Le fracas de leurs mots
À Orèstis
À l'école je me souviens les premiers temps
je pleurais en douce
lorsque la main de ma mère me lâchant
une main de fer
me caressait le dos.
Je ne crois pas
que j'avais peur des maîtres
des examinateurs
des camarades inconnus
des officiers à l'armée plus tard
des professeurs à l'université.
C'est leur savoir cercle glaçant dont j'avais peur.
Leurs mots
durs, intolérants, sans amour
comme des noix vides quand on les casse
tandis que les mots de ma mère
étaient pétris de tendresse.
Et maintenant
que je soupçonne la même peur chez mon fils
je lui prépare des mots le matin
des mots aimants
qu'il les prenne avec lui
qu'ils veillent sur lui
quand le fracas des mots étrangers
l'encercle.
Fracture
À Àris
L'enfant s'appuie sur mon épaule
mon épaule est dure
des os enveloppés de muscles
et de tendons
l'enfant
veut l'épaule de sa mère
petit oreiller à fleurs
trois couches de miel
source d'où coulent en foule
des pétales de rose
et une douce chaleur.
Mon épaule recule
se brise part en morceaux
sous le poids du désir
de l'enfant.
Petits boulots
À Theòdoros
Mon fils
travaille chez un ferrailleur
il rentre brisé
il travaille comme garçon de café
pour les pourboires
les regards le détruisent
mon fils rend des services
le soleil meurt en lui.
Mon fils récolte les olives
ses mains noires d'amertume.
Mon fils est bon
et beau
tout le monde l'aime.
On l'appelle parfois
pour d'autres travaux
et parfois
on l'appelle du ciel
pour faire l'ange
et monter les blessés.
Vélos cassés
Leur père soignait les vélos cassés du quartier.
Des gens de passage aussi en apportaient parfois.
Ses deux enfants couraient partout pieds nus en guenilles
— dans leurs yeux brillait l'aventure
et sa fin.
Ils couraient toute la journée
lui débordé de travail
ne les quittait pas des yeux
mais dans un instant tranchant
où l'imprévu fauchait le crépuscule
au point aveugle
lorsque la nuque ne peut tourner
ils lui ont échappé
ont chevauché deux selles
roues trouées
chaines déglinguées
freins usés
et sont montés au point le plus haut des rêves.
Dans l'immense descente des couleurs
là où d'habitude
tous les enfants aux pieds nus échouent
ils n'ont pas réussi.
Leur père
— privé de soleil —
les a cherchés
en vain.
Les a cherchés sans bruit.
Lui seul les a cherchés.
C'est ce qui arrive et d'autres choses encore
dans des lieux sans lumière.
Exercices de gymnastique
Qui peut prévoir l'avenir ?
Le samedi à présent au gymnase
sur les gradins je regarde les enfants.
Des parents les accompagnent, consciencieux, prudents,
certains se connaissent depuis longtemps, discutent
d'autres tapotent leurs portables et c'est tout.
Parents corrects, ils semblent si parfaits.
Serais-je le seul en faute là-bas ?
Voilà ce que je pense en buvant mon café.
Les enfants un instant planent aux barres parallèles
puis retombent en douceur au tapis,
replient leurs ailes.
En d'autres lieux les enfants tombent et tardent à se relever
sont noyés, écrasés ou lentement se désagrègent.
Mais ici tout est protégé.
Seul ce braillard de professeur
dédaigne un peu cette bienséance.
S'il n'y avait pas ces regards
il giflerait certains enfants peut-être
qui n'écoutent pas ses instructions
pas assez concentrés
trop enfants
alors que lui sans doute voudrait les voir grandir plus vite.
Je voudrais descendre et lui demander qu'il m'explique
ou seulement lui dire ma compassion
le voyant si peu aimé
mais moi aussi j'ai peur des regards
qui observent tout en silence.
Ces regards-là l'ont effacé un samedi avant
qu'il ait pu voir que les enfants
commençaient à ne plus tomber des barres
sans grandir.
