Nìkos Gàtsos



Lune en papier

Χάρτινο το φεγγαράκι


La brise et les étoiles d'or

viendront jusqu'au rivage

pour baiser ta main et encore

caresser ton visage.


Elle est en papier la lune

la mer aussi tout est faux

crois-moi une fois rien qu'une

tout sera vrai de nouveau.


Si l'amour de toi me manque

le temps est tout ralenti

Si l'amour de toi me manque

le monde est tout rétréci.


Nìkos Gàtsos, Mànos Hadzidàkis, 1958






Toi qui veux mettre les voiles

Τώρα που πας στην ξενιτιά


Toi qui veux mettre les voiles

puisque l'amour s'est enfui

emporte avec toi l'étoile

pour aller au paradis


Tu es une vague chagrine

sans rivage pour t'accueillir

moi j'attends que sur les ruines

de l'amour tu viennes pour dormir


Puisque tu as mis les voiles

Il faut que la nuit bientôt

Fasse de toi une étoile

dans les jardins de là-haut


Nìkos Gàtsos, Mànos Hadzidàkis, 1961






Le train est parti

Πάει έφυγε το τρένο


Voici qu'arrive le matin

l'étoile s'éteint

et dans le ciel une rivière

fait couler sa lumière.


Les enfants sous notre olivier

vont se réveiller

et je pose en pleurant un peu

un baiser sur leurs yeux.


Ma beauté ma goutte d'or

le train est parti

très loin et toi aussi

très loin et toi aussi.


Tu es partie mon trésor

et tu as choisi

une île bleue loin d'ici

une île bleue loin d'ici.


Dans ta main tu as emporté

volée à l'été

l'étoile et sa clarté

pour t'en aller ailleurs.


Et moi plein de rêves tendres

je m'en vais t'attendre

là où viendra s'étendre

ton eau et sa fraîcheur.


Nìkos Gàtsos, Mànos Hadzidàkis, 1962






Fini le temps

Πάει ο καιρός


Fini le temps, fini le temps

où l'on se croyait au printemps

où chaque aurore ouvrait une source claire

qui abreuvait toute la terre.


Voici la nuit, voici la pluie

c'est l'hiver qui nous envahit

et ce garçon ne parvient pas ce soir

à se réchauffer seul dans le noir.


Les larmes coulent à chaque pas

et face au vent du nord

le bateau lutte et ne sait pas

s'il verra le port


Nìkos Gàtsos, Mànos Hadzidàkis, 1965


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Nìkos Gàtsos, né en 1911 en Arcadie, se fait d'abord connaître comme critique et poète. Il publie en 1943 Amorgos, poème surréalisant, qui marquera la poésie grecque ultérieure et restera le sommet d'une œuvre poétique finalement peu abondante. Gàtsos devient alors traducteur de théâtre (Lorca, T. Williams, Strindberg, O'Neil, Genet...), mais c'est surtout l'inlassable parolier (plus de 600 chansons, aujourd'hui rassemblées en un volume) qui va rester dans les mémoires. Le mariage entre poésie et chanson, c'est à lui d'abord qu'on le doit. D'où sa grande popularité.



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