Amànda MIHALOPOÙLOU



AUTOBIOGRAPHIE


En 2002 une grosseur m'est venue à la base du nez. Avec les soucis elle devenait plus grosse et luisante. Le dermatologue appelait ça un filtrat. Elle s'étendait, disait-il, à l'intérieur du sillon naso-génien et avait la taille d'une pièce de deux euros (nous venions de passer à l'euro et nos points de comparaison changeaient).

La biopsie avec coloration histochimique a fait apparaître un fragment de peau fusiforme avec dépôt amyloïde. J'ai changé de cytologiste et commandé une autre biopsie, comme on fait d'habitude quand on refuse d'accepter les mauvaises nouvelles. Le diagnostic a été le même : amylose avec les caractères histochimiques AA d'une maladie systémique. À tout moment la substance amyloïde — imaginez une protéine invasive, une tueuse — pouvait détruire les tissus du corps (reins, pancréas, cœur). Dans l'amylose systémique le muscle cardiaque durcit. D'autres fois les reins cessent de fonctionner. Le système nerveux s'affaiblit. Si l'amylose frappe le foie une transplantation peut s'imposer. Si elle frappe la moelle des os la chimiothérapie peut être utile. L'amylose héréditaire se manifeste par une forte fièvre, dénommée «fièvre méditerranéenne familiale». Je me suis dit que cela me convenait. Je décrivais souvent dans mes livres les pathologies de la famille grecque.

La fièvre en question frappait surtout les populations du bassin méditerranéen oriental — les juifs sépharades, les Arméniens, les Turcs, les Chypriotes et les Arabes levantins. N'était-ce donc pas une maladie à caractère national et religieux ? Nous lisions en famille et comparions nos connaissances — mon mari, mes parents, ma sœur et moi. La substance amyloïde rappelait, par son mode d'action, les petites têtes multicolores de Pac-Man qui se baladent sur l'écran dans des labyrinthes en dévorant des petits points. Ma maladie sortait tout droit d'un roman de science-fiction. Il s'appellerait La patate qui tue et décrirait une maladie mortelle menaçant la planète de disparition.

J'ai été hospitalisée à la clinique universitaire. D'une voix chaleureuse, pleine de sollicitude, le médecin a reconnu qu'il ne savait pas grand-chose de l'amylose. La jeune interne n'en savait guère plus. On m'a mise dans une chambre à deux lits, à côté d'une femme âgée qui est partie ou qui est morte deux jours plus tard. Le matin on m'envoyait faire des électrocardiogrammes, des électromyographies, des manométries œsophagiennes, des colonoscopies. L'examen de l'intestin jusqu'à l'angle splénique portait le beau nom d'endoscopie, qui signifie qu'on voit en soi-même. Puis sont venus les étudiants. Armés de stéthoscopes ils appuyaient sur mes ganglions. Dans un hôpital on est livré à la science. Chaque médecin fait ce qu'il veut.

Le jour de ma sortie, j'ai demandé si une erreur humaine pouvait avoir été commise. Nous étions dans le bureau de la cytologue, au sous-sol de la clinique universitaire (mais je ne suis plus très sûre, ai-je imaginé le sous-sol, vu les circonstances ?). «En aucun cas, m'a-t-elle répondu. Il faudra refaire les biopsies d'organes tous les six mois.» Elle n'a pas dit la conclusion : «Jusqu'à la fin de vos jours». La conversation a dévié, plus légère, sur les livres que j'avais écrits. Elle avait lu l'un d'eux. Je me suis demandé, naturellement, si j'écrirais d'autres livres. Si je voyagerais dans des pays lointains. Si j'aurais des enfants.

Cet automne-là nous avons trouvé sur Internet des renseignements sur le Centre National de l'Amylose à Londres. Un nom qui confirmait mon point de vue sur le caractère national et religieux de la maladie. Nous avons envoyé par la poste les lames de la biopsie et nous sommes allés en Angleterre, mon mari et moi. On nous avait expliqué le processus en détail : un radio-isotope injecté allait colorer les tissus à l'intérieur de mon corps. La tomographie montrerait si des organes étaient atteints, et lesquels. Le médecin F.H. m'a reçu dans son bureau dont il a refermé la porte. Les Grecs avaient mal interprété la biopsie, m'a-t-il dit. Le type d'amylose dont je souffrais s'appelait AL, localisé d'habitude dans les tissus de la peau. Personne ne meurt d'une telle amylose. Pour plus de sûreté on souhaitait m'examiner tous les deux ans.

Londres se mit à embellir. Les places, les musées, les bus à deux étages, le conducteur à droite. Le George Pub lui-même, près de l'hôpital, avec ses murs graisseux et sa bière tiède, était beau. La lumière entrait de biais par les fenêtres et léchait les tables de sa langue pointue. The George Pub : il portait le nom de mon médecin d'Athènes (incarnation de l'erreur) et de mon cousin (la bonté incarnée).

