Elsa Seylan


(Il y a bien longtemps déjà)


En sortant de chez moi je sens toujours un mieux, une timide libération. Les premières minutes presque une marche vers la joie. Qui que je rencontre, c'est un annonciateur de bonnes nouvelles. Je vois sur la coulée verte des enfants à vélo, des coureurs, des familles, deux jeunes garçons qui s'arrêtent en plein milieu du chemin, je les soupçonne de mauvaises intentions. D'ailleurs ils regardent vers moi avec quelque chose en tête - ils pourraient sortir, je ne sais pas, un revolver. Je suis en retard, je dois courir pour attraper le RER. Hier, il a plu, un temps plombé. «Parfois, à cette époque de l'année, c'est inquiétant, on ne voit plus du tout le soleil», a dit ma mère. J'ai trouvé à ces mots une résonance poétique. Il m'arrive parfois de tout trouver très grave.

Ensuite je prends le RER et quand j'arrive à Paris, mon enthousiasme se tasse un peu, arrivée à destination souvent je ne sais plus vraiment quoi faire. Cette fois, mes pas comme souvent m'ont guidée au Centre Pompidou. Je m'installe dans le café et remarque à une table assez loin un jeune homme vu dans un autre lieu, avec qui j'avais parlé il y a cinq mois. Il faisait de l'illustration, il avait pris mon adresse e-mail et m'avait annoncé une soirée chez son meilleur ami («Vous rencontrerez mon ami le plus cher»), et puis il n'avait pas donné de nouvelles. Nous avions parlé de Buster Keaton, de comment gagner de l'argent, de motifs d'optimisme auxquels je ne croyais pas trop. Au moment de le quitter, j'avais eu un mauvais pressentiment concernant la poursuite des relations. Et maintenant, je le revoyais à cette table avec une jeune femme. En cinq mois, il avait gagné une mine triste qui lui allait très bien (je l'avais aussi croisé une autre fois, il venait retirer des photos au Forum des Halles).

Depuis le café à l'étage, on voit des gens acheter leurs billets pour l'exposition Cocteau. On voit aussi le portrait de Pompidou, pendu au milieu du grand hall, strié de lignes verticales noires sur blanc. Un homme un peu âgé au sourire interrompu. Suspendue aussi, la grosse horloge imitation papier. Par terre, une carte du monde sur laquelle s'attardent des touristes, et ce bruit sourd des escalators, ce gris épuisant, ces tuyaux, cette foule internationale, cette agitation culturelle, ce snobisme menaçant, cette consommation de tout...


L'automne. Bonne période à Paris, si vous êtes capable de bonnes périodes. J'entre dans un café du Quartier latin, m'assieds près d'une table d'étudiants (ils parlent de leurs sorties et du divorce des juifs aux États-Unis), passe devant quelques kiosques à journaux, le McDonald's, le Quick un peu glauque, j'achète Pariscope, j'entre dans un nouveau café. D'autres étudiants se demandent ce qu'est «la foi du charpentier». Et l'homme à côté d'eux qui vient de commander un thé, servi dans une théière de campagne, qu'est-ce qui lui reste à lui, regarder dehors, renouer son écharpe bordeaux, se reverser du thé en se demandant où va la vie dans ce foutu café de Sorbonne IV ?


De nouveau au café du Centre Pompidou. Coupure de courant. Les grévistes de la librairie d'en bas battent leur grogne sur un tambour, au café quelques-uns s'inquiètent, mais la lumière revient d'abord clignotante, chacun reprend son teint blanc-métal à la pâleur des lampes projecteurs. Aujourd'hui commence une exposition Sophie Calle, Beaubourg est au meilleur de sa forme.

Ensuite, je passerai sûrement à la FNAC, parmi tout ce monde ne rien distinguer, à peine quelques visages que je laisserai se vaporiser dans ma mémoire.


Il commence à faire très froid, je m'enfonce chez moi à ne plus pouvoir sortir, pourtant je ne m'y plais pas. Je pense à M. une fois sur deux, et chaque fois une petite rafale de tristesse me balaie le cœur.


