Christine Lagarde, andouille du mois ? Jamais de la vie ! Elle est tout le contraire d'une andouille, dira-t-on, cette surdouée à qui tout réussit, ancienne ministre, actuelle directrice du FMI, riche et célèbre, classée cinquième cette année au classement amerloque des femmes les plus puissantes du monde ! Elle n'a même pas la rondeur bonhomme qui fait les bonnes andouilles, cette grande bourgeoise arrogante et sèche, ce vautour sans états d'âme, obséquieuse avec les banquiers qui nous gouvernent et cruelle avec les démunis.
Il lui arrive de dire n'importe quoi, il est vrai. Elle a fait rire, naguère, en déclarant que feu le roi d'Arabie saoudite était un grand défenseur des femmes. Mais c'est la fonction qui veut ça, il faut bien lécher les culs enduits de pétrole, et le seul fait de déclarer une chose pareille sans pouffer dénote un culot et une maîtrise de soi exceptionnels.
Certains n'ont pas aimé non plus la leçon donnée récemment aux Grecs, fermement invités à payer leurs impôts, bande de rats — elle qui n'est pas imposée, qui se vautre dans les dollars, alors qu'eux crèvent la dalle. C'était odieux, indécent, limite ridicule, mais dans les hauteurs où elle plane on a tous les droits, et ces pouilleux de Grecs et leurs malheurs, n'est-ce pas, vus de Wall Street, ce n'est rien qu'un peu de poussière.
Et pourtant, depuis l'autre jour, une petite voix me chuchote obstinément : andouille-la, andouille-la ! Et ce à cause d'une simple petite phrase. C'était lors d'une nième négociation de la dernière chance avec les Grecs. Comme ceux-ci refusaient encore de se laisser plumer, elle s'est écriée qu'elle souhaitait négocier «avec des adultes dans la salle». On pourra trouver la remarque anodine, ou du moins prévisible ; pour moi, elle a franchi une invisible frontière, au-delà de quoi tout bascule.
Étonnante inversion des rôles, en effet. Considérer comme des adultes les patrons de la planète, qu'elle représente, ces êtres à la fois séniles et gamins, irresponsables, coupés de toute réalité derrière les vitres teintées de leurs limousines ! Traiter comme des morveux les jeunes dirigeants grecs, si proches de leur peuple et du réel le plus rude ! Et ce dans une rencontre officielle, au mépris des usages ! Qu'aurait-on dit si les Grecs l'avaient mouchée sur le même ton ?
Bizarre paradoxe, dont je suis moi-même tout surpris : d'être allée trop loin dans l'insulte la sauve, dans un sens. Elle a cessé d'être infaillible, Robocop a pété les plombs, sa maladresse grossière la rend humaine enfin, et la juste haine qu'elle m'inspirait jusqu'alors se transmue d'un coup en compassion. Oui, j'ai pitié de Mme Lagarde — comme j'ai pitié de Marie-Antoinette, qui pétait dans la soie et méprisait le peuple elle aussi, et a payé bien cher, trop cher, son «Qu'ils mangent de la brioche». Je ne sais si les mêmes causes produiront les mêmes effets, si Mme Lagarde et ses pareils connaîtront la même fin violente, mais tout est possible, et le cas échéant je verserai sur elle, peut-être, une petite larme.
Tartagueule, Alexis, p'tit con ! |