Dans tout Grec il y a un poète qui sommeille — et se réveille souvent ! Les recueils de poèmes sont publiés là-bas par centaines chaque année. J'en reçois un certain nombre et me désole de ne pouvoir en traduire davantage. En fait j'ai à peine le temps de les feuilleter.
Les travaux qui m'arrivent par la poste, la plupart du temps, sont l'œuvre de poètes encore inconnus. Il m'est difficile de porter un jugement sur ces textes parfois déroutants et obscurs ; je suis loin de m'en sentir toujours capable. Né cent ans plus tôt, je ne crois pas que j'aurais vu la grandeur de Lautréamont ou Rimbaud. Les douze poètes que je viens de traduire pour volkovitch.com et publie.net étaient reconnus et recommandés par leurs pairs ; je voudrais aussi donner leur chance à d'autres, en prenant davantage de risques. Pourquoi ne pas en publier certains ici même ?
J'ai proposé à quelques uns de ces poètes un marché : je traduis deux ou trois pages de leurs poèmes, que je mets en ligne sur volkovitch.com, et en échange ils envoient la somme de 74€ à la section grecque d'Amnesty International. Six d'entre eux ont déjà répondu. Certains d'entre eux ne sont plus des débutants et nous les retrouverons sans doute plus tard. Voici donc cette première fournée en espérant que le volkonaute friand d'aventures poétiques trouvera son bonheur avec un ou plusieurs de ces nouveaux venus.
Né en 1982 à Athènes, Z. Aïnalis poursuit des études de lettres et d'histoire byzantine à Paris. Il publié trois recueils de poèmes et fait partie des trente-trois jeunes poètes présents dans l'anthologie parue l'an dernier aux éditions Gavriilìdis. Il a traduit des auteurs anglais, français et byzantins.
LE TEMPS
il a une forme
des angles
polyèdre polygone
il risque
de te blesser
la nuit quand tu te lèves pour boire
dans le noir à tâtons
agitant spasmodiquement les mains aveugle
un peu de sang
à présent coule
du bout de tes doigts
et sur ta poitrine
une ombre noire
est posée
qui boit
ton cœur
citerne
pleine de sang
il contient la mer entière
et toute la douleur
sauf
celle du temps
il a une forme
tu peux l'attraper
le courber
fil de fer
pour tenter de forcer la serrure
de maisons de coffres étrangers
de journaux intimes d'adolescentes
impatient de lire leurs secrets
sous les couvertures
les paquets de lettres du soldat parti au front
du soldat qui n'est pas rentré du front
l'année suivante
il a une forme
variable pyramide pagode ou ziggourat
il faut que tu t'en empares
et qu'il crache ses secrets
en bas dans les grottes marines
l'eau salée lèche les rochers
une main
montre
aux parois les peintures
d'un âge mort
Altamira n'a pu le découvrir
boiteuse
les deux jambes cassées
angoissée elle se demande alors
comment quand et qui
le temps dit-elle
est le meilleur médecin
il a une forme
le scalpel plonge avidement
dans toutes les chairs
du sang du sang toujours du sang
FEMME
Je t'ai imaginée dans l'aquarium
nue
toute nue et seule
parmi des poissons exotiques de toutes couleurs
barbouillée
noir aux yeux lignes noires du maquillage
un chien de mer pendu par les dents à tes lèvres
teintes en rouge par le sang
tes tétons sombres posés sur les hauts fonds
de tes seins
rochers sous-marins récifs
où se glissent des murènes sournoises et des poulpes
ta toison frisée algues qui poussent
entre tes jambes
bercées au rythme des courants où se cachent
d'étranges créatures des grands fonds phosphorescentes
tout autour dansent des poissons sans but hostiles comme toujours
un plongeur en plastique agite mécaniquement ses jambes jaunes
un sous-marin jouet posé au fond
on peut voir par le hublot le marin mort
alentour faux rochers fausses plantes
une foule d'hameçons coulaient lentement torpillés
Tu pleurais
PETITE MONNAIE
à mon frère
Les feuilles du bitume
jaunes
pourrissent et sombrent
sous la surface lisse des eaux
maintenant
rien
j'attends le printemps cette putain
en vain
le calendrier collé à l'automne
bien sûr les experts et les faiseurs d'oracles
depuis des années
prédisent
la suppression de l'alternance harmonieuse
la fin de la saison des saisons
moi
immobile
jambe cassée
je tourne sur moi-même
coq des hauteurs
selon le vent
bien que m'ait prévenu
le maître des révolutions
lui regardait l'avenir
ma rétine à moi examine le passé
nous deux ensemble
dessinions de façon complémentaire
un présent
forgé
Né à Moscou en 1968, il a fait des études de journalisme dans cette même ville et travaille actuellement à Chypre. Il a publié quatre recueils de poèmes, dont deux ont reçu un prix d'État. Il est déjà traduit en plusieurs langues.
