ADIEUX
Pot de fin d'année
Lycée de Sèvres, 26 juin 2008
Le lycée de Sèvres, c'est une affaire de famille. Ma mère y a fait toutes ses études entre 1924 et 1938, du Jardin d'enfants à la Philo, comme on disait alors, dans le bâtiment du CIEP, et moi j'y suis entré en 1951, comme élève, ce qui fait de moi votre doyen. J'y ai passé sept ans de bonheur, puis à l'entrée en 6e j'ai dû quitter l'Eden pour un exil de quarante ans. Ce fut long, ce fut dur, mais je suis tenace, et en 1999 j'ai pu enfin revenir à mes racines sévriennes pour passer avec vous une fin de carrière très douce.
Aujourd'hui je vous quitte, mais ce n'est pas une raison pour vous tenir la jambe longtemps. Je voudrais juste esquisser un petit bilan chiffré, pour résumer un parcours somme toute assez banal.
Durée de ma carrière : 38 ans.
Établissements fréquentés : 4.
Enseignement dans notre lycée : 9 ans.
Élèves : plus de 4 000.
Classes : un peu moins de 200.
Conseils de classe : 570.
Heures de cours : 18 000.
Ascensions de la rue Brancas à vélo : 2000.
Paquets de copies : 3 500.
Nombre de copies corrigées : 100 000, formant une tour de 15 m de haut, soit 5 étages.
Proviseurs : 9.
Inspections : 6, dont quatre avec des gens très bien et les deux dernières avec des gens de Versailles. (J'ai toujours eu du mal avec les Versaillais.)
Bons souvenirs : innombrables.
Mauvais souvenirs : négligeables.
J'ai travaillé dans les meilleures conditions possibles.
J'ai été protégé quand c'était nécessaire.
J'ai rencontré des gens délicieux, merveilleux, et pas seulement parmi les élèves.
Je pars, mais je reviendrai rôder dans ces lieux. J'habite à deux pas avec ma fiancée, Carole, une ancienne élève. C'était en 1972, mais à l'époque rien ne s'était passé, les choses sérieuses ont commencé quand nous nous sommes retrouvés en 2004. L'amour aussi est une longue patience, comme notre métier d'enseignant. Et si je vous quitte un peu prématurément, ce n'est pas que je m'ennuie avec vous : c'est pour passer davantage de temps avec Carole.
Souvenir du pays des fées. |