Je finissais un café au Quick du Luxembourg, quand un vieil homme soutenu dans son courage par un grand parapluie qu'il martelait par terre est entré et m'a adressé la parole. «Les gens ne sourient pas beaucoup dans ce pays», m'a-t-il dit, et moi concernée autant que gênée par cette observation, je suis partie, pour abréger au maximum mon existence dans la mémoire de cet homme.


Le dimanche est un jour délicat, où ma nervosité de la semaine, si elle s'était oubliée, s'épanche dès le matin, et si je ne parviens pas à l'entailler d'une volonté qui aujourd'hui encore me manque, je passe le jour le plus désolé qui soit.


Je lis une énorme biographie d'Henri Michaux. Il m'est, sinon sympathique, du moins proche, et j'espère dans cette lecture trouver des appuis. Je traduis aussi des articles pour une revue d'art contemporain, où il est question de paysages sonores.


Aujourd'hui 25 décembre, je repense à J. citant les mots d'un ami cher : «Le soir, quand il ne s'est rien passé, rentrer chez soi et écouter Scarlatti.»


Noël est arrivé. Pour l'oublier j'ai fait ce que fait tout le monde, aller me saouler dans les FNAC, les grands magasins. J'ai trouvé quelques cadeaux microscopiques, pas ce qu'il aurait fallu. Au moment d'acheter, l'envie disparaît dans un subit dégrisement. L'objet devient inerte dans ma main. Par ce don, on voudrait offrir de soi, mais on sent bien, en payant, que ce n'est pas ça, on a beau prendre le temps, réfléchir, il y a toujours une précipitation ultime, une désinvolture, une imprécision dans le choix qui laisse insatisfait.


Chez Scarlatti, la répétition joue son rôle euphorique. Une curieuse résignation, optimiste, presque triomphante et insinuée par la reprise (sonate K124).


«Comment se fait-il que la joie soit plus joyeuse dans une situation sérieuse ? C'est que seul un comportement sérieux peut représenter le digne fondement d'un comportement joyeux.» Robert Walser


Pour le séminaire de linguistique auquel je dois assister, j'ai acheté Les Éléments de linguistique générale de Martinet. En prévoyant la difficulté, j'avais emporté le livre au café du Centre Pompidou, où je me suis assise à côté de deux hommes qui approuvaient le tee-shirt de la serveuse, dénudant son épaule droite. Un petit homme rond et brun est arrivé, éclipsé par son sac Printemps signé Sonia Rykiel, rayures fuchsia et rouge sur fond noir. Précédé d'un plateau garni d'un cappuccino et de cheese-cakes, il s'est installé à ma gauche, où l'attendait déjà une dame fumant. «Mieux que la Tate», a-t-il dit. Une jeune Parisienne bottée, en jupe courte, s'est présentée comme très intoxiquée et requérant une cigarette. La dame, toujours fumant, calme, lui a offert une légère. La serveuse à l'épaule comme à regret dénudée passait entre nos rangs telle une Vestale. Elle reprenait les tasses vides aux buveurs qui auraient bien empoché ces réussites de la verrerie pompidolienne, bord accrochant bien la lèvre, anse métallique très seyante à la main — mais avec tout ce monde, on manque de tasses. Une fois les Anglais partis, j'ai sombré dans Martinet, puis envisagé un passage à l'exposition «M'as-tu vue ?» de Sophie Calle, heurté la chaise d'un nouvel Anglais, ascétique celui-là, en compagnie d'un autre plus cérébral encore à ma gauche. En bas, fini la grève, les libraires travaillaient tous ferme, les cartes postales emballaient sur leurs présentoirs, les livres se miraient dans les yeux saturés d'hommes, de plus rares femmes, qui feuilletaient. La revue au nom divin (Janus), dont le prochain numéro contiendrait mes traductions, prenait une place non négligeable parmi ses rivales. Je la tins quelques minutes, grave, mais personne ne remarqua.