L'IRRÉALISABLE
Toute cette pluie qui n'est pas tombée
de l'hésitation des nuages
le ciel était noir
en mal d'enfant
voulant pleuvoir beaucoup d'eau
ne pleuvant pas.
L'hésitation mur invisible
plus tu montes
plus elle est haute
sur elle se brisent
de hautes vagues
d'amour prisonnier
de l'inavoué
tout aussi habilement elle dissuade
des vies desséchées de pleuvoir
qui titubent
aux confins
de la terre et de la mer.
Que devient tout
ce qui n'est pas devenu ?
m'as-tu demandé.
Je suppose que tout s'amasse dans les barrages
du rêve d'où cela s'écoule
dans un futur assoiffé
dont les affluents s'étendent
et se perdent au-delà des cartes
pour arroser goutte à goutte
l'irréalisable.
PETIT ENFANT AU FOND DE L'AVENIR
Tu me tenais serré autrefois
entre tes bras
que je ne m'enfonce pas dans la mer
ne trébuche pas dans l'escalier
(les chiens étaient en dessous)
que je ne me fatigue pas trop
tu marchais dans la nuit en aveugle
il n'y a que le temps violent
qui m'a emporté
puis laissé tout au fond de l'avenir
et empêché de grandir
dont tu ne m'aies pas protégé
et maintenant
que j'ai plus que jamais besoin
de tes bras pour m'appuyer un peu
toi c'est la branche maigre
d'un arbre séculaire
au bois céleste
que tu as voulu devenir.
Quand as-tu réussi à pousser si haut ?
Enfermant tant d'années
dans une journée que j'appelle hier
je cherche sur mon front
la ligne tendre de ta caresse
au moment où une poire
apparaît dans l'assiette
coupée fin
pour ne pas se coincer
dans la petite gorge
et reproduire la panique
de l'asphyxie provisoire
et la tête en bas.
JADIS J'ÉTAIS UN FLEUVE
Notre chanson, chuchotais-tu
tu t'en souviens ?
Je ne me souviens de rien
depuis longtemps je suis
une eau dormante
né d'une cascade
qui coule sans mémoire sans cesse
qui coule sans cesse en abondance
et n'arrête pas
coupée de sa source
elle a incorporé toute la longueur de mon voyage
et la largeur de ce qui lui manque
tu cherches ma profondeur mais bientôt
je ne serai plus qu'un ruisseau peu profond
puis plus rien
qu'une longue trace desséchée
je ne peux que murmurer
la déshydratation toute proche.
DONNEUR D'ORGANES
Peau résistante aux canicules
ses brûlures absorbées
pour les cas graves
de ceux qui ont fondu
dans des soleils à combustion lente
à usage personnel seulement.
Poumons qui se prenaient
pour des branchies
puisque d'habitude
ils pompaient la mer.
Foie aguerri
aux beuveries excessives
de vers à forte teneur en alcool.
Cœur en parfait état
à contenance très suffisante
avec différence d'heure
entre ses deux parties
de peur que ceux d'aujourd'hui
ne rencontrent
ceux d'hier.
Né en 1988 à Athènes, il y a fait des études d'économie. Il achève actuellement des études de lettres et philosophie en Angleterre. Bientôt tout va brûler en éclairant tes yeux est son premier recueil.
IL N'Y AURA PAS DE PERTE
Sacrifier être sacrifié
n'est plus si facile pour le monde
la chance nous ignore davantage dirait-on
ne parle pas d'ombres
la lumière gêne davantage
faire exploser le monde
est plus créateur que de le prendre en patience
Recherche leur coup de feu
les morts ne meurent pas deux fois
mais sont libérés.
Le délire dénote une vision
et la prière est destruction de la morale.
Il n'y aura pas de perte
le printemps reste printemps
Mais à la fin nous devons toujours
demander pardon.
BIENTÔT TOUT VA BRÛLER
EN ÉCLAIRANT TES YEUX
Chacun cherche un moyen
de renaître dans la vie
même si nous pourchassons des lunes
même si à chaque instant nous perdons
dans l'ensemble nous gagnons toujours.
Et donc nous tous ici présents
pleurant, éclatons de rire.
