ANDOUILLE ANTI-GRECQUE


Il dessine tous les jours dans Le Monde. Le 30 mai 2012, son crobard montre deux Grecs affalés par terre, foutus branleurs occupés à picoler au lieu de se mettre au boulot.

La Grèce n'a pas que des qualités, je la houspille moi-même à l'occasion, mais qu'un journal réputé sérieux lui jette à la figure ce genre de vieux clichés bons à faire s'esclaffer grassement les andouilles, c'est rageant. Frapper ainsi une femme à terre, ça manque terriblement de classe.

Andouille de concours, Xavier Gorce ? Pour l'instant, vu la banalité de sa pensée, je ne vois pas là de quoi l'extraire d'une foule immense pour le hisser sur notre piédestal mensuel. Je suis simplement furax.

Je réponds vertement au barbouilleur. Il réplique ! Au lieu de s'écraser, il se justifie longuement ; au lieu de méaculper, il en remet une louche. (Voir l'intégrale de cette correspondance à la rubrique ELLE, MA GRÈCE, au chapitre «Lettre d'un indigné».) Pour finir — et c'est là que son andouillerie prend tournure — l'homme du Monde m'invite à diffuser sa prose, si je l'ose. On le sent tout fier de sa bafouille. Sûr de m'avoir mouché. Il ne voit pas que son texte est pire encore que son dessin et qu'il va lui attirer, sur une flopée de blogs, des volées de noms d'oiseaux.

Je n'ai jamais saisi l'humour de Xavier Gorce, souvent je ne comprends même pas ses dessins. En le lisant je saisis mieux pourquoi : sa pensée obéit à une logique autre. On a rarement la chance de rencontrer des raisonnements aussi andouillomorphes que celui-ci :

«On ne peut peut-être pas aller jusqu'à dire que les Grecs son (sic) fainéants mais ne pas payer de taxes et d'impôt c'est également récupérer de l'argent indu, donc, à bénéfice égal, travailler moins... entre fainéantise et "arnaque", la différence est sur la nature de l'économie : le fainéant économise du temps de travail et l'arnaqueur triche sur l'argent. Mais le temps et l'argent, n'est-ce pas la même chose ?»

On lit, on relit pour mieux savourer cette miraculeuse alliance d'ingéniosité tordue et de franche sottise. Elle aurait sa place dans un best of de l'antihellénisme primaire, dont Gorce, du même coup, s'affirme comme l'une des stars. On la verrait bien aussi dans une anthologie de la pensée foireuse, en compagnie du passage suivant :

«Le dessin (...) doit aller aussi à rebrousse-poil des idées entendues de la pensée dominante. La pensée dominante n'est pas la même selon le public auquel on s'adresse. Et ce dessin, qui pourrait être nauséabond dans un journal "de droite", me semble pouvoir être intéressant destiné à un public prétendument plutôt de gauche : il prend le contre-pied de la vision "de gauche" d'une Grèce et d'un peuple grec victimes des marchés.»

Si le lecteur du Monde est «prétendument de gauche», en bon français cela veut dire qu'il ne l'est pas. L'artiste a probablement voulu dire que ledit lecteur est censé appartenir à la gauche, mais rectifions en silence, oublions l'andouillerie de l'expression pour nous concentrer sur celle de la pensée. C'est mon ami Lours — tout le contraire d'une andouille — qui l'a mise en lumière de façon imparable :

«Ce type serait plus utile en faisant des dessins de gauche dans un journal de droite...»

Xavier Gorce au Figaro ? Doit-il rejoindre cet environnement plus propice, ou conserver sa place dans un journal où l'andouillerie, tout de même un peu moins fréquente, met mieux la sienne en valeur ?





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