On compte dans sa langue maternelle | ||
un | deux | trois |
Ah si la langue | La langue étrangère | Ma langue |
pouvait être une ville | me rejette | une langue |
et contenir | mais de penser | aux os |
et ne pas | à elle me fait | brisés |
s'en aller | oublier la mienne | puis ra- |
fistolés | ||
Si les mots étaient | et la maternelle | une langue |
lumineux s'ils étaient | pour les chiffres | |
tout un spectre | m'oublie | |
elle aussi | Perdue | |
Si l'on ne parlait | et de langue | dans un aéroport |
qu'avec le nom antique | pour penser | elle demande |
des arbres | je n'en ai plus | aux passagers |
aucune | aux passants | |
Ici | si quelqu'un de vivant | |
rien qu'une langue | la cherche | |
tout est obscur. | pour compter | bien qu'elle ne soit pas |
La lumière artificielle | un roi | |
brûle les yeux | ni un dirigeant | |
brûle | ||
mais rien qu'une fille prodigue | ||
Le ciment | est de retour | |
sans risque | chez elle | |
dans sa porosité | ||
Ceci est une tasse de thé
Neuf heures vingt-huit pile.
Puis vingt-neuf.
Capter le mouvement
de l'aiguille dans son parcours
d'une minute à l'autre
c'est comme de tenir
un instant dans tes mains
une fumée.
Neuf heures et demie. Déjà.
En neuf lignes.
La cuiller à café.
un drap roulé en boule aux petites
fleurs bleues maladives.
poussière et champignons sautés.
sourires jaunis.
l'odeur après la pluie
on dirait que la terre s'évapore
et s'introduit partout.
yaourt au frigo.
quelqu'un joue du violon.
objets qui restent
quand tu sors,
chaussons, parapluie cassé,
petite monnaie.
Les gens perles en série.
Et de temps à autre le vent
le vent de l'insouciance.
Si tu concentres le monde
dans une tasse :
les pierres
et le bitume
les regards
un klaxon
un marteau et quelques clous
un pas tranquille
un cadre de taille moyenne
des soupirs
et une bonbonnière
tu verras qu'il n'est pas solide.
Si tu concentres le monde
dans une tasse
tu verras qu'il n'est rien
qu'un liquide incolore, inodore, inoffensif.
Oui, mais toi.
Dans l'atelier de l'Ege
C'est alors que
dans l'argile il a créé
de l'angoisse
il produisait de l'onyx et
des portraits
les couverts du dîner
et autour d'eux des cendres et
des mégots et
des cils en suspens
C'est alors qu'il a mis
des détails en bronze
Des signes de ponctuation pour contenir
le chaos
quelques points-virgules
pour le mystère
tablier pour ne pas salir ses vêtements
alcool pour ne pas salir son cerveau.
Sa première création
il l'a faite
autarcique
pour tourner centrifuge
autour d'elle-même.
Comme s'il ne savait pas que
la chose intacte se brise
la première.
Saxonica | ||
I. | II. | III. |
Leurs villes : | Une plume | Après ton inévitable |
ténèbres rouges. | ||
pour tes pensées | descente, | |
et deux pour | Saxon, | |
Eux-mêmes : | une matière grise | dans des régions plus |
ils sont souffrants. | pervertie. | chaudes, |
Pâles, | Ton cerveau | dans des lieux qui ont |
absolument justes | je l'imagine ainsi — | pour système métrique |
dans les distances. | se déversant dans | les rivages |
La catastrophe, | une tempête | |
d'un azur sombre ; | ton enchanteresse | |
porte des verres | au centre | mélancolie |
de contact | poussent | ne fera que feindre — |
naturel et elle est | des champignons | tu seras tant |
boursière | hallucinogènes | préféré, corps étranger, |
dans une école navale. | et de la terre | que tu ne le souhaiteras pas. |
et des miroitements | ||
L'antidote : | C'est dur | |
Une goutte de lumière | Ainsi — | d'être |
qui déborde. | froid, | sans logis |
Cela suffit pour | trouble, | |
se décomposer. | absolument excitant. | Insupportable |
de ne pas être | ||
Alors seulement, | apatride | |
Saxon, | ||
tu deviendras | Inévitable | |
un manifeste. | d'être complété | |
par le soleil | ||
Sans titre
C'est une adresse lumineuse
une maison
entre les feuilles
qui brille
une cour
qui pour les uns
donne sur la mer
et pour d'autres
sur des vignes
C'est une adresse
avec une longue table
où mangent ensemble
tous ceux que l'on aime
qui vivent
qui voyagent
et se sont évaporés.