Le docteur F.H. a envoyé les résultats de la biopsie à la clinique universitaire. «Cher confrère, Mme A.M., âgée de trente-cinq ans etc.» Il n'y a pas eu de réponse. Quelques mois plus tard j'ai rencontré une amie, historienne de l'art, dans la rue Hàritos. «Tu es vivante ?» a-t-elle demandé, l'air intéressé, en me touchant l'épaule. La cytologue de la clinique universitaire avait répandu la nouvelle que j'agonisais. «Il faut lui faire un procès !» criait l'amie en pleine rue. Mais moi j'étais vivante. Je ne voulais faire de tort à personne.

Lorsque j'ai dû retourner en Angleterre, j'ai demandé à mon médecin grec, devenu entre-temps directeur de la clinique universitaire, un rapport médical pour ma caisse d'assurance. Il a refusé. Si je le souhaitais, a-t-il dit, je pouvais me faire examiner à la clinique.

J'écrirai un jour cette histoire sous forme d'injection, me suis-je dit. Oui, une injection au radio-isotope, mais cette fois c'est moi qui tiendrais la seringue. Je la plongerais, sans esprit de vengeance, pleinement consciente de ma responsabilité, dans le bras de médecins et de cytologues. Le radio-isotope colorierait simplement les zones où s'était installée la bile amère. Ainsi s'achèverait l'histoire.

Mais l'autobiographie s'écrit sans nous.

«Tu croyais que tu allais mourir ? Entre nous, tu as ressenti comme les condamnés à mort qu'il te reste peu de temps à vivre ?» m'avait demandé Yòrgos, mon cousin dont je vous ai parlé. «Oui», ai-je répondu, intriguée. Je voulais ajouter : Pas tout le temps. Quand on échappe à un malheur on commence à croire qu'on était au courant dès le début. On joue avec la vie et la mort comme les comédiens au théâtre. Mais pourquoi cette question ? C'était le genre de personne qui voulait toujours vous mettre à l'aise : «Tu n'as pas froid ?» «La nourriture est bonne ?» «Tu es bien installé ?»

Le 1er mai 2011 Yòrgos nous a quittés. À l'âge que j'avais quand je fréquentais l'hôpital, il est parti soudain ; dans son sommeil. Six mois plus tard, le jour de mon anniversaire, j'ai eu du mal à ouvrir les yeux — les larmes avaient collé mes paupières. Je me suis rappelé mon rêve : Yòrgos était mort, nous le savions je crois, mais il revenait pour avoir de nos nouvelles. Nous étions donc assis l'un en face de l'autre et je lui parlais de cette bière que j'avais bue après ma délivrance au George Pub, dans Rowland Hill Street, à côté de l'hôpital.

— Je donnerais cher pour une bière tout de suite, a dit mon cousin en se léchant les babines.

Comme il ne m'avait rien demandé depuis sa mort, j'ai cherché partout des bières comme une folle. Non seulement dans le frigo, mais derrière les portes, sous les coussins du salon, je faisais tout valser autour de moi, déchirais les coussins avec les ongles, défaisais les ourlets du rideau, vidais tous les rayons et reniflais le lait, craignant qu'on ait mis de la bière dans la bouteille.

— Yòrgos, ai-je dit en sanglotant, c'est mon anniversaire et je n'ai même pas une bière à t'offrir. Toi qui es un si bon maître de maison...

— Arrête, ce n'est pas la fin du monde, a dit Yòrgos avec bonne humeur.

— Mais si ! mais si !

Alors il m'a jeté un regard sombre et frappé du poing la table.

— Ça suffit ! C'est quoi ces histoires ? Pourquoi vous me traitez tous comme un bébé ? J'ai tout ce qu'il me faut.

Il s'est penché vers moi et changé de ton aussitôt.

— Tu leur diras que j'ai tout ce qu'il me faut ? En fait, le George Pub, c'est moi !

Et là-dessus il a ouvert sa gabardine, laissant voir une série de poches secrètes, comme l'intérieur d'un frigo, avec des bières, du vin, du pain de son boulanger, la salade paysanne moléculaire qu'il préparait, et même des pizzas king size.

Tu me crois maintenant ?

Il s'est carré dans son siège, a ouvert une bière avec ses grosses dents blanches. Il a pris un morceau de pizza, a mordu dedans avec appétit.

— Je te crois, ai-je dit dans un souffle.






CHEVREUILS DANS LES FORÊTS


Nous avons dormi dans la voiture, mon frère et moi. J'avais la tête sur son épaule tandis que la voiture brinquebalait sur le chemin de terre. Nous étions partis en début de soirée des environs de Karlsrühe et traversé des villes et des villages avant de quitter l'autoroute. Notre destination : un restaurant juste après la frontière française. L'air sentait le fumier. Les haies taillées de la propriété luisaient au clair de lune. On distinguait au fond un château aux fenêtres allumées.

