Dimìtris Hadzis


SAINT GEORGES


Le nouveau locataire de la chambre en face de leurs deux pièces était conducteur de travaux, disait-on. Un beau gars.

— Conducteur de travaux, qu'est-ce que c'est ? demanda Katerìna.

Stamàtis se lança dans de longs discours qui montraient que lui-même ne savait pas. On changea de sujet et il décida de se renseigner discrètement le lendemain à sa boutique. Ce qu'il fit, et le soir-même il put tout expliquer plus simplement.

— Tu sais, dit Katerìna, Marìa est venue aujourd'hui me demander s'il peut passer par chez nous pour aller dans la cuisine.

— Dans notre cuisine ?

— Le soir seulement. Elle dit qu'il voudrait faire chauffer un peu d'eau.

— Chauffer de l'eau ? Pourquoi faire ?

— Pour ses pieds, qu'elle a dit. Tu sais, y a pas de réchaud dans la chambre qu'il a louée, et pas d'eau non plus, on la prend dans la salle de bains.

— Et il va la chauffer ici ?

— Oui. Pour ses pieds.

— Il viendra ici tous les soirs ? Ce sera pas gênant ?

— Moi je crois qu'il faut pas se brouiller avec Marìa, tu la connais.

— Oui, faut pas. Mais toi, ça te dérange pas qu'il vienne ?

Katerìna haussa les épaules. Comment savoir maintenant si ça dérangerait ?

Le nouveau locataire commença dès Ie lendemain. II frappait à leur porte, les priait de l'excuser, puis il passait dans leur cuisine. C'était après Ie dîner ; parfois, baissant furtivement son journal, Stamàtis Ie voyait dans la cuisine, debout devant Ie brasero pendant que I'eau chauffait.

— Assieds-toi donc, mon gars, lui dit-il un soir, et cause-nous un peu, Ie temps que ça chauffe. Tu vas pas rester debout comme ça.

Volontiers. Le gars sortit de la cuisine, prit une chaise et s'assit près d'eux. II s'appelait Aryìris. Un grand gaillard solide, la peau tannée par le soleil et le vent. II travaillait aux chantiers de Rafìna et partait le matin dans le camion de la compagnie, si tôt qu'eux ne le voyaient pas. Le soir, il rentrait par le même camion, et tout ce qu'il lui fallait, c'était de l'eau, un petit peu d'eau chaude pour ses pieds, vu que dans sa chambre il n'avait rien pour la chauffer. Il les priait de l'excuser, c'est vrai qu'il en avait besoin de cette eau pour ses pieds le soir, avec ce dur métier qu'il faisait, conducteur de travaux, debout toute la journée.

— Un genre de surveillant, dit Stamàtis pour montrer à Katerìna comme il avait bien tout compris.

— Surveillant ? Non, rien à voir. Nous, on mesure le travail, combien on a fait dans la journée, ce qu'on va faire le lendemain. On est plutôt plus près de l'ingénieur. Les déblais, les remblais...

Bon, admettons. Stamàtis haussa les épaules. Les déblais, les remblais... Chacun doit avoir un travail, et puis la santé qui est I'essentiel pour s'en sortir. Katerìna Ie regarda, secrètement fière d'une telle démonstration de sagesse. Aryìris approuva en riant.

Le lendemain soir, de nouveau, ils l'invitèrent à s'asseoir un moment avec eux tandis que Stamàtis avait eu l'astuce de garder la moitié du vin de son carafon pour Ie boire avec lui. Ils burent, causèrent un peu, c'était drôlement bon d'avoir ce garçon avec eux. Le soir suivant, ce fut le tour d'Aryìris: il apporta une bouteille de retsìna et leur dit en riant, rien à faire, on la boit ensemble ou vous allez me vexer. Alors Katerìna alla dans la cuisine baisser le feu sous la casserole d'eau, et ils descendirent allègrement la bouteille en discutant de choses et d'autres, déblais, remblais et compagnie.

C'était la première fois qu'un tiers, un étranger entrait dans leur vie, si près d'eux. Stamàtis vit Katerìna effrayée par cette nouveauté ; il s'inquiéta un peu aussi, mais ne dit rien.

Jusqu'alors Stamàtis Sideràkis n'avait jamais eu ce genre de rencontres et d'échanges avec d'autres. Il aurait pu craindre les gens, avoir honte de sa bosse, de ses jambes atrophiées, de ses grandes et vilaines mains jaunes, et fuir, se cacher. II ne craignait, ne fuyait, ne se cachait de personne. Mais il avait si bien organisé sa vie à sa façon qu'il ne voulait surtout pas la changer ou qu'un étranger la dérange. Ils vivaient très bien tous les deux, lui et sa femme Katerìna; ils n'avaient besoin de personne. Il gagnait bien assez avec sa petite boutique de tailleur au fin fond du quartier de Guìzi, vers la Montagne-aux-Turcs : il n'en demandait pas plus. Il s'entendait très bien avec les gens : Ie peu qu'il les voyait lui suffisait.