Retour au RER, sur le quai Châtelet-les-Halles peu de monde. Montée, brandi Martinet devant individu partageant banquette avec gros sac plastique dont dépasse le crâne poilu d'un nounours — gain de fête foraine, acquisition de Noël rapatriée ou cadeau voguant vers son destinataire, morne habitant d'une banlieue sud ? L'autre voisin : bonnet sur tête agressivement collés à portable trop sonore pour moi et Martinet — parlant boxe.


Voilà le 31 décembre, ciel blanc que je sens dans ma chambre sans le voir, froid mental de fin d'année où l'on n'ose rien faire. Je ne sortirai pas avant six heures ce soir. Je voulais ranger des papiers et suis tombée sur des lettres que j'ai relues. L'irritation ou la tristesse que m'avaient causées certaines a disparu, je les lisais comme un livre, avec un intérêt minutieux pour la vie que menaient ces gens qui avaient soin de m'écrire. Chacune fait réapparaître son auteur. J'en ai retrouvé de géniales, d'auteurs géniaux (deux) dont je ne reçois plus de lettres. J'ai remis les boîtes et abandonné le rangement.


1er janvier blanc et calme, vu par ma fenêtre ce matin. J'ai dormi quelques heures en revenant de la fête chez A. - raccompagnée en voiture ainsi qu'un jeune couple par un ami de R. qui habite à côté. Steward de profession, né à Dinan et s'ajustant à Paris depuis quatre ans. Visage ourlé un peu elfique. Brun, silhouette et voix polies, d'une mélancolie suggérée. Il roulait sur l'autoroute, en parlant de son métier avec le couple, ses mains sur le volant, blanches, modestes et précises, le résumaient, sa fatigue nous est devenue perceptible à sa diction.


J'ai reçu par mail une grosse danseuse qui s'est tortillée horriblement pour me souhaiter bonne année. Répondu sans rancune à l'amie qui me l'envoyait.


Le 2 janvier, tout replonge dans le commun. A l'Escholier, place de la Sorbonne, j'ai eu la compagnie d'une tablée d'anglais : deux hommes, deux femmes, qui se distinguent par leur voix sonore et par une convivialité aux solides assises intellectuelles. Le plus bavard, âgé comme les autres d'une soixantaine d'années, porte une canne qu'il a étendue à ses pieds en s'installant, un pardessus, une écharpe rouge, des chaussures inusables, et une superposition de textures en camaïeu. D'emblée une prestance qui fait de lui un habitué, comme le confirme d'un regard franc et d'une arrivée éclair le serveur. Pour Monsieur, un café-cognac ? - How did you guess ? Il sort un CD de la Callas (premiers enregistrements), le range sans commentaire autre que le prix modique, offre une lippée de son breuvage aux dames. Puis il détaille son logement de Champerret, quartier fade, pièce unique partagée avec une jeune personne, parente sans doute, dont il a vu autant qu'elle de lui à la faveur de cette étroite cohabitation. Sans parler d'une baignoire «extrêmement dégoûtante». Mais cela n'empêche qu'il ne devrait pas tarder à regagner le logis pour dîner. Avant, il ventile quelques souvenirs de jeune mousse, d'alcoolisme bien manœuvré, cite une drogue que les businessmen consomment pour se remettre des vols long courrier.


La nuit du 1er, j'ai, rêvé d'un blond mélange de M. et E. Me suis souvenu de ce soir tard dans mon ancien studio où E. m'avait rendu visite. Avant, je l'avais vu deux fois en sortant du métro, une fois chez lui, une autre au Charbon avec beaucoup de monde. La première rencontre, c'était aussi un soir, sur le quai Réaumur Sébastopol en hiver. Je lisais un programme de cinéma. Ce jeune homme blond adossé à la même barre métallique écoutait son walkman et portait un long manteau style amiral. Il me demande ce qu'il y a de bien au cinéma. Nous entrons dans le wagon. Sortons à la même station. Sommes voisins. Partons chacun dans la nuit.

