REBÈTIKA

(suite)



Avec toi

Αχ μαζί σου


Ton regard me brûle j'adore

ton corps d'ange et tes cheveux d'or

me v'là devenu l'esclave

de tes lèvres et leurs mots suaves


Moi    je veux    passer avec toi

toute ma vie sous le même toit

dans    tes    bras tout le temps grisé

réchauffé par tes baisers


Dragàtsis, dit Ogdondàkis, 1928






La belle de Kokkinia

Το κουκλί της Κοκκινιάς


Tu me fais pleurer je le montre pas

non je ne veux pas que tout le monde voie

que je brûle je fonds à cause de toi

la plus belle fille de Kokkinia


En te voyant ma douleur s'alluma

viens me guérir beauté entre tes bras

sous tes baisers mon mal tu éteindras

toi la plus belle de Kokkinia


Pànos Toùndas, 1929






La fille de Smyrne

Τα μάτια της Σμυρνιάς


Fille au visage de lune fille de Smyrne dis-moi

pourquoi je perds la tête à cause de toi

dis-moi pourquoi tes yeux ont incendié ma vie

pourquoi je meurs de chagrin et d'envie


Mais quel regard tu as quels yeux

tendres et ensorceleurs

tantôt fous tantôt malicieux

et qui déchirent les cœurs


Ah fille de Smyrne aman aman tu m'as mis le feu

tu as rendu fou un pauvre malheureux


Ah fille de Smyrne dépêche-toi

je brûle je t'en supplie

viens à mon secours aie pitié de moi

éteins mon incendie


Pànos Toùndas, 1929






Les deux cadors

Οι δυο σερέτες


— Je suis en manque et bien pinté

je m'appelle Yànnis de Psyrri

faut pas venir m'asticoter

je suis un dur dix ans que j'ai pris


— Je suis Vanghèlis de Syros

et tu me fais pas peur mon mec

trois types qui me cherchaient des crosses

je les ai butés aussi sec


— Les assassins ça me laisse froid

pauvre cave t'es de la petite bière

— Approche un peu mon petit gars

et moi je t'envoie au cimetière


Tous deux sortent leur couteau

et chacun d'eux vise au cœur

et c'est Yànnis qui bientôt

liquide Vanghèlis le tueur


Et Yànnis enfin tranquille

délivré de ce poison

trouvera de nouveau asile

pour dix ans de plus en prison


Chryssafàkis Emmanouïl, 1932






La chasse aux portefeuilles

Πάμε για το πράσο


Nòtis pickpocket mon vieux

si on se promenait tous les deux

au marché viens faire un tour

on sera riches à not'retour


Je commencerai par faire le pet

que tu puisses travailler en paix

moi je surveille et toi tu cueilles

dans les fouilles les portefeuilles


Et si un type nous repère

on lui graisse la patte pépère

qu'il aille pas chez les condés

salopard nous moucharder


Parce qu'au marché quand tu piques

faut drôlement se méfier des flics

ils te tombent dessus dare-dare

et tu te retrouves au placard


Chryssafàkis Emmanouïl, 1932






Dieu tout-puissant


Dieu tout-puissant père vénéré

qui de là-haut nous observes

laisse tomber dans mon narghilé

quelques brins d'une bonne herbe


Cher Dieu entre les murs très hauts

de l'église qui nous héberge

on vient d'allumer nos fourneaux

ça remplacera les cierges


Devant l'icône de saint Spyridon

tout barbu tout chenu

moi je tire une taffe et allez donc

il se marre il en peut plus


Cher Dieu quand nous serons entourés

d'une fumée délicieuse

envoie-nous tes anges préférés

qu'ils nous chantent une berceuse


Anonyme






Le caïd

Κουτσαβάκι


J'étais un vrai caïd, je craignais pas pour ma vie

avec mon pistolet je la risquais jour et nuit


Je passais mon temps à jouer de tripot en tripot

les cartes c'est mon truc et souvent je gagnais gros


Barre-toi, barre-toi mon gars, qu'on me disait certains soirs

et je m'en allais dare-dare jouer du flingue autre part


Mon chapeau je le mettais comme ça pour les bluffer

et je leur disais Calmos les gars, je vais vous bouffer !


Anonyme






La têtue

Πεισματάρα


Tu es trop têtue pourquoi me repousses-tu ?

Arrête cruelle tu me rends fou et tu me tues


Toutes les richesses du monde qu'est-ce que ça vaut

j'en ai pas besoin moi c'est toi qu'il me faut


Anonyme






La coquine

Νέα μερακλού


Je suis une coquine une coquette

je passe mon temps à faire la fête

Toute la nuit je m'enfile des bières

et j'oublie toutes mes misères.


Je veux être amoureuse d'un mec

bagarreur pas un blanc bec

qu'il danse le zeïbèkiko

qu'il m'aime à tire-larigot


Salut mec mon petit derviche

cesse de fumer ton haschich

buvons de la bière ça s'impose

après quoi faudra qu'on cause


Mon beau voyou, ne fais rien

pour me donner du chagrin

faut pas que t'aies d'autres chéries

ça nous compliquerait la vie


Parle-moi mon petit derviche

cesse de fumer ton haschich

sois doux et fais pas le mariolle

déjà que tu m'as rendue folle


Còstas Tzòvenos, 1933



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Septembre 2017. Le volume 2 de la Grèce de l'ombre à peine paru, voilà que qu'on me réclame d'autres traductions de rebètika. «Dieu tout puissant», c'est Nicolas Syros qui va le chanter pour notre concert annuel à Millau. Les autres chansons, c'est pour Ouranìa Lampropoùlou et Evyènios Voùlgaris qui les donneront à Issy-les-Moulineaux.

La plupart de mes paroles françaises collent à la musique. Lisant les textes avant qu'ils soient chantés en v.o., je reproduis parfois le rythme de cette musique, d'où par exemple, dans «Avec toi», la disposition typographique de la strophe 2.



Santouri & oud.
Ouranìa & Evyènios.

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