ANDOUILLE ET CONTRACEPTION


S'en souvient-on ? Il y a quarante ans, en pleines swinging sixties, notre beau pays, ce phare illuminant le monde, prohibait encore la contraception ! Lorsqu'un député de droite, Lucien Neuwirth, déposa en 1967 son projet de loi autorisant la pilule, ce fut un tollé assourdissant, et pas seulement du côté de ses coreligionnaires... À la tribune de l'Assemblée, les adversaires de la loi rivalisèrent d'andouillerie. Ça fusait, ça grouillait, pire que les spermatozoïdes au moment du sprint.

Difficile de distinguer, dans cette orgie, le moment le plus grandiose. J'ai failli déposer l'andouille du mois, arrondie en couronne, à titre posthume, sur le front mâle de Jean Coumaros, député de la Moselle, qui déclara devant ses pairs :

«Il est regrettable qu'un tel projet ne puisse être discuté à huis clos, comme aux assises quand il s'agit d'affaires de mœurs. (...) Les enfants ne sont pas toujours engendrés par la réflexion et la raison, mais dans un élan d'amour irrésistible, comme l'exigent la nature et l'instinct de continuité de l'espèce humaine. [Avec la pilule], ces effusions périront dans le néant. Les maris ont-ils songé que désormais c'est la femme qui détiendra le pouvoir absolu d'avoir ou de ne pas avoir d'enfant en absorbant la pilule, même à leur insu ? Les hommes perdront alors la fière conscience de leur virilité féconde et les femmes ne seront plus qu'un objet de volupté stérile.»

Quand on pense que si les parents de M. Coumaros avaient connu la pilule, nous aurions pu être privés de cette fière homélie ! Las... La noble salive de l'orateur ne parvint pas à féconder les esprits, la loi passa (non sans mal), fut même appliquée (cinq ans plus tard), et voici, pour porter l'avanie à son comble, que je retire son trophée à l'obscur défenseur de la suprématie masculine, faisant avorter du même coup son unique espoir d'immortalité.

Car j'ai trouvé meilleur que lui !

Les andouilles anticontraceptives étaient alors essentiellement de couleur tricolore ou brune, on s'en serait douté, mais c'en est une d'un rouge vif qui vient d'attirer mon œil. Eh oui : le parti communiste, dont la religion sur ce sujet a varié de façon vertigineuse, tendait la main, ces années-là, aux croisés de la bonne vieille morale traditionnelle.

Les phrases qui suivent, prononcées elles aussi à l'Assemblée, résument la position officielle du Parti :

«Le ''Birth control'' est dirigé non seulement pour couvrir les crimes du capitalisme, non seulement dirigé contre les travailleurs et pour justification du colonialisme. Il est un grave danger pour la nation... Le ''Birth control'', la maternité volontaire, est un leurre pour les masses populaires, mais c'est une arme entre les mains de la bourgeoisie contre les lois sociales. Non, les communistes ne peuvent considérer la recherche de solutions individuelles contraires à la nation. Il faut rechercher les solutions collectives aux difficultés des masses populaires, aux misères des masses populaires, les solutions conformes à l'intérêt de la classe ouvrière, à l'avenir de la nation.»

Qu'on ne se laisse pas leurrer par la première phrase et sa gaucherie manifestement voulue, qui affiche le rejet de valeurs bourgeoises telles que la correction grammaticale, la légèreté, l'élégance. Qu'on admire plutôt l'usage puissant de l'assonance : populaire... misères... populaires... ouvrières... Le nom de l'ennemi répété, pour horrifier davantage, dans la langue anglaise, cette prostituée vendue au capitalisme... Birth control ! Birth control ! C'est beau comme un solo de marteau-pilon.

Et le plus beau, le plus incroyable : l'orateur en question... est une oratrice ! Une louve hurlant avec les loups ! Une femme jetant l'anathème sur la libération des femmes ! Oui, Jeannette Vermeersch est sûrement une femme, dans un sens, elle a fait des enfants, mais pour ce qui est du sectarisme, de l'étroitesse d'esprit, de la rigidité mentale, la compagne de Maurice Thorez aurait pu en remontrer à bien des mâles.

On sait que l'andouillette est une denrée rare, depuis des mois je cherchais en vain une femme pour cette rubrique, et te voici tel le messie, camarade Vermeersch, qui résumes si parfaitement toute une famille spirituelle, toute une tendance éternelle de l'esprit humain. Louange à toi et à Joseph Vissarionovitch Djougachvili, ton génial petit père spirituel, qui t'insémina politiquement ! Votre descendance est un peu maigrelette ces derniers temps, mais patience : ta matrice est vaste et la pilule anti-connerie reste à inventer.



Les Églises, toutes les mêmes.
Deo Stalinoque gratias.

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