Un Andrèas
Nous nous croisons à l'occasion une ou deux fois par an
hier il m'a vu au supermarché
choisir des tomates.
Il m'a redemandé comment allait ma grande fille
— C'est un fils, il fait ses études, Andrèas.
— Ah bon.
Silence.
— Il va bien ?
— Ça va.
À chaque fois la même discussion
au-dessus de denrées pourries
à la porte du coiffeur de noms
à l'atelier de changement de jambes
dans les queues de chômeurs desséchés
sur les trottoirs des racornis
dans les tranchées de la ville
— Penche-toi Andrèas, non, pas de courbette
penche-toi seulement.
C'est étrange comme on peut
se rappeler toujours la même chose de travers.
J'ai remarqué aussi le tremblement de ses mains
qu'il cachait adroitement, serrant son chariot.
Je fais tout pour l'éviter
Mais son obstination à faire partager sa gêne
est invincible.
Un jour il a perdu sa tête
on a couru la rattraper
dans la descente.
Lorsque j'ai eu payé l'éditeur suivant
et publié mon sixième livre
je l'ai envoyé chez lui sans connaître l'adresse
sûr qu'il le recevrait un jour.
Des années plus tard nous nous sommes retrouvés
dans les toilettes
publiques et payantes.
«Comment va ta fille ?
Super ton poème sur ce type.
Incroyable, ce type-là,
c'est qui ?»
Le shilling
J'avais dans les sept ans
et la petite vieille ratatinée ouvrait grand la main.
Je lui ai donné mon argent de poche — un shilling
puis j'ai pris la fuite effrayé.
La vieille est morte, j'ai grandi
le temps sous la terre
a nettoyé ses os
si elle n'était pas là-dessous
vous verriez qu'ils ont la couleur
de la lune en ce mois d'août
mais ce que je veux dire
c'est que ce shilling-là
depuis lors
m'est rendu chaque jour et resplendit
plus que toutes les autres pièces
de mon voyage.
Sacrés salopards*
À la mémoire d'Agàthi Christodoulìdi
Ils ont frappé chez nous amenés par un enfer
et par le feu. Pas méchants, semblait-il, mais déboussolés
par l'ordre terrible «trouvez-les tuez-les».
Lorsque la kalachnikov en avant
ils ont appelé les noms des condamnés
ma grand-mère Agàthi a bondi
brandissant ses battoirs énormes comme des épées.
Allez au diable, comme si j'allais vous dire
où sont mon mari et mon fils !
Sidérés, qu'ils étaient. Mis en échec ils ont filé.
Devant la maison d'en face des casques bleus en short
buvaient des bières et riaient.
Eux, du coup, on eût dit de sacrés salopards.
* Scène du 17 juillet 1974
Le soir un chat me tient compagnie
À l'heure où je fume la dernière cigarette
ayant la flemme de jeter le paquet vide
il commence à gratter la porte vitrée
me transperçant du regard.
Il veut sa saucisse
après des heures de patience il sait qu'il y a droit
et moi je sais qu'il le mérite.
Tous les soirs la même scène.
Moi, le chat et ce personne qui alors nous voit,
nous savons tous que je la lui donnerai.
Il sait aussi que je n'ai jamais aimé les chats.
Pourtant c'est là qu'il vient, restant jusqu'à minuit
accompagnant ma solitude
sans que je le lui demande sans que j'en aie envie
pour une rétribution infime
une longue et fine saucisse de Francfort.
D'autres demanderaient davantage.
Il vient à moi sans miauler
sans grandes exigences
me préférant à tous ces amis des bêtes
leurs caresses et leurs pâtées pour chats.
Tableau en mer Égée
Assis sur le pont je me dis
que les patries n'existent pas.
Le bleu foncé m'exhorte : Balaie tes pensées
regarde seulement
mais le miel du crépuscule
dompte les couleurs du tableau.
Le pinceau danse comme un fou
dans les mains du dieu éternel
qui peint sans répit
tout ce que le peintre représentera plus tard.
Poséidon portant ses noyés
me dit que je pourrais marcher
sur l'écume des vagues
si je ne tourne pas les yeux vers le fond.
