Pierre Autin-Grenier


REVOIR LA LOIRE


Quand on sortait de l'école, on ne se demandait pas si l'on avait fait cinq fautes dans la dictée, oublié quelque part sous son pupitre un affluent de la Loire, le mont Gerbier-de-Jonc lui-même avait d'ailleurs, selon les jours, une hauteur assez changeante ; cela ne nous tourmentait guère ...

On poursuivait les volailles du voisin à travers champs, nous esclaffant à leurs frayeurs d'idiotes. On lançait des poignées de petits cailloux dans la marre aux roussettes. C'était souvent à celui qui, le premier, parviendrait au plus haut d'un chêne. Certains déjà aimaient se battre. On devait sans doute croire en Dieu...

Et maintenant nous voici, sûrs de rien, avançant dans la sauvagerie des jours, si tremblants et inquiets parfois ! On veut connaître à chaque instant l'heure qu'il est, l'altitude exacte du mont Gerbier-de-Jonc ; savoir si l'on reverra, l'été prochain, la Loire et tous ses affluents... Pour un peu, sentant l'odeur de la nuit s'approcher, on demanderait que demeure allumée la lampe de chevet, avant que ne nous gagne le sommeil léger des oiseaux. Affolé, toujours, à l'idée de n'avoir encore rien fait, depuis le temps lointain de l'enfance...


(Texte inédit)


*


Laissons-le se présenter. Né à Lyon, Pierre Autin-Grenier «se promène pour le moment entre la quarantaine rugissante et une cinquantaine bonhomme ; toujours sur la brèche cependant et prêt à grimper sur la barricade. Auteur de poèmes en prose, nouvelles, récits et textes courts d'autofiction, il partage son temps entre sa ville natale et la Vaucluse où il habite».

À lire en priorité, Toute une vie bien ratée, Je ne suis pas un héros et L'éternité est inutile (Folio). Le présent texte paraîtra le printemps prochain dans un recueil intitulé Les radis bleus (Folio).


*  *  *