Les pauvres de ce coin perdu le connaissaient : adroit pour les petits travaux, modéré dans ses prix et respectant ses déIais. C'est donc toujours à lui qu'ils apportaient leurs pantalons usés pour changer l'entrejambe ; à lui que les petits employés donnaient leurs complets à retourner, et les pères de famille leurs vieux habits à retailler pour leurs fils. Quand il fallait faire un nouveau costume on allait chez d'autres, mais Stamàtis Sideràkis ne s'en chagrinait pas et n'en voulait à personne. Jamais il n'avait tenté, avec ses petites jambes, de s'élever plus haut que sa petite vie. En fin de compte, pensait-il, on n'a jamais plus qu'une petite boutique en ce monde, car même ceux qui en ont de grandes en voient d'autres plus grandes, et alors c'est comme si leurs grandes étaient petites. Voilà ce qu'il pensait ; heureux de ce qui lui venait, il travaillait habilement, sans traîner, avec amour et patience.

Il escaladait sa grande table de tailleur et s'asseyait, une jambe repliée, tandis que l'autre pendait dans le vide. Parfois, interrompant son travail, il restait un moment à regarder ses mains, comme s'il les voyait pour la première fois ; il ne regrettait pas que Dieu lui ait donné ces vilains doigts jaunes ; il aimait les voir, eux si gros, manier une aiguille aussi fine. Son âme était remplie d'admiration pour ce grand mystère. Reprenant son travail, il baissait quelquefois la main pour cueillir, comme avec une louche, sa petite jambe délicate qui pendait dans le vide. Il la regardait un instant, la mettait sous l'autre et restait ainsi jambes croisées sur sa table, avant de la laisser pendre à nouveau. Il se disait alors que tant pis, ces jambes rabougries ce n'était pas grave, puisque les jambes ne servent qu'à marcher et qu'il marchait, d'un pas vif et même léger. Il se disait aussi, là-haut sur sa table, qu'au fond chacun de nous en ce monde a une bosse, qui se voit plus ou moins ; et que que la sienne, qui se voyait plutôt bien, ne lui avait jamais causé d'ennuis pour autant.

À midi, fermant sa boutique, il allait manger chez lui, deux ou trois rues plus bas. Katerìna lui avait préparé ce qu'il aimait, calmars aux épinards, palourdes au riz, artichauts au citron ; la table était toujours prête. À son retour, la table était dressée de nouveau, le carafon de retsìna au milieu ; et Katerìna I'attendait dans son peignoir à fleurs.

Son corps à elle n'était pas déformé comme le sien. Il n'était que petit, rabougri, avec une grosse tête au nez écrasé, surmontée de petites touffes de cheveux roux. En la voyant Stamàtis se disait, là aussi, qu'au fond chacun en ce monde a une Katerìna, et rien de mieux : puisque toute femme, tout être humain a son mauvais côté, qui se voit tantôt à peine, tantôt plutôt bien, comme c'était le cas pour sa Katerìna...

Il la sortait le dimanche après-midi ; l'hiver ils allaient au cinéma; dès les beaux jours ils se promenaient dans Ie Parc et s'asseyaient pour voir passer les autres. Parfois ils allaient à la mer en bus, ils allaient même dans un café, toujours un peu à l'écart, où ils descendaient leur habituel carafon du dimanche, avec double portion d'amuse-gueule. Seuls tous les deux. Si bien accordés qu'ils n'attiraient pas les regards. Tout chez eux — les vêtements de l'un et de l'autre, leur comportement, leurs discours à voix basse, leurs gestes, leurs rires, tout s'était accordé, adapté, uni naturellement dans un bel équilibre, fait d'humilité, de soumission, où rien ne manquait. Au retour, le soir, s'ils se trouvaient dans une rue déserte, Katerìna glissait son bras sous le sien et ils marchaient ainsi : en cela non plus ils ne manquaient de rien. Et Katerìna elle aussi bénissait alors son destin, qui lui avait donné Stamàtis, cet amour, tout cet humble bonheur qu'ils vivaient, dont ils jouissaient en secret, tous les deux.

Quant à Aryìris, ils avaient eu tort de s'inquiéter. Aryìris n'attendait rien d'eux, et surtout il n'allait rien faire avec eux, rien qui les gêne, leur pèse et détourne leur vie du chemin tracé. II venait, chauffait son eau, disait un mot gentil, prenait l'eau et s'en allait. Un petit intermède, un quart d'heure tous les soirs et terminé.

Un intermède entièrement sans danger. Maintenant Katerìna lui mettait à I'avance la grande casserole pleine d'eau sur le feu, qu'il la trouve chaude en arrivant. Deux ou trois fois, pour la remercier, Aryìris apporta du poisson et des fruits de mer tout frais pêchés, encore frétillants, que Katerìna prépara, et ils les mangèrent ensemble.

