INFRA-ANDOUILLESQUE


Marc Lévy, intronisé andouille ? J'entends des murmures indignés. L'andouille, qu'on l'apprécie ou non, a une certaine saveur, une certaine pesanteur. Or, on le sait, les romans du monsieur doivent leur succès à leur insipidité parfaite, à l'absence totale de troubles digestifs qu'ils procurent. Ils sont aux coriaces chefs-d'œuvre qu'on avale à grand peine ce que le babybel est au munster, et le chausson aux pommes au chausson de la danseuse.

J'avais déjà rendu hommage à ce touilleur de blédine dans les Brèves n°92 avec un florilège de citations sur son thème favori : l'Amour, et je pourrais enchaîner ici sur d'autres sujets non moins graves et profonds, en enfilant les perles inlassablement distillées par ce robinet d'abondance, cette corne d'eau tiède nommée Marc Lévy :

«Il est un temps où il faut s'avouer ses propres vérités et identifier ce que l'on attend de la vie. Il faut identifier le bonheur lorsqu'il est à ses pieds, avoir le courage et la détermination de se baisser pour le prendre dans ses bras... et le garder.» Oui, mais «personne n'est propriétaire du bonheur, on a parfois la chance d'avoir un bail, et d'en être locataire. Il faut être très régulier sur le paiement de ses loyers, on se fait exproprier très vite.» En fait, «on ne peut pas tout vivre, alors l'important est de vivre l'essentiel et chacun de nous a son essentiel. La vie se goûte à l'appétit de tous les jours. C'est pendant qu'on calcule, qu'on analyse les pour et les contre, que la vie passe, et qu'il ne se passe rien.»

«Fabrique industrielle de clichés... morale de supérette...» a-t-on écrit. Certes. Mes amis renchérissent : «Ton Lévy ne nous fait pas lévyter...» «Lévy, on l'évite !» Vos calembours à la mords-moi le neuneu sont indignes de ce site, chers amis, mais je ne peux que vous approuver : Marc Lévy romancier-penseur est ectoplasmique, infra-andouillesque, bref, indigne de nos lauriers. Je m'en voudrais de me brouiller pour si peu avec vous. L'amitié ne se construit pas sans preuves de confiance. Étrangement, on en veut souvent à la personne qui vous dit une vérité difficile à entendre, impossible à croire. On est tous l'étranger de quelqu'un.

Je m'apprête à laisser filer ma proie, lorsque, miracle ! je tombe sur une interview donnée à l'Express en 2010. J'apprends que notre homme, enrichi par sa guimauve, vit princièrement à New York. Ce qui ne va pas sans risques ni tourments. Qui chantera les malheurs des riches ?

«Au printemps 1983, le plan d'austérité du gouvernement socialiste de Mauroy instituait un carnet de change pour limiter la sortie de devises. J'ai eu le sentiment qu'on me dépossédait de mes valeurs et de mon identité. À chaque fois que je vois Pierre Mauroy à la télévision, j'ai froid dans le dos.»

Le comique involontaire n'est pas le moins comique, et les voies de l'andouillerie sont impénétrables. Je sens, là, soudain, que je tiens mon andouille. Le néant douceâtre est devenu un être de chair et de sang. Que le brave M. Mauroy fasse chaud ou froid à quelqu'un, c'est un scoop absolu. C'est grandiose. Et notre Andouille du Mois consolera Marc Lévy de ses souffrances — celles de 1983 et celles aussi, mémorielles, de 2010. Car «c'est dur parfois de replonger dans le passé, il faut beaucoup de force, beaucoup de courage».



Salauds de socialos, qui l'empêchent de changer de bagnole tous les ans !
Le paradis selon Marc Lévy.

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