Ils dînent tous ensemble
sous des lampions
multicolores
tandis que les moustiques
se suicident
en se gavant de lumière
Et les rues d'alentour
les embrassent
les tiennent serrés
et les toits
les abritent
comme une main
bienveillante
quand le sommeil
te prend
au salon
Place avec vue
À l'hôtel Bella Vista
suspendu par un fil d'or
au ciel
tu peux trouver un peu
de tout.
Ses murs de verre planent au-dessus
de la maigre bourgade
qui se serre et saigne.
(Explications superflues —
le sang, nous connaissons.)
L'hôtel Bella Vista
a cependant des croissants et
des confitures, ses petits
drames emmurés
des pertes rares et encore —
Il a l'air pur de
la montagne qui en fondant
devient thé il a
des réceptionnistes en nœud papillon
souriant d'un air de valériane.
Il a des soirées dansantes qui
s'évaporent comme des bulles
et du vin qui attend
sans s'oxyder
sur les nombreux balcons.
L'hôtel Bella Vista
reçoit exclusivement
les étrangers des alentours
qui sont indemnes de vertige
et que ne gêne pas le goût
du sang —
du moment qu'il a
de l'eau minérale.
À la Mère | ||
I. | II. | III. |
Mère, tu | Ma mère, | Je les vois qui |
m'as consacrée | tu as tout prévu pourtant, | regardent, |
enfant éternel | tu m'as appris | |
et je ne peux pas grandir | à faire semblant. | ma mère, |
dans un monde | Travailleuse | |
de grandes personnes. | tous les jours | et qui comprennent |
et même guide | l'art je l'ai | |
Orientée autrement, | femme toujours | et perfectionné mais |
brûlée par ta lumière | partout et | ne suis pas encore au point. |
la peur me féline | lorsque vient | Une respiration irrégulière |
poursuit | la nuit. | Un pli dans un vêtement |
dans chaque tempête. | Un mot malheureusement | |
trompeur | ||
Ma mère, | quelque chose me trahira. | |
Mère | ce monde a vieilli | |
je te vois qui | et l'on a bientôt plus | Et le travail de l'acteur, |
t'enneiges | d'alcool. | ma mère, |
et files encore | n'est pas un art | |
des cordons, | pardonnable | |
écoute le lait | dans cette cité. | |
qui coule : | ||
«ce qui franchement | ||
t'emplit, | ||
te prend quelque chose | ||
d'autre». | ||
Il est tôt.
Les chaussures des gens trahissent davantage
qu'elles ne voudraient.
Elles crient des histoires personnelles indiscrètes.
Celui qui se prend très au sérieux
Celui qui essaie de se prendre au sérieux
Celui qui s'est totalement laissé aller
Celui qui veut faire croire qu'il se laisse aller
Celui qui est doit porter ce dont il ne veut pas
Celui qui porte quelque chose qu'il serait content de
Nous tous
dont l'habillement n'a
aucune importance.
Optatif
Ah si nous allions au lit ensemble
dans une chambre grise
sous des draps ternes
pleins de taches
et d'inachèvements de papier
Si nous allions au lit ensemble
en mode silencieux
sans gargouillis vulgaires,
ni sueur
sans aucun usage abusif
de l'air
Si nous existions comme
notre prix
absolu
Si nous allions au lit
ensemble
dans un vide d'air.
Un vide.
Flottants.
Arìsti Zaïmi, née en 1991 à Kavàla, a étudié le droit à Thessalonique puis à Glasgow et réside actuellement au Royaume-Uni. Elle a publié en 2020 son premier recueil de poèmes.