DIEU RIGOLE


L'affaire Rushdie m'a dicté vers 1990 le petit texte ci-dessous, proposé depuis tous les ans en classe de première. Il m'avait alors semblé urgent — ce le sera toujours — de rappeler que notre douce France, malgré ses défauts, est tout de même la patrie de Voltaire et Rabelais. (Oublions la façon dont elle les a traités.)

Les populations musulmanes de Brimeil, assez nombreuses, ont accepté ma charge anti-mollahs sans broncher. Celles du lycée de Chèvres aussi, dans l'ensemble, mis à part quelques cas isolés, dont cinq élèves dans une même classe en 1999. Chose curieuse, les objections n'ont jamais eu le moindre contenu théologique ou politique. Elles se réduisent à une question de forme : Dieu ne peut pas dire de gros mots.

Vous comprenez, m'a dit un élève, Rushdie est un sale type, il y a cinquante fois le mot «fuck» dans son livre...

Je propose donc aux croyants sensibles de ne pas traduire mon œuvre, mais de m'écrire un essay (une rédac) où ils justifient leur réaction négative à son égard. Ma seule élève enfoulardée, en 2003, quant à elle, s'est contentée d'une légère retouche, remplaçant «se foutre de ma gueule» par «se moquer de moi». Cela mis à part, si Dieu est un démocrate et un joyeux luron, no problem.

Amen. Inch'Allah.


(Le texte est donné d'abord dans son entier, puis phrase par phrase. En posant la souris sur le numéro de chacune, on accède à des aides, puis à la traduction. Ready ? Steady... Go !)


Il y a bien des années, un homme écrivit un livre dans lequel certains chapitres se moquaient un peu de la religion. Plusieurs prêtres condamnèrent aussitôt à mort l'imprudent, sans avoir lu le livre bien sûr. Au début Dieu les approuva, car il avait l'habitude de leur faire confiance. Mais comme il n'était pas idiot, lui, il décida d'attendre quelques années avant de faire tuer l'écrivain. Puis, après avoir enfin lu le livre (il est tellement paresseux !), il téléphona à chacun de ses prêtres et leur dit :

«Ce livre m'a bien fait rigoler. Depuis que je l'ai lu je m'ennuie moins qu'avant. En fait j'aime quand on se fout de ma gueule. Si vous aviez autant de talent et d'esprit que lui, mes fidèles seraient sans doute actuellement moins sinistres. Mais la plupart d'entre vous n'ont jamais rien compris, et ceux qui réfléchissent ne sont rien qu'un tas d'hypocrites. Je regrette de ne pas l'avoir compris plus tôt. En tous cas, je veux que ce gars-là vive le plus longtemps possible, compris ? Quant à vous, bande de vieux débris, vous feriez mieux d'aimer la vie, la rigolade, les gens autour de vous (et surtout les femmes !) au lieu de craindre et détester tout ce qui bouge. Quand je vous vois j'ai envie de gerber.»


Bande de vieux débris = You bunch of old goats.



1. Il y a bien des années, un homme écrivit un livre dans lequel certains chapitres se moquaient un peu de la religion.

Many years ago, a man wrote a book in which several chapters made a little fun of religion.


2. Plusieurs prêtres condamnèrent aussitôt à mort l'imprudent, sans avoir lu le livre bien sûr.

Several priests sentenced the foolish writer to death at once, without reading the book of course.


3. Au début Dieu les approuva, car il avait l'habitude de leur faire confiance.

At the beginning God approved of them, for he was used to trusting them.


4. Mais comme il n'était pas idiot, lui, il décida d'attendre quelques années avant de faire tuer l'écrivain.

But as HE was not stupid, he decided to wait a few years before having him killed.


5. Puis, après avoir enfin lu le livre (il est tellement paresseux !), il téléphona à chacun de ses prêtres et leur dit :

Then, after reading the book at last (he's so lazy !), he phoned each one of his priests and said to them :


6. «Ce livre m'a bien fait rigoler. Depuis que je l'ai lu je m'ennuie moins qu'avant.

This book has made me laugh a lot. Since I read it I've been less bored than before.


7. En fait j'aime quand on se fout de ma gueule. Si vous aviez autant de talent et d'esprit que lui, mes fidèles seraient sans doute actuellement moins sinistres.

Actually I like being laughed at. (I like it when people take the piss out of me.) If you had as much talent and wit as him, my believers might be less sinister now.


8. Mais la plupart d'entre vous n'ont jamais rien compris, et ceux qui réfléchissent ne sont rien qu'un tas d'hypocrites.

But most of you have never understood anything, and those who think are nothing but a bunch of hypocrites.


9. Je regrette de ne pas l'avoir compris plus tôt. En tous cas, je veux que ce gars-là vive le plus longtemps possible, compris ?

I wish I had understood it earlier. Anyway, I want this guy to live it as long as possible, got it ?


10. Quant à vous, bande de vieux débris, vous feriez mieux d'aimer la vie, la rigolade, les gens autour de vous (et surtout les femmes !) au lieu de craindre et détester tout ce qui bouge.

As for you, bunch of old goats, you had better love life, fun, the people around you (and above all women !) instead of fearing and hating all that moves.


11. Quand je vous vois j'ai envie de gerber.»

When I see you I feel like throwing up.



aargh

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