Stamàtis ne s'inquiétait plus. Ce qu'il trouvait seulement un peu curieux, c'était que ce grand gaillard reste tous les soirs chez lui, ne parle qu'avec eux et n'aille jamais nulle part. Quand ils furent tout à fait en confiance, il le lui dit, pour ne pas garder ça sur le cœur.

— Aryìris, mon gars, dis-moi donc, comment tu te débrouilles? Après le boulot, tous les soirs, tu es chez toi. Tous les soirs... C'est vrai, tu n'as pas d'amis ? Une petite poule ? Rien ?

Katerìna devint toute rouge. Une poule. Son Stamàtis, dire des choses pareilles. Aryìris se mit a rire.

— J'en ai une, dit-il. Vous la verrez vous aussi. Bientôt.

II leur raconta I'histoire. C'était une fille de Lamìa qui s'appelait Iphiyènia. Dans un mois, deux mois au plus, il irait là-bas pour les noces. Marìa ne leur avait donc rien dit ? On avait convenu dès Ie début qu'il amènerait sa femme après les noces et qu'elle habiterait dans sa chambre. Ils resteraient deux ou trois mois seulement, le temps que soit prête Ia petite maison qu'ils faisaient construire à Illioùpolis, en se saignant aux quatre veines, avec I'aide des beaux-parents. D'ici la fin septembre elle serait prête. Lui, Aryìris, n'avait pas besoin d'une autre «poule». Et puis sortir le soir, quand ses journées le fatiguaient tant... II aimait mieux dormir. Sans compter les problèmes d'argent. La maison lui prenait tout. Et en plus il fallait compter les noces, son billet d'aller, leurs billets de retour, ceci, cela... Quant à la fille, elle non plus n'était pas bien riche. IIs n'avaient que l'amour.

Stamàtis apprécia beaucoup I'histoire du jeune homme, la pauvreté, la vie rangée, les épreuves, les projets, la maison et cette fille qu'il aimait ; on se serait cru dans les feuilletons du magazine qu'il achetait chaque samedi.

— Elle va venir habiter ici ? Avec nous ? demanda Katerìna, et sa voix tremblait un peu.

— Eh oui, dit Aryìris. Dans ma chambre. Y a pas le choix. Dans un mois. À la fin juin au plus tard. On ne peut pas tenir plus longtemps — ni moi, ni elle non plus. II se remit à rire et Katerìna redevint toute rouge, à cause de cette fille qui habiterait chez ce beau gars dans la chambre d'en face, et de ces deux-Ià qui «ne tenaient plus», comme il disait sans la moindre honte.

— Je vais lui broder une nappe, dit-elle à Stamàtis Ie lendemain pendant Ie repas.

— Bien sûr, répondit-il. C'est un brave garçon, cet Aryìris. Ce sera leur cadeau. Tu mettras des fleurs tout autour et deux colombes au milieu — je m'y connais. Entendu ?

— Entendu.

L'été arriva. Aryìris partit pour Lamia à la fin juin et revint bientôt avec la fille — ou plutôt la femme. Dès le premier soir il vint la leur montrer. Stamàtis, un court instant, resta sans voix devant ce jeune corps parfait, plein de santé et de force. Une terreur tremblait dans ses yeux. Katerìna offrit la nappe et elle non plus ne sut quoi dire ; elle regardait ce corps, la beauté du visage, les grands yeux brillants, les lourds cheveux noirs dénoués qui tombaient sur ses épaules. Puis elle parvint à dire à la jeune femme qu'elle pouvait utiliser la cuisine, au lieu de s'embêter avec le petit réchaud qu'Aryìris avait acheté. Stamàtis, lui, après avoir avalé plusieurs fois sa salive, se renfonça dans son fauteuil et remarqua que ces derniers temps les réchauds n'étaient plus comme avant, une vraie camelote. Et dangereux en plus. Iphiyènia s'assit sur le bord de la chaise qu'on lui tendait, tenant à deux mains la nappe sur ses genoux. Elle les regarda tous les deux, sourit, remercia du cadeau, le déplia, l'ouvrit, admira beaucoup la finesse du travail, elle-même ne savait pas broder aussi bien ; elle remercia encore pour la cuisine, promit de ne pas gêner tant qu'elle serait là, et ils s'en allèrent, elle et son Aryìris.

Eux, restés seuIs, poussèrent un grand soupir. Il se regardèrent sans un mot. Sans commentaires sur la jeune femme, ni prévisions ni paroles d'encouragement. II y avait de quoi être content, on s'en était bien tiré. Bientôt ils allèrent se coucher, contents l'un de l'autre, mais silencieux, ne sachant quoi dire.