Cinq mois plus tard, en avril je monte dans le métro à Sentier. Un jour abruti, comme en donne le printemps. Je venais de passer rue Montorgueil, affairée à midi, pleine d'actifs qui se restaurent, de crustacés gelant en devanture et de poulets embrochés, de gens qui vendent des folios. Fatiguée, je rentrais chez moi. Quai de Sentier désert, sur les rails une souris. Debout contre un strapontin, il lit la correspondance de Baudelaire. L'air gêné, renfermé, en costume. Je parle la première. Nous sortons à la même station, toujours voisins. Je lui donne mon numéro de téléphone. Il appelle dans la semaine, laisse un message désinvolte mais gentil. Le son se brouille, son numéro est incompréhensible. Quelques semaines plus tard, recroisement au métro. Il va se changer et me retrouve au café. M'invite ensuite chez lui où l'attendent deux amis. Conversation portant sur Brel, Poe et Baudelaire, ses plantations de cannabis derrière un paravent, projets de départs en Jamaïque et en Bretagne, école de commerce, idée de scénario. Bu, pas mangé. Lendemain, retrouvailles dans un café bondé ; élégant, pull de coton, autres amis dont deux filles pas jolies, de mon côté tristesse, silence. Début de ma dissolution. Lendemain, visite tardive chez moi (minuit). Ecoute infructueuse de CD, je me tais, il s'ennuie sur le fauteuil. Inspection des titres de ma bibliothèque jugés démoralisants. Raideur. Endroit trop petit, rien ne vient à mon aide. Semble encore plus inhabité que d'habitude. Il part.

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À l'époque de E., je vivais de façon solitaire et bancale. Chaque jour était fourré à la va-vite dans une suite qui ne ressemblait à rien — ni régulière ni chaotique, disons hérissée. J'habitais un studio minuscule dans le 11ème, tout revêtu de bois, qu'un ami comparait à une cabine de bateau. De fait on ne s'y sentait pas chez quelqu'un. Je n'avais pas voulu l'aménager ni le décorer, de peur d'y imposer une marque factice. Je laissais ce travail au temps. Le plus grand risque pour moi était de manquer d'air, et je me fuyais à la première occasion. Après un an passé ici, je me rendais compte que le lieu ne m'était pas plus familier qu'à mon arrivée. L'hiver je supportais mal le froid, je superposais des pulls, me réchauffais, puis la chaleur fondait comme un glaçon.


Pour terminer les vacances de Noël, je suis allée au cirque. PINDER. Deux immenses files progressaient lentement vers le chapiteau à la nuit tombante. J'avais devant moi un groupe de Russes, dont un grand en imperméable, qui jetait derrière son épaule des coups d'œil charmeurs, de temps en temps. Les autres se concentraient sur le froid, le piétinaient, des enfants sortaient du rang, réclamaient des gaufres.


Le passé me cligne de son œil pas très clair : j'ai vu ce soir en attendant A. un jeune fumiste qui habitait mon quartier, un peu avant l'époque E., garçon que je retrouvais dans deux cafés que par hasard nous fréquentions en alternance. Ce soir donc, je m'installe dans le fond (Petit Suisse près du Luxembourg), dans la glace je vois une de ses amies : une petite brune un peu amincie, charmante, en face d'une autre jolie fille aux cheveux longs, plus candide. Et à côté de la brune, de dos, une nuque masculine un peu forte, qui me dit quelque chose. J'ai continué de boire et de lire un moment sans le reconnaître, comme si je ne voulais pas admettre qu'il réapparaisse dans mon cadre. Enfin, je vois son visage dans la glace ; cet air diffus, légèrement peureux ou seulement faible, qui me faisait penser à moi : même quartier, même emploi du temps, mêmes yeux très bleus et trop grands, allure indifférente, mélancolique. Et voilà, rien n'avait tellement changé, c'est ce qui m'est apparu ce soir empli d'une tendresse qui ne s'adressait ni à ce garçon ni à moi, mais au temps, ou à cette couleur sentimentale dont on se grise une bonne partie de sa jeunesse.