Oui mais
le bateau qui s'en va
le bateau qui s'éloigne
porte ma mémoire.
Conte japonais
Il existe un moyen sûr
pour que disparaisse une famille
une génération entière
un moyen très ancien
efficace absolument
on ne l'a pas consigné dans les archives officielles
les rumeurs avec le temps s'épuisent
des serviteurs soudoyés taisent les événements
tandis qu'à chaque époque
un poète invente une vérité
qui a l'air d'un mensonge
le moyen c'est une vraie pauvreté
des jours tuberculeux, des moments d'impasse
par vagues successives
sans témoins
car tous les participants sont morts
dans différents siècles toujours
dans d'autres lieux
des maisons étrangères
et l'enfant tombe gravement malade
le médecin ne vient plus car on ne le paie plus
pas de médicaments nulle part
l'enfant glisse et s'amenuise
après une semaine de fièvre
il s'unit aux ombres stoïques
le père demande la permission et se suicide
la mère boit du poison
et les flocons de neige
qui lentement tombent
nous rappellent qu'apparaît parfois dans le monde
une sorte d'innocence indifférente
Le vieux roi
Dans la maison devant l'école
un vieux est assis.
Il sort à midi quand il fait soleil
avec ses béquilles
et s'affaisse dans son vieux fauteuil
comme un roi fatigué
s'imprègne de soleil
des bruits d'enfants qui jouent
bavarde avec les passants
fait mine de sourire mais semble en colère
c'est le genre d'homme qui ne tolère pas une mouche sur son épée.
Je l'observe car dans le quartier
il n'est rien de plus intéressant.
Lors des journées giflées de froid il se retire
se terre chez lui
dans la cuisine peut-être, avec un poêle à pétrole
sous le plancher
dans la secrète cachette de sa jeunesse
sa femme ferme complètement les volets
et les portes à double tour.
Sans doute croit-il ainsi compliquer la tâche de la mort
et le beau temps revenu
à nouveau régner sur sa cour
dans son vieux fauteuil effiloché. Mais la mort connaît
tous les tours et moi je n'ai pas vu depuis si longtemps
le vieux régner dans sa cour.
Centenaires
Là-bas en Inde
il y a des hommes de 180 ans.
Ils boivent de l'eau, mangent du soleil.
Un type sérieux me l'a dit
j'ai cherché dans les nouvelles bizarres
et vous devez me croire.
Ils ont dans les 180 ans
ermites dans leurs cachettes secrètes
au sommet des montagnes
dans les branches des platanes
où ils lisent l'univers.
Leurs vies sont aussi longues
que l'addition des âges
des enfants noyés récemment
ou morts en excursion.
Et encore cela ne suffit pas.
Il y a quelques années en trop.
Vies de longue et de courte durée.
Ils ont beaucoup vécu ces vieux
mais sont sans expression
— comme si la joie n'était pas la sagesse ou comme si
la tristesse était sage quand on n'est pas triste pour quelqu'un —
ils ne jouissent de rien autour d'eux
le monde pour eux est un temple austère
où ils entrent en fermant derrière eux.
Ces enfants, que ne donneraient-ils pas
pour quelques années encore
— les années en trop dans l'équation.
Et moi j'échangerais toute ma poésie
contre pareil miracle.
Mais ces vieux-là je pense ne s'en soucient guère
dans leurs grottes.
Le tiroir
Ses ossements conservés dans un tiroir
du laboratoire d'anthropologie
attendent l'identification.
Un homme qui voulait faire beaucoup de choses
mais pour ce malheureux tout à mal tourné.
Disparu quarante ans
mort depuis cinq ans sans doute.
Conservé quatre ans.
Soigneusement conservé dans un tiroir semblable
à celui où jadis enfant
il avait caché une sucette
pour la lécher plus tard.
Sotìris l'a échappé belle
Quand Sotìris est tombé de l'arbre
nous nous sommes dit qu'il s'était fait très mal.
Nous ne savions pas, étant nés de la veille, ce que mort veut dire.