En fait il n'y eut rien à dire. Tout se passa bien de nouveau, très bien. Dès le lendemain Iphiyènia montra son désir de ne pas gêner. Pour toute aide reçue elle rendait la pareille. Voyant cela, Katerìna l'empêcha de se servir du réchaud : elle lui ouvrit sa cuisine comme si c'était la leur à toutes les deux, la laissant cuisiner et ranger là-bas le peu de vaisselle qu'elle avait ; elle lui donna même des rayons de son placard pour les aliments, pour éviter les odeurs dans la chambre ; et puis quel dommage, en octobre ils comptaient prendre un frigo, mais les jeunes seraient déjà dans leur maison. Iphiyènia de son côté se mit à partager avec elle les quelques travaux ménagers nécessaires. Serviable, infatigable, joyeuse, elle sautillait parfois, poussant de petits cris, rejetant en arrière comme une cavale ses longs cheveux. Le matin elle se hâtait, nettoyait, lavait, rangeait la cuisine, balayait le couloir et I'escalier. Quand elle avait fini, elle s'attaquait au travail de Katerìna. À sa façon tranquille, simple, efficace et douce, et sans la moindre ostentation, la moindre affectation — tout naturellement. Une fille saine et comblée, un cœur pur.

Quelqu'un de bien, cette Iphiyènia, pensait Katerìna. Sa propre attitude à son égard était très mesurée, réfléchie, toujours marquée d'une certaine réserve, chargée d'une affection qu'elle ne montrait guère et d'une admiration qu'elle cachait aussi. Les dix ans qui les séparaient, la beauté et Ia santé d'Iphiyènia, ce qu'elle-même avait appris en tant d'années aux côtés de Stamàtis, tout cela lui faisait bien voir jusqu'où elle pouvait aller. Elle était heureuse d'avoir toute la journée cette fille en or avec elle, heureuse qu'elles se soient si bien entendues. Le soir elle racontait tout à Stamàtis et rendait grâces à Dieu de ce que cette deuxième personne arrivée auprès d'eux soit si sage et si bonne. En vouloir plus ? Elle s'en gardait bien. Pas folle, ma Katerìna, disait toujours Stamàtis finement. Elle n'allait pas changer maintenant.

Ce fut Iphiyènia qui se rapprocha d'elle. Sans commisération, sans la moindre condescendance. D'égale à égale. Comme si elle ne voyait pas la laideur de Katerìna, et refusait de lui trouver Ie moindre handicap. Bientôt elle lui parla de ses parents, de ses frères et sœurs, du peu d'argent qu'ils avaient avec Aryìris, de la maison, leurs projets, leurs soucis. Alors Katerìna sauta Ie pas : elle laissa voir son affection. Une vague de tendresse la submergea. Parfois elle étendait la main et caressait la belle tête d'Iphiyènia. Celle-ci non plus ne cachait pas ses sentiments. Elle pouvait rester près d'elle et se sentir à l'aise, en sûreté, y trouver plaisir. Elle pouvait même lui parler des robes qu'elle n'avait pas, de ses cheveux qu'elle ne savait comment coiffer, qui ne pouvaient plus pendre comme ça. Pour Katerìna, c'était Ie rythme du monde en elle qui changeait. L'autre lui parlait aussi d'Aryìris, de leur amour, et même de I'enfant qu'ils auraient (pas tout de suite), comme si Katerìna était normale, bien constituée. Katerìna était encore sur ses gardes, ayant du mal à croire, à accepter que rien ne la distinguait, ne la séparait des autres. Mais Iphiyènia était là tous les jours, toute la journée, pour l'en assurer à sa façon, avec son amitié, sa tendresse. La prudente résistance de Katerìna fut brisée. La joie l'emporta. Son visage entier souriait. Ses yeux s'adoucirent, à cause des larmes qu'elle retenait à tout moment. Et la passion de la vie ressuscita son corps infirme.

— Toi, tu es mon Saint Georges, s'écriait-elle parfois sans Ie vouloir.

— Encore avec ton Saint Georges ! Iphiyènia riait.

— Et alors ? Puisque tu es comme lui, sur l'icône ! Seulement toi, je vais te perdre...

Iphiyènia l'assurait alors qu'une chose pareille n'arriverait jamais, qu'elles se verraient tous les jours, chez l'une ou chez I'autre, et I'on n'en parla plus. Katerìna était heureuse à nouveau.

