BRÈVES
N°264 Octobre 2025
Les politiques sont des lâches, presque tous. J'exagère ? Combien étaient-ils en juin 40, nos députés, pour dire non à Pétain ? Deux. Et combien, après les attentats de 2013, ont refusé la scélérate prolongation de l'état d'urgence ? Six, dont Noël Mamère, honneur de la profession. Alors que de nombreux élus (je suppose) étaient choqués au fond d'eux-mêmes par cette fureur sécuritaire malsaine. L'idéal d'un politique, c'est sa réélection, or dans un pays sans cesse plus abruti, défendre la démocratie fait trop souvent perdre des voix. Courage politique ? Un oxymoron.
Qu'ils soient tous corrompus, non. Un bon petit nombre d'entre eux semble résister aux tentations. Et même s'ils l'étaient, devrait-on hurler «Tous pourris !» avec tant d'ahuris qui n'ont qu'une idée en tête, élire les pires crapules ?
Voilà pourquoi je suis perplexe devant Crépuscule, de Juan Branco, chez Points. Avocat, journaliste, militant à LFI pendant un temps, Branco a connu le sérail de l'intérieur avant de dénoncer ses turpitudes actuelles, ce qu'il fait sans mettre de gants. Tous vendus, ceux d'en haut ! Crépuscule, publié en 2018, dénonce les liens du président Macron avec les grandes fortunes, qui tiennent pratiquement tous nos médias et dont le soutien a permis son élection ; il fustige en même temps sa dérive néolibérale et autoritaire. Toutes choses largement connues de tous. Mais l'auteur décrit le marigot au-dessus de nos têtes avec un luxe de détails puants qui fait gerber.
On bout d'indignation. Puis on se dit que sans doute il exagère. Il prévient l'objection en notant que deux ans après sa publication, l'ouvrage n'a pas une seule fois été attaqué en justice.
Les lecteurs se sont rués, malgré le silence quasi-total des médias. Les journalistes aussi, parfois, sont lâches, mais ne jetons pas la pierre trop vite : que faire de ce bouquin ? Sans doute véridique sur le fond, il serait, dit-on, approximatif et excessif dans le détail. Si on a écouté les cours d'histoire jadis, on doit reconnaître que non, notre époque n'est pas exceptionnelle, que ce fut toujours ainsi, que le pouvoir veut ça, que les lendemains qui chantent ne sont pas pour demain et qu'on sera veinards si la maladie nationale perdure sans trop s'aggraver.
Et puis je me sens vaguement gêné chaque fois qu'un jeune homme (Branco avait trente ans à l'époque) célèbre aussi noblement et bruyamment la vertu. Quand le beau chevalier blanc aura chassé le roi indigne et ses sbires, qu'il sera sur le trône à sa place, comment être sûr qu'il ne va pas virer vieille canaille comme lui et la plupart des précédents ?
D'autant qu'on est gêné plus encore en découvrant certains des partisans du trublion, dont deux de nos grosses têtes à claques, Onfray et Bégaudeau. Et en l'écoutant parler avec sa tchatche d'avocat, intarissable, conquérante, inquiétante. Son éloge démentiel de l'agitateur raciste Kemi Seba, par exemple, fait froid dans le dos.
Pour en revenir à Crépuscule, on regrette enfin que ce pamphlet soit écrit avec plus de fougue juvénile que de rigueur par ce bronco qui rue dans les brancards, trop pressé pour se soucier de bien écrire. Mais ça, ses lecteurs s'en foutent en général. La belle prose, n'est-ce pas, c'est un truc de bourges...
![]() Branco superstar, 2020. |
Les volkonautes assidus connaissent désormais Michel Persitz, mon ex-camarade et nouvel ami (cf. «Cousinage», Journal infime d'août 2025), que j'ai retrouvé l'autre jour soixante ans après notre année de terminale. Il s'est mis à écrire sur le tard et ne s'arrête plus. Après son Juif de personne, qui m'a pas mal secoué, j'étais curieux d'aborder le livre suivant, très différent à en juger par le titre : Qui a peur du vide ? et le sous-titre : Proposition de méditation libertaire.