Nous ne perdrons au jeu
que lorsque les amants seront séduits par l'ennui.
Il ne nous reste plus qu'à unir nos étoiles
et nous deviendrons éclairs.
Bientôt tout va brûler e
en éclairant tes yeux.
La prochaine révolution
sera révolution de beauté.
MAUVAIS CIEL
Chaque fois que le soleil meurt
il se cache
de peur d'apparaître sans force
et que nous en perdions la foi.
Car il sait que tout va lâcher pied
de façon lente, petite, presque humiliante
inconsistante
au point que nous resterons indifférents
à notre lien avec l'inanité.
L'extase produit du bruit mais pas de vacarme.
Trop tard.
Tout n'est qu'instabilité.
Ta ruine est parmi
les plus belles ruines que j'aie vues.
LA POUSSIÈRE NE DEVIENT PAS POUSSIÈRE
Les rêves de l'été ne comptent pas
tensionTENSION tensionTENSION tensionTENSION
tensionTENSION.
Quand j'ai le soleil derrière moi
j'ai peur qu'il me dérange trop
ce qui n'arrive pas avec la lune.
L'individuel est une réalité fictive
inventée par le collectif.
Le paradis et l'enfer se cachent sous un caillou
comme ça, sans raison.
Il n'y a pas de vérité pour tout mensonge
ce qui veut dire que certains mensonges sont la vérité.
NOUS NOUS RETROUVERONS À LA MER
Le vide me pèse tellement
plongé dans l'informe
ta forme à toi m'insupporte.
L'autosuggestion est
ma plus forte prison.
Je ne peux voir encore
tout ce que je voudrais voir.
Jamais nous ne serons touchés par la laideur.
Nous nous retrouverons à la mer
dans des formes d'eau.
Et quand tout sera démythifié
alors je te parlerai de l'amour.
JEUNES À JAMAIS
tout est dans l'air
poussière d'or, poussière d'or
tout tombe, rien ne monte
c'est une vitrine, un massacre
la férocité des choses
viens t'ancrer dans notre silence
nous avons un rêve d'envol
une maladresse fatale
jeunes à jamais
me faut-il choisir l'indifférence
ou telle ou telle allure
je ne me presse pas
bien que tu sois un gouffre
tantôt je hurle, tantôt je gémis
c'est ma façon de conquérir les conquérants
je cherche la forme du chaos
initiation sans initiation
tu es une joie ingrate
un devient deux ou deux devient un
quoi qu'il en soit, drôle d'idée de croire
que Dieu devient trois
à part jouer que te reste-t-il
l'équilibre ou le néant
la folie, tu sais, est une maladie de luxe
Né en 1980 à Athènes, il a publié deux recueils de poèmes et fait partie de l'anthologie Gavriilìdis. Il traduit de l'allemand et de l'anglais.
Le rouge s'ouvrait dans la mémoire :
une fissure dans le tendre corps
d'une alouette morte.
1
Je ne voulais pas savoir son nom —
elle souriait et les dents
tombaient par terre
elle parlait sa bouche saignait d'erreurs.
Une fille en enfer,
on me l'a présentée un jour. Elle portait
sa langue toute blanche et tenait
ma main dans sa main.
Je cherchais à l'aveuglette
le chemin vers la suivante.
2
Peu avant minuit
et derrière le rideau
elle revêtait une peau rouge épaisse,
coiffait ses cheveux
ouvrait la fenêtre dans la maison intérieure
et la nuit affluait.
«Rien ne se fait par hasard, me disais-je,
rien», et je me levais le matin
la mâchoire douloureuse.
3
D. se retirait dans le coin
— les jambes dans la poix jusqu'aux cuisses —
s'agenouillait relevait ses cheveux
et secouait les étoiles de sa nuque.
Il me semblait sentir ce qui s'était passé —
je déracinais les blancs cyclamens
qui avaient réussi à paraître
sous ma langue.
4
Une voix derrière soufflait et s'animait,
mon bras s'engourdissait. Je n'entendais pas
la nouvelle question et si c'était
ton sang à toi et de plus
à la lumière du jour ?
Mais non et je calmais
un souffle en déficit. (Je pensais à un visage
sur mon visage un martyre : oreilles
posées en hâte, bouche mal cousue
empruntée à moi) et pas de crimes : blessures
soupçon, sol tapissé par la nuit lourde et dépouillée.
Et ses lèvres se pinçaient, se pinçaient : je lisais «racine»
et une voix derrière soufflait et diable
Il n'y avait pas seulement la main dans sa main
elle persistait dans mon refus.