Nous soupçonnions que c'était grave
il suffisait de le voir, le regard vitreux,
immobile à l'endroit de la chute.
Ensuite la mémoire n'aide pas elle jette du noir comme toujours,
comme pour dire «c'est du lointain passé, concentre-toi sur le présent».
On a déménagé, je n'ai pas revu Sotìris
mais il a dû réchapper de cette chute
et survivre
car comme je l'ai appris plus tard
pendant la guerre un obus l'a éparpillé.
Noël 2015
Les rues de la ville se sont vidées
leurs directions se confondent
les rues mènent au cimetière
mais les morts n'y sont pas
les morts font la fête au centre ville
les vivants barricadés chez eux
prendront bientôt la place des morts
le vent soufflera une fois vers l'aboutissement des routes
et les morts en ville seront les rois
nul désormais ne connaît mieux l'avenir que les morts.
Nos jours
Je t'ai offert des jours incertains
des jours non prononcés
Tu m'as offert des poèmes affligés
des vers sans souplesse
des vers qui voulaient raconter
une autre histoire
et c'était la pluie de tes jours
que tes jours contenaient
ce n'étaient pas des jours de pluie
c'était la pluie dans les jours
et ce n'étaient pas des poèmes dans la tristesse
mais la tristesse hébergeant des poèmes.
Mais ne regrettons rien, nous avons eu ce que nous voulions.
Nul autre ne pouvait
nous le donner.
L'électrification de l'oubli
Arrivant dans la ville
elle a provoqué des secousses
et des coupures dans l'électrification
de l'oubli
l'oubli de l'amour
et des arythmies dans l'accomplissement
d'habitudes usagées
tandis que les éclats
qu'il projetait dans des horizons là devant
dans le reflet de siècles futurs
assiégeaient imprévus
sa forteresse virtuelle.
Ces jours-là donc
qu'il savait comptés
telle une assiettée de roses
converties en sentiments
il évitait d'approcher
les hautes fenêtres des étages
les puits à lumière où souvent
sa curiosité d'enfant
s'était tuée
les terrasses du gratte-ciel impossible
dans le silence aérien de ceux
qui touchent aux cimes inaccessibles
tous ces enfers d'architecture des villes
qu'ont inventé
des mal-aimants ou bien des mal-aimés
et toi sans t'en rendre compte
tu t'es déjà incorporé
à la puissance de leur profondeur
lorsque dans leur indifférence de pierre
souvent ils encouragent
une succession de tes chutes
quasi réelles.
Scintillographie
Hôpital de Nicosie
service de médecine nucléaire
moi couché sur le dos,
le scintillographe à portée de souffle
de mon visage.
M'ont devancé : une fille sans cheveux
qui a résisté aux chimiothérapies,
une femme trouée ouverte de partout
un garçon seul au bout de la queue
sans marques visibles de maladie
mis à part l'abandon.
Là, face à l'œil électronique
et au médecin criant «Ne bougez plus, ne bougez plus»
j'ai pensé à la première fois
où nous avons fait l'amour
comme un homme qui commence
à rappeler les souvenirs qui conviennent.
Les femmes s'en vont un jour sans retour
Elle est passée en trombe dans les rues de son cœur
coup soudain
le temps d'un éclair
comme ces trente secondes d'amour fou
— une fois dans sa vie.
Un matin sans nom, sans attente moite de l'imprévu
elle a disparu.
Une coulée de lave
a poussé la porte derrière le brouillard.
On lui avait dit, il s'en est souvenu
«les femmes peuvent s'en aller mais d'habitude elles rentrent le soir».
Il ne l'a pas revue.
Qu'était-ce donc ?
Soupçon ou évadé d'un désir mûr ?
Tout son être — une statue de sel
quand il a compris :
Il n'y a pas de femmes sans chaînes
pas de femmes capables de ne pas les briser
pas de femmes non plus
qui le comprennent avant de les briser.
Récolte
À M.P.
Nous avons écrit cinq poèmes au plus
toi et moi, nous le savons, Mihàlis
Tout le reste
bavardages
règne de la vacuité.