Un livre né de deux sources : d'abord, un besoin de paix intérieure après des années de vie bien remplie et semble-t-il mouvementée ; puis un rejet de la méditation telle qu'elle se pratique aujourd'hui dans nos contrées, avec son fatras post-hindouiste et ses dérives commerciales. Le récit-essai de Persitz décrit
la découverte, l'étude en autodidacte, le décapage, la transformation, l'adaptation à ma convenance puis la pratique, en navigateur solitaire, d'une forme de méditation basique, primordiale, simple, cent pour cent profane, sans aucun additif mystique, conservateur divin ou colorant religieux. De la méditation brute, du non-coupé, non-trafiqué, de la distillation personnelle, de la méditation à l'ancienne, de la méditation équitable de petit producteur.
La méditation selon Persitz est résolument personnelle et libertaire :
Le but de la méditation n'est pas de m'anesthésier pour faciliter mon insertion dans une société dont j'ai de bonnes raisons de penser qu'elle m'affaiblit et m'asservit. Au contraire, la méditation est une arme de résistance personnelle au chaos ambiant. Elle me permet de me construire moi-même au lieu de me laisser formater et de me conformer à l'image qu'on attend de moi.
Qu'est-ce que méditer ?
Le contraire de réfléchir. Il s'agit de chasser les pensées pour faire en soi un vide bienfaisant. Pour cela, une série d'exercices.
Cet opuscule n'apporte aucune nouveauté miraculeuse. Je fais un peu de ménage dans le vaste centre commercial du bien-être épanoui et je n'exhume que l'antique auquel je donne quelques coups de peigne personnels.
Je me suis efforcé, armé d'une vieille serpette nationaliste, de dégager le tronc millénaire de la méditation, des cuscutes, lianes, mousses, champignons hallucinogènes, gourous et mystificateurs qui avaient prospéré dessus depuis des siècles.
Concrètement, l'entrée en méditation consiste à répéter une série de phrases, inspirées de la tradition orientale mais détournées. L'idéal étant (me dis-je) que chacun trouve ses propres phrases.
Il faut oser avancer sans maître et se déprendre du connu. (...) On ne chemine jamais aussi loin que lorsqu'on ignore où l'on va.
Même si je n'ai jamais éprouvé le besoin de méditer ainsi (ayant d'autres moyens de faire le vide sans doute), je suis l'exposé du camarade avec l'impression d'assister à un parcours exemplaire, d'accompagner un homme en train de reprendre sa vie en main. Et ce sans pesanteur, sans grandiloquence, avec une verve et une fougue joyeuse, juvénile, alors qu'en écrivant l'auteur soufflait soixante-quinze bougies !
Oui, un livre à méditer.
![]() L'emblème de l'auteur. |
Encore un essai : Paris Babel de Gilles Siouffi (Actes Sud), dont la lecture m'aura donc pris trois mois. Les XXe et XXIe siècles occupent une bonne partie du livre, tandis que Paris grandit et se fait plus que jamais polyglotte. En 1900, sa population compte 7% d'étrangers, bien plus que les autres capitales ; aujourd'hui, cocorico, c'est la ville la plus touristique du monde, et seule New York est plus cosmopolite qu'elle.
On voit défiler au fil des pages les grandes vagues linguistiques passées, le yiddish, l'arménien, le russe, le polonais, l'italien, l'arabe, le chinois... On voit les Parisiens de souche — rarement ancienne, la souche — accueillir plus ou moins bien ces invasions, avec un pic xénophobe dans les années 30, et au bout du compte un mélange à peu près réussi. Témoin La vie devant soi d'Ajar-Gary, dont l'héroïne, en plus du français, parle arabe, yiddish et polonais. Cela se passe à Belleville, cœur battant de Paris, son quartier le plus international et le plus parisien.
L'auteur n'a évidemment pas oublié l'argot, cette langue par définition changeante et insaisissable, dont les mots, à peine installés dans les dictionnaires, quittent la rue. On assiste aussi à la gentrification du verlan, et sait-on que chourer, rupin, surin et berge (au sens d'année) sont empruntés au romani ?