Tout Ie mois de juillet passa ainsi de façon idéale. Mais soudain Ie vent tourna, tout changea. Katerìna semblait brisée. La joie I'avait quittée, ses yeux ne brillaient plus. Elle paraissait fatiguée, vieillie, enlaidie, Stamàtis lui-même Ie voyait. Quand il rentrait Ie soir, il trouvait toujours sur la table une assiettée fumante qui embaumait toute la pièce, et Ie carafon de retsìna au milieu, comme avant. Mais Katerìna ne lui demandait plus les nouvelles de sa boutique, ne lui donnait plus celles du quartier, ne lui parlait plus d'Iphiyènia et de leurs histoires à toutes les deux. Elle ne disait rien. Dès la fin du repas elle desservait aussitôt, puis elle s'allongeait sur Ie divan et restait là, pliée en deux, sa grosse tête posée sur sa petite main, les yeux fermés ; elle restait au lit sans rien faire, sans rien dire, Ie temps qu'il finisse de lire son journal, et ils allaient dans leur chambre se coucher. Mais Ie plus grand bouleversement, c'est qu'elle ne portait plus Ie peignoir à fleurs. En dix ans de mariage, un tel écart, c'était la première fois.

Il demanda :

— Pourquoi tu ne mets pas ton peignoir, Katerìna ?

— II est fichu.

— Alors il faut qu'on t'en achète un autre. Comment tu vas faire sans peignoir ?

Elle haussa les épaules sans un mot. II se tut lui aussi, ne sachant plus quoi dire. Le lendemain soir encore elle ne portait pas son peignoir.

II demanda :

— Qu'est-ce qui ne va pas, Katerìna ?

Elle haussa les épaules. Encore une nouveauté, cette histoire d'épaules.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il encore. Elle leva les yeux sur lui.

— Tout va bien, pourquoi ? Et de nouveau elle se tut. Désormais elle restait là tous les soirs, pliée en deux, les yeux fermés, sans un mot. Elle voulait maintenant lui parler une bonne fois, qu'il ne l'interroge plus, qu'il ne fasse plus comme s'il ne savait pas. Mais elle n'arrivait pas, elle ne savait pas comment font les autres, à supposer qu'on puisse parler de ces choses — mais quelles choses ?


— Katerìna...

— Oui, ma belle ?

— Emmène-moi dans les magasins, Katerìna, que je m'achète un corsage.

— Maintenant ?

— Mais oui.

— Allons-y...

C'est ainsi que tout avait commencé. Iphiyènia bondit dans les bras de son amie, bondit dans sa chambre, enfila une blouse en indienne et revint aussitôt, toute joyeuse à l'idée d'aller acheter ce corsage ensemble. Voyant sa joie, Katerìna se réjouit. Comment n'y avait-elle pas pensé plus tôt à cette sortie, depuis Ie temps qu'on en parlait ? Elle resta un moment à regarder Iphiyènia. Joues rouges, visage resplendissant, un vrai Saint Georges. Sous cette indienne, on devinait qu'elle était nue. Comme une vierge, comme une femme, pudiquement, admirablement nue. Et la fraîcheur de son corps embaumait.

— On pourrait aussi manger un gâteau, Katerìna. D'accord ? Je te l'offre.

— Une minute, que je m'habille aussi, dit Katerìna.

Elle entra dans la chambre du fond, la sienne. Sa joie du début l'avait fuie — pourquoi ? Elle ferma la porte derrière elle — pourquoi ? Elle ôta son tablier de cuisine et sa robe, ne gardant que sa combinaison bleu ciel, et se regarda dans la glace. À l'endroit de sa poitrine il n'y avait rien, pas la moindre rondeur. Elle prit dans la commode Ie chemisier jaune à manches courtes et l'enfila en vitesse ; Stamàtis avait trouvé qu'il lui allait très bien. Se boutonnant devant la glace, elle se regarda de nouveau. Ses bras, que Ie chemisier laissait découverts, étaient marqués par la variole, blanchâtres, flétris. Pas question de mettre ça pour sortir avec Iphiyènia. À côté d'elle ? Impossible. Elle l'ôta en vitesse et Ie jeta sur Ie lit. Elle prit dans l'armoire la robe rouge à pois blancs qu'elle mettait Ie dimanche, dont les manches allaient jusqu'au coude. Elle se regarda : en hiver, peut-être... Elle l'enleva, Ia jeta sur Ie lit ; alors, quoi mettre ? Allant et venant de la glace à l'armoire, elle se sentit transpirer. Mais quand elle entendit la voix d'Iphiyènia dehors — alors, tu viens ? —, elle s'affola totalement. Elle remit Ie chemisier. Et les cheveux ? Qu'en faire, en si peu de temps ? Elle mit son foulard, en plein mois d'août, Ie jeta, Ie remit, Ie jeta encore. Enfin elle sortit, trempée de sueur, dans son chemisier jaune à manches courtes, ses cheveux rouges ébouriffés, découverts. Au dernier moment elle se dit qu'elle sentait sûrement sous les bras.