5
Et je devais tendre les bras sans cesse
aller tout aussi hésitant
dans le plein de la lumière ou dans l'obscurité
la plus naturelle car on ne sait jamais quand tes yeux
ne verront plus l'intérieur de la distance
ni comment l'aveuglement
fait de sa victime un saint — enroué
debout près du tas de bois
par le visage, le seul et unique geste
parlait destin
et dès que son corps s'ouvrait
en croix, noires, supposais-je
s'allumaient ses veines au plus profond.
Et je saignais de sueur,
glacé, «spectre» m'écriais-je
«s p e c t r e» par ma voix
et comme son côté j'arrivais en furie :
le mur, son couloir secret —
des pas et d'autres pas montaient
emportaient la tête.
[Sa bouche suspendue
qui avait répété aveuglement
et souri toutes dents dehors,
tenait à présent un rythme métallique
écrivant des formes des oiseaux
sur la fièvre ciel : étroit plafond.]
6
On voyait
la femme dans l'auberge elle semblait partager
un difficile repentir : tandis
qu'en rêve elle agitait les bras —
elle tournait les aiguilles,
jetait des cordes rouges aux quatre coins
et posait mon manteau
sur mes épaules, doigts blancs, cheveux —
(Cela m'étonnait toujours
un siège vide et dans son ombre
deux têtes vertes)
— et montrait dessus à demi rongée la lampe.
Né en 1960, ce musicien professionnel, chanteur et auteur de chansons, a publié deux recueils de poèmes et en prépare un troisième.
MORT APPARENTE
Les petits-fils de Tantale et leur punition en gage
Et dans des galeries souterraines les prophètes
Squelettes errants du silence avec leurs sistres
Dans les prairies de leur midi les crieurs
Portent plainte par sentences contre les Euménides
Cinq vents cueillant l'entraille d'un matin mûr
Ont aiguisé leurs griffes aux cordes d'une vigne
Mémorisant des floraisons de femmes
Comptant du komboloï les vertèbres
Des hirondelles de feu dessinant une comète
Franchissent les hâtes des tempêtes
Avant que tombent sans bruit des étoiles mortes
Dans les archives des journaux dort l'histoire
Je me contracte en la matrice de l'hydrogène
Ascète dans la nuit dans sa mort apparente
Les baleines échouent dans les glaces
Et toi sirène sous-marine tu ris renversée
Armant des arches et de jeunes Alexandres
VISITE
Tu as levé des marées mais j'ai marché navire
Tu marchais dans des mondes parallèles
Tenant la lampe des aubes une fois couchées
Sur tes épaules naguère se dressaient des ailes
Ma tristesse amour enfui dans les bois
Dans des jardins et des prairies
Change de formes et de codes en silence
Il a pour allié le chaos l'infini pour patrie
Tu avais un visiteur dans la maison de ton âme
Un voyageur loqueteux parlant de tout
Il a mis une pierre bleue des océans sur ta poitrine
Tu lui as montré la porte les mains vides
Ton âme est demeurée graine qui ne germe pas
Quoique je reçoive désormais c'est trop peu
L'Univers a changé de conscience
La tristesse amour est partout
RÉSUMÉ
Nous avons pris le sentier à quatre pattes
Avant de nous mettre timidement debout
Avons grandi dominateurs étendu nos pensées
Développé nos sens nos muses aux sept couleurs
Et fini par bâtir des avenues des villes
Écrivant édifiant nos ouvrages admirables
Lançant nos regards vers d'autres galaxies
Nous baladant sur la lune des amours
Tournant vers l'infini nos projets d'avenir
Mais les drapeaux des guerres saignent encore
Nos passions noires ne comptent pas
Et n'écoutent pas sagement l'harmonie
Mais l'avidité aiguise encore
Ses mâchoires sans chair au sourire menteur
L'histoire des idiots en couverture
La minorité toujours s'épuise à chercher l'évidence
L'enfant est encore là étonné affamé
Depuis la nuit des temps et contemple
L'inconnu du chaos dans le monde connu
AVEU
Ton visage ton corps dans ton théâtre d'ombres
Plus ton silence marquait les mots
Plus tes grimaces faisaient voir les pages
Et plus tu bouchais tes yeux par des énigmes d'ombres
Plus les poses de ton corps trahissaient des sentiments
Je lisais des messages trouvais tes clés jusqu'au moment
Où tu m'as parlé en pleurant balbutiante
Tu ne m'as rien dit de tout ce que j'avais vu
Craignant les vérités tissant tes énigmes
Tu as jeté deux émeraudes ton regard et sa honte
Qu'il se brise en morceaux que ne se voient plus les fautes
Meurtrissant ton image celle que j'aimais
Les mots que tu me devais auraient pu pousser jacinthes
Dans le jardin du cœur qui attend
Quand donc les hommes parleront-ils enfin
Comme l'eau coule de source
Comme les vents chuchotent la pensée
Comme la lumière envoie les couleurs aux yeux
Comme les cœurs battent à l'allure de l'amour
Ainsi grandissent les solitudes parmi la foule des inconnus
Ainsi nous sommes-nous perdus dans l'éclipse du jour
ÉPHÉMÈRE IMMORTALITÉ
La déesse mit au monde en hurlant
Sur une tombe l'enfant d'un viol bestial
Qui vieillit désarmé sous une mère tyrannique
Près du tombeau fantômes les vieillards
En posture d'embryon et le monde entier
Vibre dans l'enfer de l'amour
Mère bienheureuse et bien-aimée
Tu m'as maudit en m'accordant l'éphémère immortalité
Elle est née je ne sais quand, je ne sais où, elle a étudié je ne sais quoi, j'attends de ses nouvelles avec impatience pour éclairer ses lecteurs francophones.