Nos hôtes participaient à un programme d'échanges avec l'École allemande d'Athènes. Ils nous accueillaient une semaine, comme nous avions accueilli leurs enfants. Les jeunes Allemands avaient été impressionnés par notre accueil. Ils parlaient sans cesse à leurs parents d'Olympie, de Mycènes, de Corinthe, de notre montée à l'Acropole, de nos sorties dans des tavernes, sans oublier la soirée de musique traditionnelle à l'odéon d'Hérode Atticus. Les Allemands voulaient nous rendre la pareille. Dès le premier soir nous sommes allés au restaurant du château, réputé pour son homard thermidor, son chevreuil et ses cuisses de grenouille. Comme tous les restaurants frontaliers, il avait subi l'influence des cuisines des deux pays. Il avait une étoile au guide Michelin.

Mon frère s'intéressait aux saveurs étranges. Moi non. J'avais quatorze ans et me nourrissais exclusivement de steaks et de pâtes. Dès que nous avons posé le pied en territoire français j'ai décidé que là, dans ce château, je devais goûter quelque chose de nouveau.

Dans l'entrée on nous a pris nos manteaux. Les jeunes Allemands — oublié leurs noms — savaient précisément comment se comporter. Nous les imitions. Nous avons suivi un couloir étroit lambrissé orné de portraits de famille jusqu'à une grande salle décorée comme pour une fête. Tout le monde avait l'air joyeux. Devant nous, à la lueur des chandelles, se déroulait un opéra sans musique. Si seulement on pouvait vivre tout le temps comme ça, ai-je chuchoté à mon frère. Il a serré ma main dans la sienne. Il aimait le luxe autant que moi. L'Europe était encore un désir pieux de musées, de prairies, de plats inconnus.

L'éclairage réduit donnait aux fleurs sur notre table un air d'objets sculptés. Les nombreux couverts étaient savamment disposés autour des assiettes. Nos sièges, des fauteuils munis de joues, obligeaient à se pencher pour voir le monde extérieur. Je ne savais pas si je préférais l'isolement ou le contact avec les autres. C'était beau : les serveurs évoluaient avec grâce entre les tables. Les convives parlaient à voix basse en levant leurs verres.

La tarte à l'oignon était moelleuse comme un dessert. Entre l'entrée et le plat principal on nous a servi, même à nous les enfants, un petit verre de moût. Mon frère a commandé un homard thermidor, et moi du chevreuil au coulis de mûres et aux poires cuites. Je n'avais jamais rien mangé d'aussi bon. Il fallait, me suis-je dit, il fallait que j'essaie de temps en temps quelque chose de nouveau. Que je cesse d'avoir tellement peur.

Les autres vantaient la spécialité du restaurant, les cuisses de grenouille. Elles nageaient dans la sauce comme des cuisses de poulet noyé. J'ai refusé d'essayer. Il y avait là une frontière que je ne pouvais dépasser. Il m'était impossible de manger des animaux qui conservaient leur forme (poulets ou poissons entiers). Je leur ai exposé ma théorie sur la forme de l'animal — qui rend la mort tangible et choquante.

Notre hôte, qui avait l'ironie dans le sang, comme je l'ai compris plus tard, a dit que ma méthode d'auto-protection était moralement condamnable. Je ne sais plus comment il l'a formulé pour que nous comprenions, nous les enfants. Le sens général était que la défense des animaux ne souffrait pas d'exceptions. Il nous a parlé d'une enquête sur le bonheur menée cette année-là dans le nord et le centre de l'Europe. Les participants devaient répondre à la question «Quelle est pour vous l'image la plus vive du bonheur ?». La plupart avaient répondu : «Des chevreuils dans les forêts».

— Tu dois donc réfléchir à ce que représente le bonheur pour toi, a dit l'Allemand en se penchant vers moi. Des chevreuils dans les bois, ou du chevreuil dans l'assiette ?

J'ai croisé mes couverts. L'Allemand s'est mis à rire, m'a engagé à poursuivre mon repas. Sa femme m'a dit de ne pas prêter attention à son humour bizarre. Mais il était trop tard. J'ai vu en imagination ces chevreuils en morceaux, annonciateurs de bonheur, secouer les poires qui les recouvraient, rassembler par magie leurs membres et reprendre vie. Ils se sont envolés de la table, comme les rennes des contes de fées. Traversé les vitres du château, les fracassant en petits morceaux. Décroché au passage les rideaux de velours qui ondulaient derrière eux comme des capes, et disparu dans la nuit. Mon frère a dû penser la même chose. D'un seul regard, le temps d'un éclair, nous nous sommes mis tacitement d'accord : la vérité se trouvait ailleurs. Dans les tables renversées. Dans le bruissement des rideaux. Dans les chevreuils qui s'enfuient, aveuglés par la peur, très loin, offrant aux humains soulagement et bonheur du simple fait qu'ils ont existé.

