L'ATLF (Association des Traducteurs Littéraires de France) et ATLAS (Assises de la Traduction Littéraire en ArleS), nos deux associations étroitement associées, publient depuis vingt ans un bulletin bisannuel commun : TransLittérature. J'en ai déjà parlé, j'en reparle avec plaisir, avec amour : ce travail bénévole, lourd et souvent ingrat, est en même temps un bonheur. Car nous sommes des briseurs de solitude. Nous offrons aux traducteurs, ces travailleurs en principe isolés, un lieu d'échanges ; nous donnons à lire, mais aussi à écrire — notre obsession étant de donner la parole au plus grand nombre d'entre nous. Il y a en même temps, pour les membres du comité de rédaction, le vif plaisir de se retrouver deux ou trois fois par an, entre amis partageant, pour l'essentiel, le même enthousiasme et les mêmes valeurs — un mot que nous ne prononçons guère, nous autres grands pudiques, mais comment dire autrement ?
Il me plaît d'écrire ici nos noms : les membres actuels (Corinna Gepner, Sarah Gurcel, Hélène Henry, Valérie Julia, Laurence Kiefé, Jacqueline Lahana, Karine Laléchère, Susan Pickford, Emmanuèle Sandron, Béatrice Trotignon, M. V.) et ceux qui n'y sont plus (Françoise Brun, Jacqueline Carnaud, Françoise Cartano, Claude Ernoult, Alain Gnaedig, Marie Vrinat-Nikolov). Dix-sept personnes en tout : une stabilité remarquable.
Ce qui nous rapproche, entre autres : une ambition moins personnelle que collective ; le mépris du clinquant, des paillettes, et l'amour du travail bien fait ; le souci de maintenir un lien étroit entre nos deux associations.
Nous avons fait du bon boulot. Nous voulons continuer.
Or voici qu'à l'initiative de deux autres piliers de l'ATLF, Evelyne Châtelain et Cathy Ytak, une petite sœur s'annonce. Non pas sur papier, mais sous forme électronique. Non pas tous les six mois, mais à un rythme quotidien, avec des articles plus courts que TransLittérature et suivant de plus près l'actualité.
Réflexion faite, les deux publications nous apparaissent idéalement complémentaires.
Les deux comités de rédaction viennent de se réunir afin d'accorder leurs violons, autrement dit de s'assurer que tout le monde est d'accord sur les règles du jeu. Revue et blog sont la voix de l'association, ce qui limite la liberté de parole. Nous nous refusons, par exemple, les attaques personnelles — quittes à nous défouler (avec modération) dans nos exutoires indépendants, genre volkovitch.com. Il nous paraît souhaitable, également, que nos deux organes fonctionnent comme des vases communicants, les mêmes plumes circulant de l'un à l'autre et chacun d'eux étant représenté au comité de rédaction d'en face.
Si l'arrivée du blog peut poser problème, selon moi, c'est qu'elle va rendre plus énorme encore la masse de textes actuellement publiés sur la traduction. Après des années de sécheresse, c'est depuis trente ans un vrai déluge. Ah, si seulement le niveau des rémunérations montait parallèlement ! Nous en sommes au point que plus personne ne peut tout lire. (Et voilà qu'atterrit dans le rayon À LIRE D'URGENCE un gros pavé signé Bellos...)
À mon objection je répondrai que la finalité d'une publication, désormais, est sans doute un peu moins d'être lu et un peu plus d'être publié, c'est-à-dire avant tout de s'entraîner à l'écriture sans filet. En écrivant soi-même on comprend mieux ce que fait l'auteur qu'on traduit. N'oublions pas non plus les à-côtés du travail de traduction : chacun de nous doit être capable d'écrire ne serait-ce qu'une présentation alléchante, préface ou postface (c'est utile d'un point de vue commercial), de réussir une intervention en colloque (il y en a désormais toutes les semaines) ou une interview. De ce point de vue, blog et revue sont d'irremplaçables terrains pour galops d'essai, et c'est pourquoi TransLittérature veille constamment à commander des articles à de jeunes traducteurs.
Dans le même esprit, sollicité par Maurice Nadeau, je lui envoie depuis peu des jeunes plumes talentueuses pour sa revue. L'une d'elles, une ancienne du Master de Paris 7, Sophie Ehrsam, vient d'être publiée à la Quinzaine. Et ce n'est pas fini. Et c'est pour moi un grand bonheur.
(publié dans PAGES D'ÉCRITURE N°102 en mars 2012)