Maroc

Μαρόκο


Chez les Grecs y a pas moyen

d'avoir une femme qui soit bien

dans ce pays tu as beau chercher

elles sont belles mais toutes fauchées


Ce que je veux c'est une Marocaine

une princesse qui m'appartienne

une qui nagerait dans la thune

L'an dernier y en avait une


qui est passée par Le Pirée

qui était venue pour se marier

mais moi quand on s'est connus

maman j'étais pas prévenu


Elle m'a vu en pleine ribote

dans un rade avec mes potes

et depuis cette fille m'adore

elle m'envoie de l'argent de l'or


Là-bas chez elle en Afrique

je serai roi j'aurai du fric

tout ce qu'elle a sera pour ma pomme

je serai le plus heureux des hommes


Des fafiots plein la piscine

du hasch et de la cocaïne

et des narghilés maman

tout incrustés de diamants


J'aurai même un baglamas

d'ivoire et d'or c'est la classe

il suffit que je fasse un vœu

elle me donnera tout ce que je veux


Nous deux on sera tellement riches

qu'on aura cinq-cents derviches

dans notre grand palais là-bas

pour nous préparer le tabac


Pànos Toùndas, 1936






Ceux qui ont de la thune

Όσοι έχουν πολλά λεφτά


Ceux qui ont mis de la thune de côté

je me demande ce qu'ils vont en faire

je crois pas qu'ils pourront l'emporter

quand ils seront aux enfers


J'ai jamais rien au fond de ma fouille

mes sous je les ai semés

j'oublie mes soucis mes embrouilles

seulement quand j'ai fumé


La thune dans l'autre monde les gars

c'est pas dans les coutumes

on n'y mange pas on n'y boit pas

mais croyez-moi on fume


Màrkos Vamvakàris, 1936






Où trouver une femme qui te ressemble

Πού να βρω γυναίκα να σου μοιάζει


Où trouver une femme qui soit plus belle

qui me lance comme tes yeux des flèches mortelles

qui ait ton allure ta fierté

qui ait ton petit air effronté

et ton petit grain de beauté velouté

qui ait ton allure ta fierté

qui ait ton petit air effronté

où trouver une femme qui soit plus belle


Je te donnerai plein de sous si tu le demandes

ne me chasse pas ma peine serait trop grande

prends-moi dans tes mains potelées

blanches colombes immaculées

à toi jamais je ne serai infidèle

prends-moi dans tes mains potelées

blanches colombes immaculées

où trouver une femme qui soit plus belle


Même si c'est pas vrai dis-moi que tu m'aimes

lance-moi ma poupée un regard extrême

ne me laisse pas dans mon malheur

viens vite soigner ma douleur

je suis fauché mais bon sois pas cruelle

ne me laisse pas dans mon malheur

viens vite soigner ma douleur

où trouver une femme qui soit plus belle


Còstas Kofiniòtis / Andònis Diamantìdis, 1939






Un soir tu m'as traité de voyou

Αλήτη μ΄ είπες μια βραδιά


Un soir tu m'as traité de voyou

et sans raison aucune

mais le voyou que je ne suis pas

ne t'en tient pas rancune


Écoute-moi bien ma petite un jour

tu vas bien le regretter

et loin du cœur de ton voyou

toute seule tu vas pleurer


Un soir tu m'as traité de voyou

mais moi sans haine aucune

je rigole et même si ça me fait mal

je ne t'en tiens pas rancune


Apòstolos Hadzichrìstos, 1939






On t'a trompée

Σε γελάσανε


J'ai bien compris à quoi tu penses et de quel bois tu te chauffes

Tu quittes pas de l'œil mon portefeuille le pauvre il faut que tu le fauches


Ne perds pas ton temps on s'est payé ta fiole

on t'a rien appris quand tu étais à l'école


On ne t'a pas dit à quels endroits plonger ton épuisette

tu crois que chacun voyant l'hameçon va le mordre bille en tête


Ne perds pas ton temps on s'est payé ta fiole

on t'a rien appris quand tu étais à l'école


L'argent moi j'y tiens pas plus que ça il me pose pas de problèmes

sache que je suis prêt à le dépenser pour les gonzesses qui m'aiment


Ne perds pas ton temps on s'est payé ta fiole

on t'a rien appris quand tu étais à l'école


Còstas Skarvèlis, 1941






Màro

Μάρω


Si tu veux me voir viens me retrouver au port

à Pasalimàni Marìtsa que j'adore


Je t'attendrai dans la barque amarrée

tout près du bord Màro mon adorée


Si je n'y suis pas Màro prends un bateau

rejoins Kastèla où tu me trouveras bientôt


Si je n'y suis pas prends un bateau plus petit