À présent que mon frère n'est plus vivant, sa figure se confond souvent avec mon souvenir des chevreuils. Ce soir-là ils sont passés par-dessus ma tête en galopant vers des forêts inconnues que je ne saurais décrire, ne les ayant pas vues. Il était tard quand nous sommes sortis du restaurant. Le paysage était englouti par la nuit. Le brouillard avait encerclé la voiture des Allemands et menaçait de nous avaler.






LA MAIN DE MON PÈRE


En ce temps-là je couchais avec beaucoup de monde. Mes vingt ans se vouaient aux expériences. J'avais connu des garçons et des hommes plus âgés. Des camarades de la fac d'architecture, des professeurs et des lecteurs, quelques filles qui voulaient comme moi tout essayer, des amis d'amis dans des soirées, des motards, des musiciens, des inconnus dans des bars. De là où je me trouve aujourd'hui ce sport a des allures d'autodestruction, mais je voyais alors les choses autrement. Je croyais que les rencontres de hasard m'aideraient à voir les autres comme un ensemble de coïncidences lumineuses. Exactement comme les corps célestes dans le ciel étoilé.

Je me préparais chaque soir le cœur battant, sans savoir ce qui m'attendait. Je refermais la porte de mon studio d'étudiant, prête à tout. J'aimais l'absence de feuille de route, l'absence d'exigences qui créent des attentes. J'aimais aussi les appartements inconnus où je me retrouvais. Toutes ces choses que j'apprenais sur la vie des autres ! L'âme humaine se révélait à travers un napperon, une photo ou un dessus de canapé.

Ce soir-là, dans l'un des bars de la place Mavìli, j'ai rencontré un homme grand et corpulent. Il semblait aimable et souriait sans arrêt, tout en sirotant son alcool sur un tabouret du bar. C'était le 15 août, par une chaleur brûlante. Vers minuit nous avons atterri chez lui, dans un bel immeuble ancien derrière la place.

Après l'amour je me suis endormie tout de suite profondément. Je ne sais si son matelas à eau en était la cause, mais j'ai été réveillée au milieu de la nuit par la soif. J'avais remarqué que la salle de bains donnait sur la chambre à coucher, chose rare dans les appartements de cette époque, où l'on ne connaissait pas encore les master bedrooms. Mais comment arriver jusque là ? Nous n'avions pas laissé de lumière allumée. Entre le lit et la porte s'étendait un espace immense.

Je dormais du côté extérieur. Les bras en avant, comme un somnambule, je me suis redressée, j'ai tâtonné dans l'obscurité. Elle m'a paru excessivement dense — un pays inconnu. Je me suis perdue dans la chambre. Mieux vaut retourner au lit, me suis-je dit, avant de découvrir que je l'avais perdu lui aussi. Et si je touchais un mur, n'importe lequel ? Pourrais-je retrouver mes marques et avancer ?

Quand on raconte, le temps passe. Mais là, cette nuit-là, le temps était immobile et sans fond. Empêtrée dans un tissu d'obscurités, je nageais en ouvrant et rouvrant les bras, jusqu'au moment où j'ai trouvé la solution : je me suis traînée sur les genoux. J'avais peu avancé finalement. À la deuxième brasse, j'ai atteint le bord du matelas. À la troisième, j'ai touché la main de mon père qui s'était noyé en nageant, quatre ans plus tôt, quand j'étais au lycée. C'était sa main chaude, velue, la paume ouverte, les doigts tournés vers le haut. C'était sa main et elle me tirait vers le matelas à eau pour me sauver de l'obscurité.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? a dit l'inconnu à qui était raccordée la main de mon père. Je n'ai pas répondu, j'ai continué à caresser les doigts que je connaissais si bien. Des doigts qui avaient lavé puis essuyé les miens je ne sais combien de fois, des doigts qui m'avaient appris les bases de l'arithmétique et qui m'avaient rarement agrippée avec violence pour me tirer sur le trottoir si une voiture passait à grande vitesse. L'homme, supposant que je voulais autre chose, a fourré sa main entre mes jambes et commencé un mouvement de va-et-vient. J'ai sauté debout sur le matelas à eau qui oscillait. J'ai hurlé «Allume, allume !» Il a allumé en marmonnant. La main de mon père a disparu.

Je me suis enfermée dans les toilettes où j'ai bu dans le creux de mes mains. J'ai jeté un coup d'œil aux crèmes de nuit et aux parfums d'une autre femme qui visiblement vivait là et se trouvait en vacances. J'ai actionné la chasse d'eau sans m'être assise sur la lunette, rien que pour voir l'eau couler. Je me suis regardée dans le miroir. Je voulais parler, dire quelque chose à mon père, mais là, dans cette salle de bains étrangère, je ne pouvais pas. Je suis revenue dans la chambre pour m'habiller.

— Tu t'en vas ? a demandé l'homme. Il trônait au milieu du matelas comme une odalisque, le drap enroulé autour de sa taille.

