la maison-mère n'a pas encore signé, mais pourquoi, et quand le fera-t-elle, et le fera-t-elle ? Comment savoir : le sympathique éditeur est devenu muet.
Un de ses confrères me contacte voilà plus d'un an, vivement intéressé par le très beau roman de E. Riche idée. Il doit me confirmer sa décision en septembre. Je l'appelle en octobre : Tout compte fait, dit-il, je me déciderai en janvier. Il faudra le rappeler en mars...
Un autre, débutant dans l'édition, m'approche en 2006 (ou 2005 ?) : pendant toute une soirée nous agitons des projets grandioses de collection grecque, deux livres par an dans un premier temps... Bientôt deux ans plus tard, rien n'est fait. Celui-là je ne le rappelle même plus.
Le dernier roman de O., très admiré en Grèce, a été refusé par deux maisons ; l'une d'entre elles a bien voulu m'en informer. Je l'ai envoyé à d'autres, oublié qui.
J. m'a commandé, puis payé la traduction d'une pièce en 2006. Il souhaite en publier une autre. Là encore, je traduis sans attendre un contrat qu'on m'annonce imminent. La pièce est prête depuis décembre dernier, bien au chaud chez moi, toujours pas de contrat.
D. veut que je traduise une pièce du jeune K. Il a raison, c'est du solide. Oui, mais il faut d'abord traduire une vingtaine de pages et rédiger une présentation de l'œuvre pour le dossier qu'il déposera au CNL, décision au printemps prochain. En cas de refus, qui me paiera la traduction de l'essai ?
Et ainsi de suite.
Attendre, attendre, attendre. Faire le poireau dans l'antichambre jusqu'à ce qu'on veuille bien me laisser entrer, ou du moins m'expliquer pourquoi non.
Quand une commande arrivera enfin, je sais qu'une ou deux autres la suivront le lendemain, que je devrai refuser. Car les éditeurs, le plus souvent adeptes d'une sage lenteur, deviennent soudain speedés comme des malades, sans préavis.
Heureusement qu'il y a la poésie. Quand on traduit les poètes, là au moins on sait qu'il n'y a RIEN à attendre. Sauf une anthologie en Poésie/Gallimard, mais cela n'arrive qu'une fois dans une vie, et pour moi c'est fait, ainsi soit-il.
(publié dans PAGES D'ÉCRITURE N°51 en décembre 2007)