Bref, un livre riche sur bien des plans, historique, linguistique, culturel, aussi pertinent dans les synthèses que dans le détail, dans les idées que dans l'anecdote, et qui a de quoi réconcilier avec Paris ceux qui ne voient en lui (en elle ?) qu'un vaste Disneyland vidé de son sang et de son âme.
![]() Lassu, Fissiou ! |
Encore un essai ? Eh oui. L'atelier des poussières, de Marianne Alphant (P.O.L), arrive précédé de rumeurs élogieuses, et son sujet si original, la poussière, a de quoi séduire un amateur d'infra-ordinaire, affectionnant lui-même les sujets infimes, et traducteur entre autres d'un superbe poème de Kiki Dimoula sur le même thème (dans Mon dernier corps, Arfuyen) :
Je plains les ménagères
et leur labeur stérile.
La poussière ne s'épuise jamais.
Chaque fois que le temps rencontre un nouveau temps
un nouvel accord de poussière est signé.
Les mesures prises — Propreté,
Régularité — servent à son retour.
Elles sont les premières à la ramener.
Jamais vu surfaces plus poussiéreuses.
La Lumière dans toute sa pureté,
rien qu'un joyeux déplacement de poussière :
quelle merveille de la voir
avancer immobile sur un rayon de soleil,
comme sur un escalier roulant
l'un de ces modèles modernes, hypnotiques,
aux marches châtrées.
Ce sujet minuscule et immense, M.A. l'explore dans toutes ses dimensions, du hautement philosophique au bassement quotidien, avec une érudition et une intelligence admirables, en effet, et de façon poétiquement astucieuse, par glissements d'un thème à l'autre en un mouvement tourbillonnant tout à fait adapté au sujet. Aperçus inattendus, développements brillants, pages savoureuses sur certains auteurs (Proust) et certains grands penseurs dépoussiérés (Hegel, Descartes), voilà un ouvrage à recommander chaudement.
Alors pourquoi ai-je finalement peu vibré ? Sans doute ai-je trouvé l'écriture un peu forcée, trop brillante justement, un rien exhibitionniste. La poussière demandait sans doute un peu plus d'humilité.
Suis-je trop sévère ?
Nous traversons la chambre avec un verre de vin, une assiette de fraises, sans avoir conscience de ce qui vole autour de nous, des miasmes, un tournoiement de petits corps qui viennent se déposer sur le vin, les fraises, nos doigts, cela tombe ou s'infiltre, on le respire, c'est dans le souffle, les murs, la rue, le ciel, partout, nous l'avalons, une poussière qu'on n'entend pas, qui ne se recrache pas, qui nous pénètre, insidieuse, invisible, agitée. Inutile de lever les mains vers ce qui sort des raclures des parties de la matière : cela nous échappe, nous sommes sans prise.
C'est métaphysique, nous disions-nous.
Et domestique, bien sûr.
Joli, non ?
![]() Les étoiles aussi, poussière. |
Et la fiction dans tout ça ? On l'oublie ?
Je prévoyais de reprendre Le comte de Monte-Cristo, le temps a manqué, j'ai à peine avancé, mais c'est pour bientôt, promis.
En attendant, le roman de ce mois est le premier d'une jeune inconnue, Pauline Toulet : Anatole Bernolu a disparu, au Dilettante.
L'Anatole en question est un héros peu brillant, ce qu'on appelle un intellectuel précaire : sa thèse en doctorat sur les marabouts parisiens ne lui ouvre aucun poste universitaire, d'autant que son livre Tristes trafics, où il fait de Lévi-Strauss un assassin, ne lui a pas valu que des amitiés ; la dame de Pôle emploi lui trouve un petit boulot aux éditions Marabout, et à la fin, après avoir si peu existé, il disparaît.
Je n'aime pas résumer les romans, mais là quelques lignes suffisent pour suggérer ce que ce livre a de joyeusement farfelu (mais discrètement mélancolique) et de finement sarcastique — le monde de l'université et celui de l'édition y laissent des plumes. C'est drôle comme tout, avec un sens aigu de la dérision douce, et c'est écrit avec une belle aisance.