Alors j'ai fait une chose dont j'ai été la première surprise : je me suis penchée et j'ai posé la joue sur sa main, m'efforçant de retrouver l'impression surnaturelle qui venait de s'envoler.







JOLIE ANECDOTE


Lorsque ma grand-mère a fêté ses cent-cinq ans, deux magazines sont venus nous voir — un généraliste et un féminin. Ils ont demandé à la photographier et à connaître son secret de longue vie. La grand-mère a haussé les épaules et dit «J'en sais rien mes mignons». Puis elle s'est mise à danser. Pour ses cent-sept ans, c'est un magazine d'astrologie qui est venu. Ils ont dit que sept était un nombre magique. Ils ont mentionné les sept portes de la sagesse. La grand-mère balayait la cour. Elle semblait terriblement occupée. Tout ce qu'elle disait, c'était «Tu balaies tu balaies encore et faut tout recommencer. C'est tuant...»

Pour ses cent-dix ans, nous autres, ses enfants, avons organisé une grande fête. Nos parents étaient morts. Il n'y avait plus qu'elle, leur mère, pour nous relier à notre enfance, à tout ce que nous avions vécu. Elle se rappelait nos noms, nos plats préférés et lors de la fête, au lieu que nous l'étonnions, c'est elle qui nous a étonnés : elle a cuisiné des boulettes pour Christìna, des gombos pour Pànos, et pour moi une soupe de poisson à l'œuf et au citron. Pour nos cousins, Natàssa et Haràlambos, des pâtes avec sa célèbre sauce. Elle-même a mangé deux parts du gâteau que nous avions préparé pour elle et bu un plein verre de vin. Puis elle s'est mise à chanter «On croirait que c'était hier...»

Les années ont passé. La grand mère se recroquevillait un peu, mais ne cessait pas de cuisiner et de donner des interviews. Elle collectionnait les coupures de journaux qu'elle collait dans un cahier. Ceux qui lui rendaient visite feuilletaient le cahier et poussaient des cris d'admiration en lisant à haute voix ses maximes :

«Celui qui veut vivre, vivra.»

Ou bien :

«On arrose les plantes juste ce qu'il faut pour qu'elles ne fanent pas».

Ses plus jeunes arrière-petits-enfants — mon fils et ses cousins — amenaient leurs amis pour la leur montrer. Ils étaient fiers de ce qu'elle vive seule, sans aide, dans la petite maison de la cour. C'étaient des élèves du primaire ou du collège mais ils se tenaient tranquilles à son chevet, feuilletant eux aussi le cahier des interviews.

— J'étais jeune alors, disait la grand-mère. J'avais besoin de rien.

À cent-vingt-cinq ans elle est entrée dans le livre Guinness des records. Elle a posé dans la cour avec ses arrière-arrière-petits-enfants. La BBC est venue. Mes cousins (Christìna qui aimait les boulettes et Pànos l'amateur de gombos) étaient morts. Haràlambos était mort aussi et Natàssa multipliait les AVC. Nous avions enterré la plupart d'entre eux, l'un sur l'autre, dans le caveau familial où nous descendrions un jour, la grand-mère et moi. J'étais bien curieux de savoir lequel de nous deux partirait le premier. La même curiosité affectait les journalistes de la télévision, les gérontologues et divers chercheurs. La grand-mère les recevait tous. Elle ne se plaignait que de ses yeux. Elle ne voyait pas bien. Pour lire les interviews il lui fallait une loupe.

Je ne vous ai pas parlé de moi. J'ai bien vécu avec ma femme et notre fils unique. Ma femme est morte il y a bien des années. Je ne me suis pas remarié. Il faut se donner davantage de mal pour se marier que pour rester seul. J'ai toujours été paresseux. Mon fils avait de l'argent, grâce au ciel. Avant même le retour à la drachme il avait pris soin de tout convertir en dollars, comme s'il avait pressenti le destin de l'euro. Il m'a donc placé dans une maison de retraite haut de gamme. J'ai ma propre chambre avec télévision et l'une de mes arrière-petites-filles, qui est peintre, a accroché au mur un de ses tableaux, très joli, qui représente un paysage avec un ruisseau, des arbres et une cabane au fond, des choses du passé dont elle sait que je les apprécie. Tout le monde m'aime et me salue quand je sors dans le couloir avec le déambulateur pour me dérouiller un peu les jambes. Et pourquoi pas ? Je n'ai jamais fait, ni même pensé, de mal à quiconque. J'ai seulement peut-être jalousé un peu la grand-mère, qui dans cette vie n'a eu peur de rien ni de personne. Surtout, elle n'a pas eu peur de la mort. En cela elle a été pour moi un modèle, moi qui, malgré tout, l'appréhende un peu.