Elles sortirent dans la rue. Habituée pendant tant d'années à marcher aux côtés de son Stamàtis, bien à l'abri, voilà qu'en présence d'Iphiyènia elle sentait s'ouvrir un monde neuf et hostile. L'impitoyable lumière de ce matin d'août la dénudait toute entière — la poitrine, les jambes. Le trouble qui l'avait prise chez elle augmentait, elle s'affolait. En arrivant dans la rue Ermou pleine de monde, elle fut prise d'un vertige. Elle ne voulait pas entrer dans Ie magasin avec l'autre ; elle entra. Tout Ie monde les regardait. Elles sortirent ; maintenant elle pouvait respirer. Puis, dans la foule de la rue, elle s'affola de nouveau. Elle avait hâte de rentrer, de se cacher, de retrouver son abri, son petit abri.

— Et Ie gâteau? demanda Iphiyènia.

— Une autre fois.

— Tu es fatiguée?

— La chaleur...

— C'est vrai, quelle chaleur...

Enfin elles arrivèrent chez elles. Katerìna baignée de sueur étouffait, l'odeur la rendait malade. Elle arracha Ie chemisier, Ie fameux chemisier, comme un carcan et se jeta sur son lit avec l'envie de pleurer. Un peu plus tard, dans la salle de bains, elle se savonna longuement pour chasser l'odeur de pourriture.


Voilà comment tout avait commencé.

Et voilà comment tout continua dès lors. Iphiyènia n'avait rien vu, rien deviné de ce qui s'était passé pendant la sortie. Elle était toute seule à Athènes. Aryìris et elle n'avaient ni parents, ni amis. Naïve et candide, elle avait tout de même un peu conscience de sa beauté, de sa féminité. Son instinct et son éducation provinciaIe la poussaient à se tenir sur ses gardes. Elle ne voulait pas se promener seule, avec Aryìris absent si loin toute la journée. Mais si Katerìna l'accompagnait, alors tout allait bien, et elle se réjouissait de chaque sortie comme un petit enfant.

— Katerìna... Où vas-tu ? Katerìna?

Elle dansait autour de son amie.

— Juste à côté... Au marché...

— Emmène-moi. Katerìna! Elle chantait presque.

— Viens...

Et tout recommençait : Ie chemisier, les bras, la glace, les cheveux, la sueur, les yeux des gens dans la rue. Elle rentrait l'air traqué, brisé, un peu plus meurtrie à chaque fois. Iphiyènia continuait sans se douter de rien :

— Qu'est-ce que tu fais, Katerìna?

— Je tricote un peu.

— Tu as tout fini?

— Tout.

— Le repas aussi?

— Le repas aussi.

— II est tôt, ils ne sont pas près de rentrer. On va au cinéma?

Les premiers temps elle attendait les sorties en tremblant. Mais bientôt la peur disparut. Sortir dans la rue avec Iphiyènia ou se terrer chez elle, ça ne changeait rien. Dans le miroir tendu par la jeune femme elle avait vu son destin ; elle savait tout désormais. Sans Stamàtis, elle supportait Ie poids de la journée tant bien que mal. Le soir quand il rentrait, elle avait Ie double à porter : sa présence venait sceller son destin, Ie rendre visible. Alors elle se blottissait au fond du divan, fermait Ies yeux et se taisait.

— Tu te fatigues avec elle, tu me fais peur, finit-il par lui dire un soir.

— Pas du tout, cesse d'avoir peur, dit Katerìna sans ouvrir les yeux.

Sa voix était hostile — pour la première fois. Depuis quelque temps, sans savoir pourquoi, Stamàtis avait peur. Cette voix soudain Ie transperça, il se recroquevilla dans son fauteuil. II ne dit plus rien, ne demanda plus rien, ni ce soir-là ni les soirs suivants. Dans sa boutique il ne caressait plus sa jambe atrophiée, il ne s'attardait plus à contempler ses grands doigts. Le soir à son retour ils restaient tous deux silencieux. Stamàtis Sideràkis Ie sage ne savait plus quoi faire. Parfois il voulait se lever, alIer vers Ie divan, s'asseoir près d'elle et lui dire, Katerìna... Mais ne sachant quoi dire ensuite, il ne bougeait pas. II voulait aussi aller à côté trouver Aryìris, ce brave gars, et eIle aussi et leur dire, les amis, Katerìna... Mais Ià non plus il ne savait quoi dire ensuite, et il ne bougeait pas.

Leur belle promenade du dimanche fut elle aussi supprimée. La première fois qu'Iphiyènia proposa d'aller tous les quatre à Illioùpolis voir leur maison, Katerìna répondit, «Pas aujourd'hui, j'ai mal au dos». Les jeunes y allèrent seuls. Stamàtis n'osa pas proposer un petit tour a Katerìna. II n'osa même pas lui demander ce qu'elle avait au dos. II tira son fauteuil près de la fenêtre et ils restèrent ainsi tout l'après-midi, toute la soirée, elle sur son divan et lui regardant la rue.

— Mais enfin, Iphiyènia, dit Aryìris, tu voulais vraiment qu'elle vienne avec nous ? II attendait de lui en parler depuis plusieurs jours.