Les entrailles du sous-sol semblent avoir vomi des gravats autour de la plaie. Une pelleteuse endormie le bras en l'air fait office de Cerbère.
«Alors, comment ça va ?» lance-t-il avec un sourire carnassier et cet air de poser en permanence pour une photo que personne ne prend.
...mais tout de même, il aimerait interroger les esprits au cas où, prendre sa température karmique, dépister les éventuels maléfices à un stade précoce avant qu'ils ne métastasent, vidanger les mauvaises énergies si besoin — bref, une visite de contrôle tout ce qu'il y a de plus banal.
Anatole vient de dîner devant la télévision. Celle-ci a le mérite de le distraire de ce qu'il mange ; et ce qu'il mange, de le distraire de ce qu'il regarde. Si bien qu'il peut dîner d'un infâme plat surgelé devant une médiocre émission de télé sans s'en trouver dérangé. La vie est bien faite.
Il y a comme ça des livres où l'on a envie de recopier des pages entières pour les lire aux amis.
L'auteure se souvient de Perec, certes, et le demi-sourire désolé d'Echenoz plane ici ou là, mais on ne saurait choisir meilleurs maîtres et les hommages de la nouvelle venue n'ont rien de servile. La route qu'elle trace est avant tout la sienne.
On lui dit merci et on attend la suite. Puisse Pauline Toulet ne pas disparaître !
![]() Pauline Toulet... |
La grande lecture du mois, cependant, c'est Desnos. Toute l'œuvre littéraire publiée, plus des inédits, des articles, des lettres de lui et d'autres, des commentaires (judicieux), des illustrations. Un roman et surtout des poèmes, des poèmes, un déluge de poèmes. Un Quarto Gallimard de 1400 pages. Un sacré trésor. Maîtresse d'œuvre irréprochable : Marie-Claire Dumas.
Desnos est célèbre pour le rôle qu'il joua dans les débuts du surréalisme, mais il me semble être moins lu que connu. Je me rends compte quant à moi que je ne l'avais pas encore vraiment lu. Je retrouve ici ce que je savais de lui : l'alliance miraculeuse du savant et du populaire (les très belles chansons et comptines, les fameuses et délicieuses Chantefleurs et Chantefables), la poésie perpétuellement amoureuse :
Lits éventrés nuit éternelle éclair des crimes
Incendie allumé dans la maison des fous
Voici venir l'amour du fin fond des abîmes
Voici venir l'amour lampes éteignez-vous !
(«L'aveugle», 1929)
Les poèmes surréalistes sont en principe une ligne brisée, une série discontinue d'éclairs, de décharges, et je trouve par-ci, par-là mon bonheur dans les siens :
Dans la nuit il y a le pas du promeneur et celui de l'assassin et celui du sergent de ville et la lumière du réverbère et celle de la lanterne du chiffonnier.
Il y a toi.
Dans la nuit passent les trains et les bateaux et le mirage des pays où il fait jour. Les derniers souffles du crépuscule et les premiers frissons de l'aube.
Il y a toi.
(«Les espaces du sommeil», 1926)
Mais je suis étonné par l'abondance ultérieure, quasi hégémonique, des poèmes en formes fixes, tandis que le contenu, le plus souvent, mêle un fil narratif aux images surréalisantes. Se déroule ainsi une caravane sans fin de quatrains d'alexandrins, avec une profusion étourdissante, et ce qui m'étonne aussi c'est d'être aussi bien accueilli par certains poèmes, alors que d'autres me restent hermétiquement fermés. «Les nuits blanches», du début des années 30, notamment, sont pour moi source de douce ivresse. «Soyons sérieuse»... «Histoire de Folfanfifre»... «Réveils»... «Lou la requine»... «Histoire du petit bossu»... «Ô jeunesse»...