Un jour mon fils et ma belle-fille sont passés avec mes petites-filles. Ils ont déballé un gâteau avec des rires et des cris en me souhaitant bon anniversaire. J'avais moi aussi, paraît-il, cent ans. Nous avons mangé le gâteau, pris des photos et j'ai reçu des cadeaux utiles ou inutiles : photos encadrées, boutons de manchettes, une couverture de laine et un appareil pour prendre la tension. Pendant toutes ces années j'ai hésité à demander des nouvelles de la grand-mère. Elle était ma seule consolation. Je ne voulais pas savoir si elle était morte, ni comment. Eux, de leur côté, me traitaient comme un bébé. Comme j'étais parfois incohérent, ils m'avaient rayé des listes. Ils me demandaient seulement si je dormais bien et si je mangeais tout. Quant à leur vie à eux, pas un mot. Ils bâillaient et regardaient leur montre.

Je les ai raccompagnés avec mon déambulateur, puis, épuisé par la fête, j'ai piqué un somme. J'ai été réveillé par le grincement de la porte. J'ai vu apparaître une silhouette courbée s'appuyant sur un bâton. Dans la pénombre je me suis dit : Voici la mort, elle vient me chercher, joyeux et le ventre plein. Le visiteur s'est approché, s'est assis dans le fauteuil avec un profond soupir.

— Je t'ai apporté un peu de soupe de poisson à l'œuf et au citron pour ton anniversaire.

La grand-mère s'est mise à rire et tousser. Que faire ? J'ai ri moi aussi.






UNE MÈRE SAIT MIEUX


On s'arrêta au rayon charcuterie et Dimìtris me montra les tranches de jambon roses rectangulaires. Elles formaient une tour assez haute.

— Mettez-nous dix tranches, dis-je à la vendeuse qui pendant ce temps aiguisait ses couteaux. Mais promets-moi, mon chéri, qu'on ne va pas les jeter encore une fois. Tu promets ?

La vendeuse ouvrit la bouche et fixa sur nous des yeux exorbités. Le filet qui protégeait ses cheveux et la blouse blanche de service, qu'une ceinture fermait sur le devant comme un peignoir, lui donnaient l'air d'une fille qu'on a tirée de sa baignoire en catastrophe.

— Dix tranches, répétai-je.

Sans un mot elle détacha les tranches et les compta mentalement. Ses ongles brillaient sous les gants de protection transparents. Roses comme le jambon, crochus. Couverts de paillettes qui formaient un dessin complexe, géométrique.

— Tu crois que c'est une sorcière ? demanda Dimìtris en me les montrant.

— Cht ! On ne montre pas du doigt ! chuchotai-je, puis je me baissai pour renouer ses lacets.

La vendeuse se pencha par dessus le comptoir, tenant le paquet à deux mains, et rouvrit la bouche comme pour dire quelque chose.

— Tout va bien ? demandai-je.

Elle me tendit le paquet sans refermer la bouche.

— Elle m'a l'air un peu zinzin, chuchotai-je à Dimìtris, et je le pris dans mes bras. De ma main libre j'ouvris le siège pliant du caddy et l'assis dedans. Il passa les jambes dans les ouvertures et se mit à frapper du pied le grillage.

Hé, doucement, bonhomme. Dans cinq minutes on a fini.

La vendeuse à présent servait un monsieur au rayon des fromages. Tous deux étaient tournés vers nous et nous regardaient.


— Pourquoi tout le monde nous regarde, maman ?

— Parce que la plupart des enfants sont à la crèche, à l'heure qu'il est.

Le supermarché baignait dans une lumière toute blanche qui flattait les produits, mais pas les clients. Ils poussaient leur caddy, le visage blême. Les conserves, les yaourts, les olives, au contraire, en pleine lumière, vivaient leur heure de gloire. J'étendais le bras, prenais un article et aussitôt Dimìtris me l'arrachait des mains pour le déposer dans le caddy avec douceur.

— Bravo, mon chéri, murmurai-je. Comment ferais-je sans toi ?

— Qu'est-ce que tu faisais quand j'étais pas né ? demanda-t-il gravement.

— J'allais et venais sans but. Mais je ne le savais pas encore.

— Tu étais où ?

— Nous habitions Athènes. Mais quand tu es né nous avons décidé d'aller vivre dans la banlieue nord.

— Pourquoi ?

— Parce que les enfants ont besoin de verdure. Et l'air d'Athènes est très pollué.

— Pourquoi ?

— Parce que c'est une grande ville.

Du coin de l'œil je voyais qu'on nous regardait encore. Un enfant dans un autre caddy nous montra du doigt et sa mère changea aussitôt d'allée.

— Tu as vu, maman ? Il montre du doigt aussi. Pourquoi c'est mal de montrer du doigt ?

— Parce que les gens croient qu'on dit du mal d'eux.

La caissière nous dévisageait au lieu de faire son travail. J'étais en train d'aider Dimìtris à descendre du caddy.

— Reste ici, mon chéri, ne t'éloigne pas !