pour me trouver à Voùla ma chérie


Còstas Mànessis / Apòstolos Hadzichrìstos, 1946






Ingrate

Αχάριστη


Tout ce temps jamais tu n'as pris de mes nouvelles

depuis que je suis dans un pays lointain

je t'ai tant aimée j'ai tant souffert cruelle

toi tu m'oublies dans mon exil si loin


Tous mes malheurs m'ont fait quitter la Grèce

la vie s'acharne sur moi sans s'arrêter

et toi l'ingrate sans fin tu me délaisses

un tel chagrin je ne l'ai pas mérité


des gens m'ont dit que toi tu mènes la grande vie

tu nages dans le fric des bagues à tous les doigts

oui mais tu seras désormais poursuivie

par la douleur de l'homme trahi par toi


Vassìlis Tsitsànis, 1947






Ce soir ma petite

Απόψε θα ‘ρθω να στα ψάλω


Dans ta petite jupe quand tu te promènes dans le coin

et qu'au passage tu me reluques, l'air coquin

ça me tombe dessus comme une bombe atomique

et dans le quartier partout c'est la panique


Ce soir ma petite vers toi je m'en vais revenir

chanter un air qui te fera réfléchir

et si tu veux lancer la guerre des nerfs

je peux t'assurer que tu cèderas la première


La vie est courte elle ne fait que passer

c'est comme un prêt que tu devras rembourser

ne bousille pas la jeunesse et l'amour

ce sera trop tard pour les regrets un jour


Mìnoas Màtsas / Spỳros Peristèris, 1947






La taverne

Όταν πίνεις στην ταβέρνα



Quand tu bois dans la taverne

tu restes là sans un mot

de temps en temps tu soupires

on voit que tu as le cœur gros


De te regarder ça m'intrigue

j'aimerais bien te demander

une si grande mélancolie

de quel malheur est-elle née


Un chagrin d'amour peut-être

toi aussi on t'a trahi ?

Viens boire et faisons la fête

tous ensemble et bons amis


Vassilis Tsitsanis, 1949.






Drôle de fille

Παράξενη κοπέλα


Tu es vraiment une drôle de fille moi ça me désole

qu'est-ce qui te prend ce soir encore tu as l'air soucieux

Tu remplis tout le temps ton verre et tu picoles

et je vois bien que tu as des larmes plein les yeux


Tu es pour moi un vrai mystère et ça m'affole

tu te balades en robe de soie l'air distingué

le lendemain voilà que je te vois boire comme une folle

ces soirs-là y a pas une fille plus mal fringuée


Tu es vraiment une drôle de fille moi ça me désole

sache-le bien je supporte pas ta vie de malade

moi je te le dis arrête le vin arrête l'alcool

parce qu'un jour tu vas mourir dans la panade


Manòlis Hiòtis, 1950






Un petit gars

Το πιτσιρικάκι


Le petit gars que v'là qui est couché par terre

il a l'air tout triste il se désespère

c'est qu'il meurt d'envie de se fumer une sèche

mais ça fait des jours qu'il est dans la dèche


Il a une idée se pointer sur une place

demander une clope à tous ceux qui passent

bien vu mon petit gars oui mais tout se complique

entré sur la place il tombe sur un flic


Il joue les idiots c'est un petit malin

il lui dit Salut comment va ce matin ?

et notre petit gars sans perdre la tête

demande au bourrin une petite cigarette


Aryìris Nikolèsko / Yòrgos Rovertàkis, 1961



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La Grèce de l'ombre offre 130 chansons à l'amateur de rebètika. Après sa parution, j'ai eu le bonheur de travailler avec des musiciens (Nicolas Syros d'une part, le groupe Rebellis de Lyon d'autre part) qui m'ont demandé de me joindre à leurs concerts : je présente brièvement une chanson, lis ma traduction, puis la chanson est chantée — en grec, naturellement. Si j'aime tant lire mes traductions, c'est qu'elles sont faites pour ça. Elles sont toutes, même celles de prose, écrites pour la voix.

Ces musiciens m'ont chacun demandé de leur traduire de nouvelles chansons, ce que j'ai fait volontiers. Les voici toutes les onze. J'espère qu'il y en aura d'autres.

Les textes français sont rimés et rythmés comme les originaux. Pour trouver le bon rythme il faut faire les élisions.

Les paroles grecques sont disponibles sur Internet, il suffit de taper le titre grec de la chanson.



Couverture de l'édition allemande.
Dessin de David Prudhomme, auteur de la BD Rébétiko (Futuropolis).

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