Arnaud Montebourg ? Tout sauf une andouille. Un brillant sujet ! Un conquérant à qui tout réussit ! Jeune encore (il a cinquante ans mais en paraît moins), cet ancien avocat est un si beau parleur qu'il a décroché un poste de ministre ; après avoir épousé une comtesse, il a conquis le monde enchanté des médias en séduisant une journaliste connue, ce qui fait de lui l'un des porte-drapeaux de la nouvelle génération politicienne pipole ; les éléphants vieillissants du PS seront bientôt sans défense(s) face à ce «jeune lion», comme il s'auto-décrit.
Alors pourquoi lui décerner notre Andouille, à cet homme déjà couvert de gloire ?
Les autres lauréats, pour l'emporter, ont dû parfois pondre de longues tartines, voire des livres entiers. Montebourg, lui, est très fort : une phrase lui a suffi. Prononcée l'autre jour, elle a aussitôt fait le tour de l'hexagone, suscitant l'admiration des experts.
«Le nucléaire est une filière d'avenir».
Voilà ce qu'il a dit ! Si, si, on peut me croire : je l'ai vu sur DailyTube, c'est donc vrai. Et c'est grandiose. Le volkonaute se rend-il bien compte ? Les preuves scientifiques s'accumulent, les témoignages accablants se succèdent, tout le monde à présent le sait, même ceux qui s'efforcent d'oublier et de nous faire oublier : le nucléaire est une folie dangereuse, condamnée à plus ou moins brève échéance.
Alors ? Comment justifier ce fantastique déni du réel ?
Première explication : vivant dans sa bulle, entouré d'autres politiciens, d'industriels ayant mis leurs billes dans l'atome, de journalistes à leur solde, notre homme a perdu tout contact avec la réalité ; il perpétue mécaniquement les veilles croyances fatiguées de la génération antérieure, comme si le monde merveilleux d'il y a un demi-siècle allait survivre éternellement.
Seconde explication : il sait. Il est parfaitement informé. Mais que faire ? On est embarqué dans une équipe, on doit suivre le mouvement, obéir aux chefs, faute de quoi on perd son job. Sans compter les copains qui font leur beurre dans le nucléaire et qui vont exploser si on leur casse la baraque. Et puis les électeurs, hein ? Ils votent pour qui, les électeurs, intoxiqués depuis des lustres par une désinformation qui touche au chef-d'œuvre ? Et même si on avait assez de couilles pour tenter de l'arrêter, ce train fou qui nous emporte, quelle galère ! Rien que d'y penser on est épuisé.
On ne lui en demande pas tant. Il aurait pu, l'habile homme, vaguement noyer le poisson dans un océan de langue de bois. Il a plutôt choisi la provoc énorme, avec un goût du paradoxe hurluberlu, un certain panache crétin mais joyeux, qu'on pourra mettre à son actif. Car quant au reste, quelle que soit la vraie motivation de Montebourg, il faut l'avouer : derrière la surface en papier glacé, derrière le beau gosse chéri des magazines, derrière le masque de jeune lion brillant, ce qu'on découvre à l'intérieur, c'est un politicard ringard, un papy flapi.
Qu'il était beau, l'avenir, en 66... |