Elle regardait tantôt l'enfant, tantôt la mère.

— Nous sommes pressés, dis-je d'une voix étouffée.

Alors seulement elle se mit à scanner les codes-barres de nos achats. Mon fils les avait alignés en bon ordre sur le tapis roulant noir. Je les fourrai le plus vite possible dans les sacs plastique, voyant Dimìtris jouer avec la cellule photo-électrique de la porte.

— Si tu arrêtes, m'écriai-je par dessus la tête de la caissière, on ira au centre commercial manger un gâteau.


Nous n'étions pas pressés. Ce que j'avais dit à la caissière, c'était pour échapper à son regard bovin. Nous avions toute la journée à nous, rien qu'à nous. Pour se promener sans but. Passer devant les vitrines de toutes ces boutiques. Je ne regardais pas les vêtements, mais mon reflet dans la vitre. Mon regard glissait sur les vitrines, accrochant parfois dans ces images fugitives une partie de mon moi véritable — celui qui ne change pas quand on grandit, qu'on se marie, qu'on fait des enfants et qu'on commence à s'inquiéter pour eux. Un moi qui s'efface toujours dans un vrai miroir.

La pâtisserie nous attendait. Dimìtris aimait le gâteau de semoule. Je prenais toujours un petit bakhlava à la pistache. On nous apporta aussi deux grands verres d'eau. Après le doux choc provoqué par le miel, un peu d'eau s'imposait. La serveuse vint se planter devant nous. J'ignorais son nom, je l'appelais «la dame de la pâtisserie du centre commercial». Elle avait des cheveux noirs coupés court, un corps grassouillet, mais moi aussi, je pense, travaillant dans un lieu pareil, je me serais arrondie comme elle.

— Comment allez-vous ? dit-elle d'un air grave.

— Très bien. On profite du soleil. Quel beau temps aujourd'hui ! Et si ce garçon mange son gâteau on pourrait aller ensuite aux balançoires, d'accord, Dimìtris ?

— Oui ! s'écria Dimìtris, mais la dame de la pâtisserie du centre commercial n'y prêta guère attention. Elle ne regardait que moi.

— Je me demandais... dit-elle, puis s'arrêta. Pourquoi vous lui prenez un gâteau ? Je ne l'ai jamais vu le manger.

— À cet âge-là, ils demandent quelque chose et l'oublient juste après.

Je me penchai vers mon fils et l'embrassai sur la joue pour qu'il m'accorde un peu d'attention. Il était de nouveau distrait, regardait au loin, au-delà des escalators et des boutiques. Quand je parlais avec d'autres, ses yeux perdaient de leur vivacité.

— Vous vous rappelez ce que vous a dit votre mari la dernière fois ? Pourquoi il ne mange pas ?

Le soleil qui tombait sur elle créait des reflets blancs ici ou là, qui m'empêchaient d'avoir une image unifiée de son visage.

— Une mère sait mieux, me hâtai-je de dire, baissant les yeux. Les hommes ont peur tout le temps. Qu'est-ce qui pourrait lui arriver, dites-moi ?

Je passai les doigts dans les cheveux de l'enfant.

— Enfin madame, madame ! dit la dame de la pâtisserie du centre commercial, me serrant le poignet avec angoisse.

Mais qu'avait-elle donc, elle aussi ? Qu'avaient-ils donc, tous ces gens ?

Je dégageai mon bras et me levai. Je comptai ma monnaie et lui laissai un petit pourboire. Moins que d'habitude. Incroyable, cette façon de fourrer son nez dans les affaires des autres.


En chemin Dimìtris shoota dans une capsule de bière.

— Ne descends pas du trottoir, d'accord ?

C'était un enfant, il voulait jouer. Je le comprenais. Le soleil était un scintillement lumineux au-dessus de nos têtes. Par moments j'aurais voulu moi aussi fermer les yeux et faire des folies. Appuyer le dos contre un mur ou marcher en zigzags, ce qui m'amusait beaucoup étant petite. Mais les trottoirs de Kifissia était trop étroits, presque inexistants. Et quand la rue s'élargissait un peu, on creusait un trou pour y planter un arbre maigrichon. Je craignais qu'il ne tombe dans l'un de ces trous. Je ne pouvais pas me laisser aller un seul instant.

— Dimìtris ! Mon petit chéri !

Il shootait dans sa capsule de bière sans répondre.

— On ne va pas rester longtemps aux balançoires, d'accord ? Il est tard.

Il marchait en équilibre sur le bord du trottoir. En dessous du bermuda, ses jambes étaient minces comme des allumettes, et j'avais du mal à croire qu'un jour elles auraient l'air vraies. Il était si maigre. Parfois je craignais qu'il ne se casse.

Il arriva le premier aux balançoires, monta tout seul sur l'une d'elles et je défis la chaîne de protection.

— Très haut, maman !

— On y va.