Ô jeunesse voici que les noces s'achèvent
Les convives s'en vont des tables du banquet
Les nappes sont tachées de vin et le parquet
est blanchi par les pas des danseurs et des rêves
Une vague a roulé des roses sur la grève
quelque amant malheureux jeta du haut du quai
dans la mer en pleurant reliques et bouquets
et les rois ont mangé la galette et la fève
Midi flambant fait pressentir le crépuscule
Le cimetière est plein d'amis qui se bousculent
Que leur sommeil soit calme et leur mort sans rigueur
Mais tant qu'il restera du vin dans les bouteilles
qu'on m'emplisse mon verre et bouchant mes oreilles
j'écouterai monter l'océan dans mon cœur.
L'alexandrin, ma drogue.
![]() Dans l'atelier d'André Breton. |
Côté BD, un grand moment : Krimi, écrit par Thibault Vermot et dessiné par Alex W. Inker (Sarbacane). 1930. L'Allemagne avant les nazis. Fritz Lang est abordé par un policier qui le pousse à tourner un film inspiré des crimes d'un serial killer, le vampire de Düsseldorf. Le film, ce sera M le maudit, l'un des grands moments de l'histoire du cinéma. Le policier, Lohmann, personnage imaginaire, existe en fait dans un film ultérieur de Lang. La fascination qu'exerce Krimi vient aussi de ce que l'histoire a un pied dans l'imaginaire et l'autre dans une réalité historique qui elle-même a des couleurs fantastiques. Le scénario, méditation sur le mal, la culpabilité individuelle et collective, tout comme le film qui ne cesse de hanter ses pages, est une merveille. Les images, à l'encre et au fusain, sont d'une splendeur à la hauteur du texte. Leurs noirs et leurs gris nous plongent dans des pénombres ténébreuses : celles d'un pays malade, celles des tréfonds de l'âme humaine. De quoi être hanté doublement.
L'épigraphe, coïncidence, est de Desnos :
Par la grâce de la lumière et du celluloïd, des fantômes autoritaires s'assoient à notre côté, dans la nuit des salles de cinéma. (...) Le fantôme sort de la salle, au bras du spectateur.
![]() Lohmann (chapeau)... |
Côté grec, grandes réjouissances en vue à Marseille les 17, 18 et 19 octobre. Le Salon du Livre Métropolitain, pour sa deuxième édition, a choisi la Grèce pour invitée d'honneur. Il y aura des rencontres, des lectures, des ateliers, des concerts, des danses, une librairie. Un prix littéraire sera décerné, avec dans la courte liste l'un des livres du Miel des anges, Le dernier des ours d'Àkis Papantònis. Une flopée d'éditeurs et de traducteurs seront présents. Volkovitch présentera l'ouvrage susmentionné tandis que Michel tiendra le stand MdA en compagnie de Carole.
En attendant, la récolte d'automne du Miel des anges arrive ces jours-ci de Grèce. On peut déjà commander, directement chez l'éditeur ou (de préférence) chez un libraire, nos cinq nouveaux titres :
— Thessalonique en prose, recueil de textes à la gloire de la ville, avec dix auteurs : Andrèas Karkavìtsas, Nìkos Gavriil Pentzìkis, Kàrolos Tsìzek, Yòrgos Ioànnou, Tòlis Kazantzis, Sàkis Papadimitrìou, Andònis Souroùnis, Albèrtos Nar, Gabriel Nicos Pentzikis, Thomas Korovìnis. (Un absent de marque : Dìnos Christianòpoulos, dont nous avons déjà publié toutes les proses sous le titre La mauvaise pente.)
— Poétesses d'aujourd'hui, avec huit poétesses nées vers 1980 (Ànna Afendoulìdou, Myrsìni Gana, Krystàlli Glyniadàki, Ànna Grìva, Nìki Halkiadàki, Lèna Kallèrgi, Eftyhìa Panayòtou, Lènia Safiropoùlou).
— La multiplication des poisons, choix de poèmes de Yànnis Stìggas, l'une des voix grecques les plus fortes de sa génération, déjà présent dans le volume 6 de notre anthologie Poètes du 21e siècle.
— Rayman, nouvelle pièce décoiffante de Yànnis Mavritsàkis, après Décalage vers le rouge et Carnage.
— George, Liver/Ήπαρ/Foie/Leber et Bateaux grands et petits, trois pièces brèves d'un autre grand décoiffant, Efthìmis Filìppou.