LA SAISON CHANGE
La main tremblant tenant l'arme
tombent la victime et le tueur
la balle est dans un autre espace
et le tueur avec la victime
Mais leurs visages sont changés
pareils entre eux, pareils aux autres
La mère perd l'enfant grandi
sur des voies glissantes de graisse
Espoirs dans les parois de verre
les pieds qui frappent sont de bois
on est nourri par safari
mâcher en beauté coûte cher
Quand certains naissaient par temps froid
ils savaient que le soleil viendrait
nous autres naissons au soleil
dans la froidure par principe
Si tout s'est embrouillé tant pis
les couleurs ensemble embellissent
mais l'aiguille ne fait plus mal
au doigt qu'elle vient de piquer
La saison change, revenue
aux déserts, seuls les forts la nuit
ont leur lame qui brille, oublié
l'orgasme humain dans l'abstinence
RETROUVAILLES
Mon corps s'est accroché à ton corps
comme l'exilé qui rentre au pays
A reconnu les hautes montagnes les vastes mers
s'est enfoncé dans les recoins obscurs
Surpris par tout ce qui a changé
s'est souvenu malgré tout du chemin
Les détails se sont approfondis
bien cachés dans le temps
Il a tout senti
comme un enfant dans la citerne de sa mère
Est parvenu à charger
le rêve à demi noyé dans la cale
Puis s'en est allé d'un air fier
en promettant de revenir
Les retrouvailles ont eu lieu
dans l'attente de la patrie
À VISAGE DÉCOUVERT
À visage découvert
sans biaiser
ni s'abaisser
agit la violence
histoires et contes
persuadent
des bébés adultes
sans valeurs
ni mouvements
notre chômeur avance
sur les champs d'espaces
des civils
combattent
dans les rues de la civilisation
comme des chiens
meurent les étrangers
avec des croix
foulards sur la tête
le passé se réveille
À visage découvert
La honte s'en va
mais tout le reste demeurant
je vis j'en ai bien peur
dans le mauvais drame
JE NE T'AIME PAS
Je voulais fermer les yeux et rêver
mais je n'ai rien vu
Je ne t'ai pas entendu entrer
n'ai pas reconnu ta voix
J'ai frotté mes mains aux parois rugueuses
pour souffrir là, ne plus souffrir
Et si mes yeux ont pleuré
mon âme a encore faim
Je ne t'aime pas
c'est pourquoi je me refuse
à te tourmenter encore
je n'ai pas oublié
Mais je voudrais
encore une fois
comme j'avais osé le faire
te désirer
LA VIE EN MARCHE
Une malédiction efface
tout ce qui se dessine
sur le ciel
du paradis
Les dieux
en ont décidé ainsi
pour recueillir
l'ingratitude répandue
Une mère touche
ses entrailles pour voir
où se trouve uni
tant de bonheur à la douleur
La vérité
joue à cache-cache
dans les reflets
de deux paires d'yeux
Et toi comme moi
dans nos rôles
convaincants nous restons
pour nos spectateurs
Tandis que la vie marche
sur les sentiers
que décident à chaque fois
nos silences
Haletant sur la route
vers des jours meilleurs
dont tout le monde feint de croire
qu'ils viendront