Une drôle de journée, mes nerfs se sont insurgés tôt le matin contre ma médiocrité et m'ont foutue dehors. Je suis sortie sous la pluie, j'ai mangé à la Cité universitaire pour voir du monde - à la table d'un Italien qui parlait à une amie de son homosexualité.


J'avais l'esprit si sec que je ne pouvais rien faire aujourd'hui, surtout rien faire était difficile. On ne le peut que dans de très bonnes dispositions.


«L'infini ne peut s'exprimer que lorsque on ne sent pas, mais après avoir senti et quand les plus grands poètes écrivaient ces choses qui éveillent en nous les admirables sensations de l'infini, leur esprit n'était occupé par aucune sensation infinie ; et en dépeignant l'infini, ils ne sentaient pas.» Leopardi.


L'énergie dure un instant. Je passe d'un élan au découragement complet. Ces jours d'hiver m'abattent. Je ne sais pas pourquoi je suis si triste.


Le cinéma, possibilité de s'absenter poliment un moment chaque jour.

Montrez des acteurs, même s'ils sont assez mauvais, le spectateur a toujours quelque chose à se mettre sous la dent. Celui qui écrit peut au contraire ne rien faire sortir du papier ; évoquer des vies par les mots paraît relever du miracle.


Tellement de choses à faire. C'est étonnant comme pourtant on fait peu. Comme une résistance, pour garder de soi, on limite ses activités. (Peut-être pas le cas de tout le monde.)



Hier, à Beaubourg, je me suis assise sur un gros fauteuil noir au cinquième étage. Une dame dormait sur celui de gauche, la main appuyée contre le front. À droite deux étudiantes en art, puis un ami venu les rejoindre, parlaient des maux psychosomatiques - le ventre est un deuxième cerveau. Derrière, une femme piquait une crise de nerfs, son compagnon se sentait trop chez lui dans ce foutu Centre Pompidou, y passait des heures, toujours, tandis qu'elle était fatiguée, que Paris l'épuisait, lui semblait vain, superficiel, les rapports avec les gens impossibles... La semaine dernière, elle avait vécu avec rien, Paris est si cher, elle en était à se promener partout avec sa bouteille, comme une clocharde. Elle s'était couchée sur ce banc en l'attendant. À son arrivée elle a déversé sa hargne sans s'en défaire, comme il arrive toujours quand on se plaint : on se retrouve avec ce malaise tout fripé, dégonflé, un peu dégoûtant, et on le remet dans sa poche sans savoir ce qu'on va en faire. Il se peut alors qu'on prenne un ton plus serein, plus responsable, pour dire une dernière fois que ce n'est pas facile, c'est vrai, non, en ce moment on ne sait pas trop où on en est.

Devant nous qui divaguions sur nos fauteuils, le ciel s'assombrissait, les nuages se transformaient si vite que le temps semblait s'être accéléré. La Tour Eiffel scintillait, le reflet de l'ascenseur sur les vitres créait des compositions variables, de plus en plus abstraites à mesure que les visiteurs se raréfiaient. Nous avions aussi la possibilité de nous voir réfléchis, dans notre pose un peu lascive, comme des ombres sur la ville.



Elsa Seylan est passée, il y a quelques années déjà, par le DESS de traduction littéraire professionnelle de Paris VII et c'est là que je l'ai connue. Depuis, elle traduit. Elle écrit aussi. Seule dans son coin, n'étant pas du genre à se faire mousser. Elle m'envoie ces pages, qui me touchent aussitôt. Ces événements infimes de la vie quotidienne d'une jeune femme, qui sous une autre plume pourraient verser dans la banalité et l'ennui, deviennent vivants, émouvants, par la grâce d'une écriture qui transfigure même les plus cafardeux. Une écriture dont j'ai du mal à percer les secrets. Tout paraît tellement simple, et pourtant les mots ici bougent d'une façon particulière. On entend là une voix.

J'ai eu envie de la partager.


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