On la trouvait plutôt jolie Lily / Elle arrivait des Somalies Lily / Dans un bateau plein d'émigrés / Qui venaient tous de leur plein gré / Vider les poubelles à Paris / Elle croyait qu'on était égaux Lily / Au pays de Voltaire et d'Hugo Lily / Mais pour Debussy en revanche / Il faut deux noires pour une blanche / Ça fait un sacré distinguo / Elle aimait tant la liberté Lily / Elle rêvait de fraternité Lily / Un hôtelier rue Secrétan / Lui a précisé en arrivant / Qu'on ne recevait que des Blancs
Elle a déchargé des cageots Lily / Elle s'est tapé les sales boulots Lily / Elle crie pour vendre des choux-fleurs / Dans la rue ses frères de couleur / L'accompagnent au marteau-piqueur / Et quand on l'appelait Blanche-Neige Lily / Elle se laissait plus prendre au piège Lily / Elle trouvait ça très amusant / Même s'il fallait serrer les dents / Ils auraient été trop contents...
Ceux qui ont de la culture auront reconnu la patte de Pierre Perret, qui créa la chanson «Lily», désormais classique, en 1977.
L'ami Pierrot, une andouille ? Oh que non. Il n'est là qu'en humble faire-valoir de notre lauréat du mois : l'incomparable Alain Finkielkraut.
Mouvements divers dans l'assistance. Pas trop tôt, ronchonnent certains, il fallait commencer par lui ! D'autres râlent devant un choix si banal. Je le reconnais : se payer Finkielkraut, c'est trop facile, ça fait cliché. Ce pontifiant est un poncif ambulant. Il occupe depuis des années, un peu partout dans nos médias, qu'ils soient d'écrit, de parole ou d'image, le fauteuil du Scrogneugneu-en-chef, chantre des vertus passées, pourfendeur des turpitudes présentes, apôtre d'un antiracisme à géométrie variable. Il est omniprésent, inépuisable, on dirait que le public aime ça !
Ce qui me pose problème, c'est justement cette abondance : je ne sais par où commencer, tant l'andouillerie chez lui prospère et prolifère.
Je crois que j'ai trouvé ! Un site d'extrême-droite nous offre, pieusement archivées, deux interventions télévisées de la star sur le même sujet : notre éducation nationale et sa décadence. Deux grandes envolées pleines de bruit et de fureur.
L'une d'elles, datant de 2005, est motivée par l'épreuve de français d'un bac de technicien cette année-là. Trois sujets au choix, trois auteurs : Beaumarchais, Hugo, Perret. C'est ce dernier qui concentre l'ire du Gardien des traditions. Pour deux raisons. Il y a d'abord ce sacrilège : un petit chanteur à côté des grands classiques, signe de confusion des valeurs, de «déculturation générale», de «nivellement par le bas», de «on n'a plus le droit de faire l'expérience des belles choses». Mais le pire, pour notre censeur, c'est cette image d'une France raciste véhiculée par la chanson. Une honte ! Tout ça, c'est propagande et compagnie ! «Lily n'existe pas !» «La France est le pays le plus hospitalier du monde !»
On réécoute le passage pour s'assurer qu'on a bien entendu. Eh oui ! Textuel ! Faut le faire — même avant 2007... Et ce n'est pas tout : le sujet sur Victor Hugo est fustigé lui aussi : on a demandé aux candidats de montrer en quoi Fantine fut poussée à la prostitution par la société. Encore la propagande ! Encore la gauche et ses leçons de morale — qui sont en fait des leçons d'anarchie !
L'autre vidéo en remet une couche, une sacrée couche. «La république est bafouée par la propagande.» «Un nouveau parti dévot règne sur l'enseignement laïc.» «Néo-stalinisme anti-raciste.» «Dictature de la démocratie». etc. etc. Bref, Moscou attaque. Et cette perle finale : «L'école est en train de devenir une petite enclave soviétique.»
Lorsqu'on a vécu, ces quarante dernières années, la droitisation inexorable du corps enseignant, devenu dans sa majorité totalement amorphe et moutonnier, lorsqu'on a vu à l'œuvre au quotidien certains syndicalistes dits de gauche, il y a de quoi se marrer amèrement. Si notre homme a fréquenté une salle des profs, c'était sûrement dans les années 70... Mais peu lui chaut : il n'est jamais aussi à l'aise, comme toutes les andouilles, qu'en parlant de ce qu'il ne connaît pas.
J'ai conscience de trop peu le citer, de ne pas assez l'analyser. De passer sous silence, par exemple, l'étincelant collier de perles qu'il a pondu sur la nocivité d'Internet — encore un sujet qu'il ignore. Disons-le : je bâcle carrément. À cela trois raisons :
— Comme le disait l'un de mes condisciples jadis dans une dissertation : «Point n'est besoin de citer les exemples : ils abondent !» Le cirque Finkielkraut est trop connu, chacun n'a qu'à se pencher sur la moindre de ses pages, ou de ses tirades, pour cueillir de ténébreux trésors.
— Les paroles des grandes arias finkielkrautiennes, si convenues, valent moins sans doute que l'interprétation. Il faudrait pouvoir le montrer, Finkielkraut : son air accablé devant la bêtise du monde, la bêtise des questions qu'on lui pose, la bêtise de ses interlocuteurs, sa soudaine véhémence dès qu'il vous coupe la parole pour vous balancer la sienne en pleine figure. Étrange mélange de dépressif et d'hyperactif, il se désole et en même temps, sans aucun doute, il jubile : le monde part à vau-l'eau, moi seul le vois, moi seul me bats, admirez ma science et mon courage.
— En fait, Finkielkraut m'emmerde. Elle ne m'amuse même pas, cette andouille triste. Je ne trouve pas, comme lui, mon plaisir dans la déprime. Il ne vous flanque pas le bourdon, à vous ? Vous ne sentez pas l'odeur de renfermé ? Ouvrons la fenêtre, enfin !
Lire un bon livre / Ça redonne envie de vivre / Ça vous donne envie de partir / À la recherche du temps perdu / Lire un bon livre / Ça vous donne envie de suivre / Robinson ou Gulliver / Ou Cosette et Javert (...)
Lire un bon livre / Ça vous donne envie de suivre / Albert Cohen ou Balzac / Machiavel ou Pierre Dac (...)
Après Dumas et Kessel / Découvrez Raymond Roussel (...)
Vous resterez étourdi / Du Voyage au bout de la nuit / Raboliot vous séduira / Comme Zazie ou Jacques Vingtras (...)
De qui, ces excellents conseils de lecture, d'une diversité saine et réjouissante ? Pierre Perret bien sûr ! Bon, d'accord, ce n'est pas Mallarmé, mais moi je trouve ça sympa, et souvent mieux que sympa. Bien torché. Joyeux. Tonique. Avec Pierre Perret, on respire bien. Voilà pourquoi nous finissons comme nous commençâmes, par le meilleur, en noyant l'andouille pas fraîche entre deux bonnes grosses tranches de pain moelleux.
— C'est pas toi qui l'auras, mon lolo, Finkie ! |