— Et pourquoi pas? Ça lui aurait fait tant plaisir.

— Mais t'as pas un poil de cervelle? Tu ne vois pas ce qu'elle est devenue ?

Elle ne dit rien. Tout l'après-midi elle resta triste et pensive. Même la vue de la maison presque achevée ne put la réjouir. Le soir, quand ils rentrèrent, elle s'arrêta soudain et lui prit les mains. Elle avait les larmes aux yeux.

— Aryìris... Je te promets, Aryìris, c'est pas ma faute... Je n'ai fait que l'aimer...

— Tu I'as tuée, ma pauvre, avec ton amour.

Dans leur chambre elle se mit à pleurer. Elle voulait aller la voir et la serrer dans ses bras.

— Arrête tes idioties, dit Stamàtis. Ça ne mène à rien.

IIs restèrent tous deux dans la chambre ; ils n'allèrent même pas chercher de l'eau.

À dater de ce soir-là tout changea dans la maison. Aryìris ne vint plus chercher son eau Ie soir, et Stamàtis ne demanda pas pourquoi. Katerìna n'étendit plus la main pour caresser la tête d'Iphiyènia ; celle-ci ne parla plus de sortir ensemble. Elle ne savait que faire. Être gentilIe ? Elle craignait de faire mal. Changer d'attitude, prendre ses distances ? De cela aussi elle avait peur. Elle craignait Ie moindre geste, et cette peur la chagrinait. Elle dut se contraindre, dissimuler, et c'était là un nouveau chagrin. Elle se sentait coincée, prise au piège. Une semaine passa ainsi, et Ie dimanche Aryìris ne proposa pas d'aller voir la maison. Maintenant elle comptait les jours, impatiente de partir : encore un nouveau chagrin.

Aryìris comptait les jours, lui aussi, qu'on en finisse avec ces bêtes histoires de bonnes femmes. Elle n'y aurait pas coupé à ses deux baffes, la petite mère Iphiyènia, s'il n'avait pas été lui-même Ie premier fautif en se jetant au cou de ces infirmes.

Stamàtis, tout comme eux, comptait les jours de septembre. Un à un. Vivement qu'ils partent. Elle surtout, qui était la cause de tout. Elle dont la vue faisait souffrir sa Katerìna. Qu'on se retrouve à deux, avec la petite boutique, la promenade du dimanche, que Katerìna mette Ie nouveau peignoir qu'il venait d'acheter... Que tout redevienne comme avant... Oui, Katerìna, tu verras... Ce sera même mieux... Pour toi aussi, tu verras... II en était sûr, Stamàtis : tout reprendrait comme avant.

Le jour béni de la délivrance arriva avant la fin septembre : dix jours de gagnés.

Toute la journée à sa boutique Stamàtis ne put coudre un seul point. Le soir il ferma plus tôt et rentra chez lui. Le camion était garé devant leur porte. II s'arrêta un instant au coin de la rue pour laisser son cœur se calmer, puis il s'approcha. Aryìris descendait les baluchons et les valises. Iphiyènia I'aidait. Katerìna était debout près de la porte. Stamàtis les salua, leur fit ses adieux, on se reverrait, on se verrait souvent, eux-mêmes iraient les voir là-bas, bien sûr ; il leur souhaita bonne chance et s'excusa si quelque chose s'était mal passé. Enfin il monta chez lui.

Comme prévu, il s'assit au fond de son grand fauteuil, allongea ses petites jambes autant qu'il put et ouvrit son journal. Pas moyen de lire. II jeta son journal, se leva et se mit à la fenêtre. En bas dans la rue Ie chargement était terminé. Iphiyènia vint près de la porte et prit Katerìna dans ses bras. Elle lui parla en s'essuyant les yeux. Tiens ! Elle l'aimait vraiment ? II vit alors Katerìna s'accrocher au cou de I'autre, et lui parler elle aussi ; puis ses mains, raides et convulsives, caressèrent ses cheveux, ses épaules, ses bras, avant de retomber sans vie. Elle aussi pleurait.

Le camion démarra. Dieu soit loué, c'était fini. Iphiyènia monta et s'assit sur les paquets. Jusqu'au tournant il la vit faire des signes. Alors il respira profondément, se rassit dans son fauteuil et attendit que Katerìna remonte.

Bientôt elle entra ; il se leva. lls restèrent ainsi tous les deux, debout, immobiles, ne sachant que faire. La table entre eux était mise, comme toujours. Katerìna la première baissa la tête ; elle fit mine de s'asseoir.

— Attends... dit-il.

Elle leva les yeux sur lui, resta debout. II passa dans la pièce d'à côté, mi-sautillant, mi-clopinant, et reparut un paquet à la main. Le nouveau peignoir. C'était là Ie grand coup qu'il avait prévu pour ce jour-là, pour cet instant où ils se retrouvaient seuls. II posa Ie paquet sur Ie divan, l'ouvrit, déplia Ie peignoir et Ie brandit.