Je tirai le siège de la balançoire jusqu'au niveau de ma poitrine, puis le poussai avec force. C'était un geste symbolique : envoyer son enfant si loin, au-delà des arbres et faire que cela ait l'air d'un jeu. La petite fille qui se balançait à côté demanda à sa mère pourquoi sa balançoire à elle n'allait pas aussi haut. La mère se pencha et chuchota à son oreille.

— Plus haut, maman !

— Elle ne va pas plus haut, mon chéri, dis-je, mais je poussai de toutes mes forces pour lui faire plaisir. Je me rappelais cette sensation : les arbres qui se rapprochaient, le bruissement de l'air et ce qu'ensuite on ressent quand par la force de la volonté on les repousse, puis qu'on saute à nouveau par dessus, comme un obstacle.

— Tiens, fais comme la petite fille ! Il faut que tu bouges tes pieds toi aussi ! Lui, c'est Dimìtris. Et toi comment t'appelles-tu, grande fille ?

Elle me jeta un regard étonné. Puis elle ouvrit la bouche et un peu de salive coula. C'était une de ces fillettes qu'on habille comme des poupées Barbie, robes roses à rubans et perles en plastique. Sa mère arrêta la balançoire au vol, ce qui fit pleurer la petite. Puis elle remit la chaîne, prit sa fille dans ses bras et s'éloigna, comme si elle se rappelait soudain une course urgente.

Je vis s'approcher deux fillettes plus âgées, sucette à la bouche. L'une d'elles monta sur la balançoire de Barbie tandis que l'autre, venue se placer de notre côté, nous observait. De temps en temps elle frottait sa sandale sur le gazon en plastique de l'aire de jeux, d'où un raclement qui produisait en moi des vagues de frissons-chair de poule.

— Vous n'êtes pas un peu grandes pour ces balançoires ? demandai-je.

La fillette haussa les épaules et sortit la sucette de sa bouche. Une de ces sucettes bariolées, qui luisait au soleil.

— Vous êtes encore plus grande, dit-elle.

Je souris et m'approchai.

— Oui, mais moi je pousse mon fils qui va à la crèche. Vous, vous avez quel âge ? Neuf ans, dix ans ?

— Huit ans, dit la petite en tournant la sucette dans sa bouche.

Elle la ressortit ; sa langue était bleuâtre.

— La balançoire que vous poussez est vide. Où il est, votre fils ?

Pendant que je parlais à la fille en tournant le dos à Dimìtris, il avait dû freiner du pied et relever la chaîne sans bruit. À présent il était assis tout seul sur le tape-cul.

— Ne refais jamais ça ! m'écriai-je. Jamais ! Tu m'entends ?

J'allai m'asseoir à l'autre bout du tape-cul, ce qui le fit s'élever doucement. Il ouvrit les bras.

— Tiens-toi ! Tiens-toi !

Du coin de l'œil j'aperçus Stàthis. Il avait ouvert la porte basse de l'aire de jeux et courait vers moi. Sa cravate flottait. Ses cheveux, telle une crinière de cheval. Trop longs — il fallait qu'il les coupe. Le voyant, Dimìtris agita aussitôt furieusement les pieds.

Maman, laisse-moi descendre ! hurla-t-il.

Je le fis descendre doucement.

— Ne t'éloigne pas, dis-je.

Stàthis s'assit à la place de Dimìtris.

— À qui parlais-tu encore, Danaé ?

Sa voix semblait fatiguée.

— À notre fils. À qui d'autre ?

— Où est notre fils, Danaé ?

Je regardai le tapis vert de l'aire de jeux. Nous pourrions en mettre un sur notre terrasse.

— Où est notre fils, Danaé ? reprit-il avec douceur. Tu te souviens de ce qui est arrivé à notre fils ? Tu as pris tes pilules aujourd'hui ?

Je fis signe que non.

— La femme de la pâtisserie du centre commercial m'a téléphoné. J'ai bien fait de lui laisser mon numéro de portable la dernière fois. Elle m'a dit que tu avais encore acheté deux gâteaux et que tu parlais toute seule.

Je cachai mon visage dans mes mains. Le tremblement revint, par vagues, ce tremblement qui n'est pas des larmes et n'a pas de nom.

— Calme-toi, ma chérie, dit Stàthis. Je suis là.

J'entrouvris les yeux et vis le ciel couleur de sang. La nuit tombait. Je m'appuyai contre l'épaule de mon mari et le laissai m'emmener.





Amànda Mihalopoùlou est née à Athènes en 1966. Après avoir étudié le français et le journalisme, elle a écrit régulièrement dans le journal Kathimerini (1990-2008).

Auteur de sept romans, trois recueils de nouvelles et plusieurs livres pour enfants, reconnue dans son pays dès son premier livre, elle est désormais traduite dans treize langues. La France tarde un peu à l'accueillir. Voici en attendant cinq de ses nouvelles, encore inédites.


Amànda Mihalopoùlou
Amànda Mihalopoùlou

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