Ce sera tout pour l'instant. Le Miel des anges propose désormais 130 titres, accélérer l'allure serait excessif. Mais la prochaine moisson de printemps se prépare, déraisonnablement nombreuse là encore ! Avec des surprises !
![]() ![]() ![]() 21 Grecs d'un coup. |
Après avoir lu Krimi, c'est M le maudit qu'on a envie de revoir, ainsi que ses autres films des années 20 et 30. Mais l'actualité toujours tyrannique accapare nos rares loisirs. À Paris, chaque semaine, deux ou trois films à voir absolument !
Au compteur en septembre, donc, trois films de l'année.
La femme qui en savait trop, de Nader Saeivar, film estimable, sert avant tout à nous rappeler que l'Iran actuel est une dictature féroce et bornée et qu'il faut aider le cinéma iranien.
Nino, de Pauline Loquès, encore un premier film français très attachant, original, sonnant vrai, qui émeut lentement mais sûrement.
La grosse émotion du mois : Life of Chuck, film américain de Mike Flanagan, d'après un roman de Stephen King. L'histoire, du genre fantastique doux, est une merveille, qui nous étonne à tout bout de champ et nous éblouit par sa richesse. La mise en scène, à la fois sobre et vibrante, est un enchantement elle aussi. Et d'aller voir ce film sans savoir de quoi ça parlait, ce qui ne m'arrive jamais, a mis le comble à ma surprise et mon bonheur.
![]() L'un des plus beaux morceaux dansés du cinéma. |
Côté musique, réécouté presque tout Ravel avec délectation. Le début de Daphnis et Chloé, dans la version longue, avec les chœurs : moment lumineux, miraculeux.
Voir les musiciens, ce que permet Internet, ajoute une dimension : qu'ils sont beaux, les musiciens au travail, surtout quand ils sourient d'aise, ou qu'ils échangent des coups d'œil complices. J'imagine leur bonheur de nager dans la musique, ce bonheur que malgré tous mes efforts jadis j'ai si rarement atteint.
Je voudrais aussi parler d'un pianiste époustouflant, David Greilsammer, dont j'ai connu autrefois le père, homme remarquable lui aussi, mais ce sera pour un prochain Journal infime.
![]() Daphnis et Chloé demandant à un vieux chevrier ce que c'est que l'amour. |
Je termine ces Brèves le 30 septembre, date de la Saint Jérôme, patron des traducteurs. L'ATLF, notre association, nous appelle tous aujourd'hui à la grève. Il faudrait la rebaptiser CGT (Combat Géant des Traducteurs) ! J'imagine la panique des éditeurs soudain au bord de la faillite et voyant déjà leur tête au bout d'une pique.
Il y aura aussi, en ce jour, des rencontres où l'intelligence artificielle se taillera sûrement la part du lion. IA superstar. On ne parle plus que d'elle. Forcément : elle va tout secouer. Apporter beaucoup de bien et davantage encore de mal. Notre profession, en attendant, va la prendre en pleine gueule.
Pour ma part je réagis comme l'autruche, n'étant pas directement menacé. Mon éditeur principal est un vieux chenoque — moi-même — qui travaillera jusqu'au bout à l'intelligence naturelle. Pour ce qui est de traduire les vers en vers, je compte bien garder jusqu'à ma mort une longueur d'avance sur l'IA. Quant à l'aide, indéniable, qu'elle pourrait m'apporter, je la refuse, de même que je snobe obstinément le vélo électrique, quitte à me faire dépasser par tout le monde en montant la rue Brancas. Comme les enfants qui disent Non, tout seul ! quand on propose de les aider. Ou les vieux dans mon genre qui préfèrent l'escalier à l'ascenseur, pour décrépir moins vite.
![]() Chaud dans le doigt... |
Au programme le mois prochain, Dumas encore, Akerman, Follain, Seyvos, De la Mare, Denis.
![]() Tom Gauld, La revanche des bibliothécaires.. |
(réponse sur le numéro de la citation...)
Je parle au papier.
La forme, c'est le fond qui remonte à la surface.