— Viens, dit-il. Viens voir un peu la qualité...

Katerìna l'enfila sans un mot, l'aplatit sur elle et se mit à table. II s'assit à son tour et ils commencèrent à manger. Elle n'avait même pas dit merci, et il n'osait pas lui dire comme Ie peignoir lui allait bien. Son grand coup avait fait long feu. II mangeait, les yeux dans son assiette, cherchant quelque chose à lui dire et ne trouvant rien. Il lui jeta un coup d'œil furtif. Alors il vit, lui aussi. II n'y avait plus de Katerìna en face de lui. II n'y avait plus qu'un monstre de laideur et de douleur. Meurtri, ravagé, vidé. Stamàtis Sideràkis Ie savait maintenant : Iphiyènia partie, la délivrance n'était pas venue. Elle ne viendrait jamais. Saint Georges était passé par là, comme il devait faire un jour, apportant sa lumière, sa grande lumière à ces deux-là, deux innocents. Et les avait foudroyés.



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La version originale de cette nouvelle
a été publiée en 1966
dans le recueil Désarmés

et sa traduction française en 1990
dans l'anthologie Arrêts sur image
aux éditions Hatier
épuisée depuis belle lurette.


Du même auteur :
La fin de notre petite ville
(L'aube, 2002)


Dimìtris Hadzis
Dimìtris Hadzis

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Voici ce que j'ai écrit quelque part, il y a quelques années, pour présenter Hadzis :


«Dimìtris Hadzis naît en 1913 à Ioànnina, capitale de la Grèce du Nord. Militant communiste, il est emprisonné, torturé et déporté plusieurs fois entre 1936 et 1949, année où la Guerre civile le force à quitter le pays. Il passe vingt-cinq ans de sa vie en exil — Roumanie, RDA, Hongrie surtout. La France de Pompidou lui refuse l'asile au début des années 70. En 1974, la fin de la dictature lui permet de rentrer en Grèce où il mourra en 1981.

Il n'a publié que six livres. Le plus connu, La fin de notre petite ville (1963), recueil de nouvelles racontant sa ville natale, est une pure merveille. Peu de textes m'ont à ce point remué, hanté, accompagné dans ma vie d'écriture et ma vie tout court.

Hadzis n'est pas un romancier : le deuxième sommet de son œuvre, Désarmés (1966), se compose de textes brefs ; quant au troisième, Le livre double (1976), les chapitres de ce prétendu roman sont plutôt des nouvelles.

Ce qui a fait de Hadzis un classique dès son vivant, outre l'art du récit, la force quasi orale de l'écriture, c'est l'image à la fois cruelle et pleine de compassion qu'il donne de son pays et de l'homme en général. Cet homme de gauche, vite revenu du stalinisme, refuse toute violence dogmatique. Nul mieux que lui n'a reconnu la complexité des choses et des gens. Féroce avec les puissants, il est surtout tendre à l'égard des humbles et de ceux qui souffrent. Comme tout bon raconteur, il aime ses personnages. Ses armes sont l'intelligence, l'honnêteté, la bonté ; son registre d'élection, l'ironie plus ou moins voilée.»


Oui, bon, d'accord. Informations utiles, rien à reprendre, mais ce ton un peu froid, genre Lagarde-et-Michard me paraît aujourd'hui bien faiblard pour évoquer Hadzis. Relisant «Saint Georges» quinze ans après, je suis de nouveau ébloui, bouleversé. L'amour et la beauté qui détruisent, quel thème extraordinaire, quelle amertume, et quelle simplicité pour dire des choses à ce point profondes et subtiles...

Pour moi aussi, Hadzis aura été l'expérience d'une beauté qui fait mal. La traduction de La fin de notre petite ville en 1990 fut une grande chance, mais aussi une méchante épreuve. Les difficultés du texte étaient peu de chose à côté des misères que nous fit la veuve de l'écrivain, ce dragon qui par ses folles exigences écoeure depuis un quart de siècle éditeurs et directeurs de revue. L'œuvre du malheureux époux en a cruellement souffert.

Ah, si Hadzis avait vécu, si je l'avais connu... Entre gens du métier, on se comprend, on s'arrange. Je pleure un ami que je n'ai pas eu le temps de rencontrer. La jeune veuve, elle, avec son français approximatif et ses goûts littéraires vacillants, a voulu donner des leçons d'écriture au traducteur et d'édition à l'éditeur. À cause d'elle je n'ai pu continuer de traduire Hadzis après «Saint Georges».

J'en parlerai plus en détail un de ces jours sur volkovitch.com. Et si cette furie meurt avant moi, j'aurai du mal à me retenir d'aller pisser sur sa tombe.


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