BLESSÉ


Qu'on n'aille pas s'imaginer du sang. Le coureur n'a guère l'occasion de se couper ou de s'écorcher. Les chutes sont rares, provoquées le plus souvent par un chien joueur qui vient se fourrer dans vos pattes. La seule fois où j'ai saigné en courant, autant que je me souvienne, c'était dans la campagne près d'Arles, mordu par un clébard moins gentil qui avait flairé en moi l'estranger. La seule chute où je me sois fait mal, c'était à Chatou, un matin d'hiver avant l'aube. Fichue manie de courir dans le noir : je ne vois pas la chaîne barrant le chemin, ne me vois même pas tomber — dans ces cas-là tout se passe trop vite. Je repars aussitôt, encore trente bornes à couvrir, mais la douleur au flanc droit est si vive que je cale à mi-chemin. Diagnostic : une côte cassée, huit jours sans courir.

Ce que le coureur appelle ses blessures, c'est des douleurs internes, invisibles, affectant les tendons, les muscles, les nerfs, les articulations. Tendinites, contractures, claquages, jamais trop bien su distinguer, le résultat est le même : ça fait mal quand on court, si mal qu'on ne peut plus courir.

Le blessé maudit sa blessure, comme si c'était une injustice, alors qu'il...


(À suivre dans Cours toujours, aux éditions des Vanneaux)



Comme ça on aura moins de mal à la suivre...
Les jeunes aussi.

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