Fin des années 70, bois de Vincennes, samedi matin sept heures. Nous sommes une bonne quinzaine, parfois plus, à démarrer ensemble. Il y a là, sous le maillot jaune et bleu de la VGA Saint-Maur, des gens très différents. Les seize ans d'Ursula côtoient la soixantaine passée de Jean, notre doyen ; de vieux débutants s'accrochent derrière le jeune Alain, futur rédacteur en chef adjoint de L'Équipe, qui taquine les deux heures quarante au marathon ; se retrouvent là, entre autres, quelques petits patrons, deux profs, un journaliste, un conducteur de travaux, un Suisse facteur de clarinettes, deux étudiants, un commissaire de police et un flic de la brigade anti-gang — le plus tranquille et doux de nous tous. Après quelques kilomètres en peloton, deux ou trois groupes se forment et en avant pour deux tours du Bois.
Trente kilomètres, deux heures et demie d'effort plus ou moins, ça fait long tout de même. Courir ensemble allonge la foulée, et raccourcit le temps. Car on cause. Pouvoir parler sans s'essouffler, c'est signe qu'on évolue à la bonne allure d'entraînement, pas trop vite, en équilibre d'oxygène. Pendant deux heures au moins, avant les accélérations finales, ça papote sans arrêt. Nous sommes un salon ambulant, une...
(À suivre dans Cours toujours, aux éditions des Vanneaux)
Verrières, 1988. |