«Quand un oiseau chante, est-ce plainte, est-ce joie ? Dit-il son bonheur d'exister ou appelle-t-il la femelle qui lui manque ? Mystère du chant...»
Les éthologues ornithologues prétendent que l'oiseau ne dit qu'une seule chose, tout connement : «Taille-toi d'ici ! taille-toi d'ici !», pour défendre son petit territoire. N'écoutez pas ces scientifiques obtus, cher Eric-Emmanuel Schmitt. La clé du mystère du chant, c'est moi qui vous la donne : l'oiseau chante la gloire de son Créateur. Et celle du divin Mozart. Et sans doute aussi la vôtre. Je vous la donne, cette clé, mais vous la détenez déjà sûrement, cachée au plus profond de votre âme.
Je dois vous faire un aveu : je ne vous avais pas encore lu avant d'ouvrir votre ouvrage, Ma vie avec Mozart, que vous offrîtes à Albin Michel. Je connaissais par ouï-dire, comme tout le monde, vos succès de «jeune et brillant dramaturge», mais j'ignorais vos exploits féminins de «libertin facile à séduire, difficile à épuiser, impossible à retenir» — les deux citations sont de vous.
Mais il s'agit bien de cela ! Foin du sexe ! Votre livre décrit un dialogue tout en sublimation. Face à face, deux géants : Mozart et vous-même. Vous avez la modestie de lui laisser la première place, puisque des deux, tout compte fait, c'est lui qui apporte le plus à l'autre :
«Cher Mozart,
Merci.
Tel un chirurgien des sentiments, tu m'as opéré de tes doigts habiles et je me porte mieux.»
Pour décrire cette rencontre au sommet, ce compagnonnage de toute une vie, vous avez recours aux plus hautes métaphores :
«Ce n'est plus un instrument que j'entends, c'est la vibration d'une âme.»
«Plusieurs fois, grâce à toi, je me suis évadé de ce monde pour rejoindre Dieu en écoutant l'adagio du 21e concerto.
Dieu m'a invité dans son avion. Nous survolons le globe. Assis dans son cockpit, nous admirons la création.»
J'aime aussi beaucoup le «bébé accoudé au balcon de l'utérus».
Contempler les choses de si haut n'empêche pas la précision, la profondeur de la méditation philosophique :
«Au cours d'une vie, chaque individu part en quête de son identité, parfois au milieu des autres ; cependant lorsqu'il se trouve c'est en lui-même, pas à l'extérieur de lui.
Mozart... Tu me semblais une clé secrète pour ouvrir ces portes.»
Écouter Mozart, cher maître, ne vous empêche pas de tendre l'oreille aux bruits du monde actuel ! Ils vous paraissent bien discordants :
«Alléluia ne se dit plus maintenant... Et exultavit, je n'en trouve pas l'équivalent moderne, à moins que ce ne soit ces râles enregistrés dans des studios de postsynchronisation lorsque l'on bruite les films pornographiques. On n'existe plus, Mozart, on partouze...»
Triste époque, où l'on ne respecte plus rien. Témoin ces baroqueux, musiciens sacrilèges :
«Avant de t'interpréter, (...) ils vont chercher des trompettes usagées, des cordes pourries, des pianoforte antédiluviens qui semblent jouer du fond d'une piscine.»
Cependant, qui osera voir en vous un homme du passé ? Votre orthographe («qui a» au lieu d'un banal «qui as») est résolument celle de l'avenir. Vous avez fait, dites-vous, de solides études. Rassurez-vous, cela ne se voit pas.
C'est la modestie, sans doute, qui vous fait protester : Moi, l'andouille du mois ! Mais l'andouille, ça sent la merde !
Nous le savons, mon cher maître, pour avoir accueilli déjà ici même quelques andouilles puantes ; mais il existe aussi, et vous en êtes une bien jolie preuve, des andouilles sucrées, des andouilles inoffensives qui ne sentent rien.