Nous avons écrit cinq poèmes au plus
et entre nous telle est la vérité.
Tout le reste
pour donner du travail aux experts
aux insectes, au jaunissement, à l'oubli
tandis que nous, muets, finis,
les dents rongées par la nicotine,
nous dévore la question sans réponse :
Pouvions-nous donner un peu plus ?
Ne pas laisser tomber si vite ?
Était-ce possible de nous battre encore un peu ?
De nous battre un peu mieux ?
Pas tué pour de bon
Tous mes amis sont venus
mais ils n'avaient pas
l'air content.
Ils évitaient les commentaires favorables
les jugements sur ce point,
polis malgré tout, condescendants.
Cela ne fait rien mes amis
j'étais furieux
mais dans mes poèmes
il n'y avait pas assez de fureur
j'étais triste
mais mes poèmes
n'accueillaient pas assez la tristesse
j'étais un blessé de nuit
saignant
duvets et miettes
si bien
que j'ai atteint le matin sans encombre
et réussi à me lever.
Seuls ceux qui se font tuer pour de bon
deviennent de grands poètes.
Le livre brun de José Saramago
Je lis un livre brun.
L'auteur est mort
le traducteur est mort
le héros s'est suicidé.
Moi je vis encore.
Assis dans le creux d'une lune inconnue
je bois une bière blonde.
Qui a dit que la mort
était invincible ?
Sources d'inspiration
Quelque chose me chiffonne
et avant de l'avoir dit je ne serai pas tranquille.
Quelqu'un m'observe pendant que j'écris.
Un être grossier
je l'entends se couper les ongles
se gratter bâiller
puis se lever pour casser des œufs
et faire une omelette
ensuite allumer la télé
avaler l'horreur quotidienne
puis se passionner pour un derby
se plantant son énorme cigare
pour envoyer des ronds de fumée
vers son plafond gris
qui sans arrêt s'effondre.
Ça ne m'intéresse pas du tout la poésie
me dit-il, cassant tout protocole
tes papiers en fait je m'en torche
et il s'esclaffe.
Il pense me fâcher ainsi
ou m'amener vers une activité
plus rentable.
Je réponds, buvons un verre de vin
c'est moi qui paie
tu m'as donné encore une fois
le meilleur poème.
Yòrgos Christodoulìdis est né en 1968 à Moscou, et vit actuellement à Chypre, le pays de ses ancêtres, où il exerce la profession de journaliste. Poète, il est l'auteur de six recueils, largement reconnu dans son pays, récompensé par plusieurs prix, traduit dans une dizaine de langues.
Sa poésie est très accessible, plutôt simple, en apparence du moins — en fait, elle se révèle très travaillée, souvent complexe, énigmatique parfois. Elle nous parle sans hausser la voix, elle décrit sur un ton familier, avec tendresse, des souvenirs d'enfance, des scènes du quotidien : il y a là des supermarchés, des chats, des vieillards, des séjours à l'hôpital, et la famille surtout, omniprésente, les enfants, les parents, les grands-parents, vivants ou non. Et comme toujours en Grèce ou à Chypre, les morts sont plus vivants qu'ailleurs ; les morts qu'on voit ici «faire la fête au centre ville».
Mais il y a aussi, dans ces poèmes, des «fantômes terribles», et comme toujours chez les chypriotes, le souvenir obsédant de la tragédie de 1974. Le titre du recueil, à cet égard, est éloquent. La zone sinistrée, c'est sans doute Chypre d'abord, en même temps que nos pauvres vies humaines. Le poète se reproche quelque part d'avoir mis «pas assez de fureur» dans ses poèmes. Elle est pourtant bien présente, cette fureur, un peu partout, bien que souvent voilée, dans la belle poésie de Christodoulìdis qui mêle si bien douceur et douleur.
Les poèmes ici présents sont tirés de son recueil le plus récent, Zones sinistrées, intégralement traduit par mes soins et publié en 2016 au Miel des anges. D'autres poèmes de lui se trouvent dans la rubrique POÉSIE AMNESTY.
Yòrgos Christodoulìdis |