Marìa POLYDOÙRI



Cette rage effrénée


Cette rage effrénée : vouloir ce qui m'échappe,

vouloir ce que tu m'as dissimulé,

entendre au fond de moi mon cœur en vain qui frappe,

et de folie dans tes yeux me soûler.


Où vais-je, bien-aimé ? Je te cherche partout.

Jadis les jours passaient comme des ombres.

Les siècles à t'attendre auraient semblé si doux,

rêver de toi éclairait les nuits sombres.


Où es-tu donc ? Où trouver la faveur dernière

venant de toi que je puisse chérir ?

Oh, je ne peux pour toi vivre ma vie entière,

en vain t'attendre à l'heure de mourir.






Maintenant fermez bien


Maintenant, fermez bien les portes. Car enfin

tout s'achève. Partez, qu'il ne reste personne.

Toute chose était mienne ici, tout m'abandonne,

et cette solitude ira jusqu'à ma fin.


Qu'ils partent, tous. Intrus et leurs présents coûteux,

plus rien ne satisfait la nudité brillante

qui m'entoure aujourd'hui. Ô splendeurs décevantes,

trésors qui m'humiliaient, mendiante devant eux.


La cloche prophétique a retenti pour moi.

C'est l'heure du Repas. Voici l'Amie absente

Qui vient. Depuis toujours au fond de moi présente,

m'éclairant, trois fois sainte et digne de ma foi.






Si je chante à présent


Si je chante à présent, c'est grâce à ton amour

des dernières années.

Par tous les temps, à l'arrivée des plus beaux jours,

aux pluvieuses journées,

si je chante à présent, c'est grâce à ton amour.


C'est pour avoir été par toi prise une nuit

dans tes bras quand tu as baisé mes lèvres,

que je suis devenue comme un lys épanoui,

que devant toi je frissonne de fièvre,

c'est pour avoir été par toi prise une nuit.


Oui c'est pour avoir vu ton âme qui se donne

dans ton regard aimant

que je porte à présent la plus belle couronne

de ma vie fièrement.

Oui c'est pour avoir vu ton âme qui se donne.


Si je suis née enfin, c'est grâce à ton amour,

tu m'as donné la vie.

L'existence est ingrate et déçoit tous les jours,

la mienne est bien remplie.

Si je suis née enfin, c'est grâce à ton amour.





Née en 1902, esprit libre, ardente féministe, elle a aimé le poète Còstas Karyotàkis et publié deux recueils de poèmes avant de mourir à vingt-huit ans de la tuberculose. La pièce de Roùla Yeorgakopoùlou, Ne m'envoyez pas des fleurs, fait son portrait.

Trois poèmes, ce n'est qu'un début. Elle mérite amplement qu'on s'occupe d'elle plus à fond.



*  *  *