ANDOUILLE SANS SEXE


Le mois dernier, la reine Victoria d'Angleterre décrochait l'Andouille en déclarant que l'homosexualité féminine est quelque chose de trop horrible pour exister ! Portée à de tels sommets, la naïveté devient admirable. Comment faire mieux, s'est-on demandé, dans le domaine de l'andouillerie amoureuse ?

On peut toujours faire mieux. Un mois plus tard, la reine des rosbifs est détrônée par une Française : Maud Olivier, députée de l'Essonne, maire des Ulis et membre du Parti Socialiste. Cette valeureuse andouillette est en train de se faire connaître en bataillant contre la prostitution, qu'elle a fait vœu d'éradiquer. Louons son immense courage. Nous n'allons pas disserter ici sur cette passionnante interrogation philosophique : aller chez les putes, est-ce mal ? La question, c'est de savoir si une société sans putes est possible. Dans certains pays où il fait bon vivre, comme l'Arabie Saoudite et le Zimbabwe, ce genre de commerce est carrément interdit et la population unanime coule des jours heureux dans l'harmonie. Dans d'autres pays, les avis semblent partagés. Le journaliste interviewant Mme Olivier, apparemment dubitatif, s'inquiète de savoir ce qu'il adviendra, par exemple, lorsque de lourdes amendes auront dissuadé les michetons, contraignant ces dames à grossir les queues de Pôle Emploi. Comment traiterons-nous alors la misère sexuelle, Madame la Députée ?

— 50 % des clients de la prostitution sont en couple, donc ne parlons pas de misère sexuelle !

Voilà qui mine de rien est déjà splendide. Ils sont en couple, donc ils s'éclatent au pieu ! Il semble bien que 1) notre nouvelle Marthe Richard ait la chance d'être dotée d'un compagnon aimant et vigoureux, mais que 2) son bonheur personnel lui donne du commun de l'humanité une vision quelque peu idéale. Est-elle vraiment naïve ou plutôt de mauvaise foi ? À peine a-t-on le temps de se poser la question que la suite nous tombe dessus, grandiose :

— Et il faut se retirer de l'esprit cette idée reçue qu'il y a des besoins particuliers chez les hommes. Il n'y a pas d'instinct sexuel, c'est un apprentissage global, de la société, qui fait que les hommes, comme les femmes, ont un besoin sexuel. Ce sont des besoins qui sont créés de toutes pièces, qui n'ont pas d'existence réelle !

Voilà qui nous la coupe. On se frotte les yeux. On relit. On regarde la date : la chose a été publiée voilà quelques jours déjà, et personne apparemment n'a relevé. Nous en serions déjà là ? Démodé, out, le sexe ? Pire encore, tranquillement nié ? Et par la gauche en plus, ou du moins ce qui en porte le nom ? On se reprochait d'appeler in petto l'actuel président Couille Molle, et il va falloir convenir, tristement tout de même, que décidément P.S. veut dire Pauvreté Sexuelle ? Oh putain...

Il y aura au moins une heureuse dans l'affaire : notre députée députeuse. La couronne d'Olivier sera donc désormais charcutière. Notre consternation d'êtres raisonnables est largement contrebalancée par le plaisir esthétique : comment aller plus loin dans le déni majestueusement imbécile du réel ? La sottise, elle aussi, peut devenir une œuvre d'art.

L'inconvénient, avec ces quelques phrases flamboyantes, c'est qu'elles font pâlir le reste de l'entretien. Il se réduit à des justifications laborieusement jésuitiques : nous allons transformer les clients des prostituées en délinquants, mais non, nous ne sanctionnons pas, nous ne menaçons pas, nous ne sommes pas liberticides ! Nous leur ferons payer de fortes amendes, certes, mais la prison, non, tout de même, sans doute pas !

Laissons notre P.S. (Pure et Sainte) à sa vertueuse croisade, et osons la question gênante : supposons que nous parvenions à supprimer la prostitution (un petit coup de pouce de Dieu sera nécessaire), par quoi la remplacerons-nous ? Que feront dès lors certains mâles frustrés pour apaiser leurs immondes prurits ?

Qu'on me permette un humble conseil. Madame, en attendant que ces «besoins créés de toutes pièces», selon vos propres termes, aient totalement disparu, ce qui pourrait prendre un certain temps, je ne vois qu'une solution : une campagne nationale, dans les écoles, les casernes, les clubs de sport, partout, en faveur de... mais oui, de la masturbation, cette grande bienfaitrice méconnue.

Attention : pas question d'encourager le recours à des photographies de personnes dénudées aux postures équivoques, dont l'exposition est si dégradante pour elles comme pour nous. Une sexualité plus saine peut trouver ses objets dans une foule de domaines plus acceptables socialement, plus édifiants, plus stimulants pour l'intellect : citons au hasard, entre beaucoup d'autres, les grands prix de Formule 1, les parades militaires ou les discours virils du ministre le plus aimé des Français, opportunément prénommé Manuel !



Ce que félin, les autres doivent le faire.
Il matou l'air heureux !

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