BRÈVES
N°258 Avril 2025
Combien sont-ils dans ce pays, ceux qui lisent, fréquentent les expositions, vont au théâtre — les cultureux, comme disent les fachos ? Peu nombreux assurément, mais la plupart ont mis les pieds un jour chez Ariane Mnouchkine. Son Théâtre du Soleil, depuis plus d'un demi-siècle, est un haut-lieu, presque un lieu saint. Il fallait que je m'y rende enfin moi aussi.
Le voyage en bus jusqu'au temple caché dans la forêt, c'est déjà une belle mise en scène. Et en débarquant là-bas, même prévenu, on tombe sous le charme. Nous accueille à l'entrée, en guise d'ouvreuse, la légendaire Ariane en personne (autre trouvaille géniale, mais on sent que ce geste-là vient du cœur), on mange tous ensemble une soupe servie par les acteurs, lesquels vont ensuite nous placer, tout le monde est calme et gentil, on se retrouve là dans une bulle bienveillante, un refuge, un village gaulois.
Ouvert sur le monde, ce village, il n'a cessé de le prouver. La pièce, justement, nous emmène dans la Russie de 1917. Ici sont les dragons, création collective, n'est sans doute pas un très grand texte, mais il offre un superbe moment de théâtre, débordant de vie et d'idées. Et en prime on nous montre là, loin des chromos de jadis, les Lénine et les Staline tels qu'ils furent : de sacrés forbans tout de même. On peut être de gauche et garder les yeux ouverts.
Bref, on quitte la Cartoucherie heureux, ému d'avoir participé quelques heures à cette utopie réalisée.
Or voilà que dans la presse, quelques jours plus tard, on apprend qu'une ancienne de la troupe dénonce des «dérives sexuelles» au sein de la grande famille, divers manquements à l'éthique, des conditions «très dures», une atmosphère «oppressante».
Que s'est-il vraiment passé naguère ? On n'y était pas, on ne sait pas. On sait seulement que les plus purs d'entre nous, y compris ceux qu'on a étiquetés saints, cachent quelque part une zone d'ombre, qu'à la Cartoucherie comme ailleurs tout n'est certes pas parfait, mais que ce qu'on a vu et senti là-bas, cette ferveur collective qui nous a entourés, qui se maintient depuis soixante ans, ne peut pas être un mirage. Alors je vous salue bien bas, madame Ariane. Merci et longue vie à vous et vos enfants.
![]() Ariane Mnouchkine en 2022, toujours jeune. |
Après cette femme remarquable, un homme qui l'est aussi : Eric Hazan, disparu l'an dernier à 87 ans, l'âge d'Ariane Mnouchkine aujourd'hui. Nos parcours ont plusieurs points communs : des ascendants venus d'ailleurs, d'où le sentiment de n'être pas totalement français dans un pays qui ne sait pas digérer l'étranger ; des études au même lycée ; des livres écrits sur le tard ; la création, plus tard encore, d'une toute petite maison d'édition. Il fut, à vrai dire, nettement plus engagé que moi, communiste pendant longtemps, puis proche de l'ultra-gauche. L'insurrection qui vient, brûlot anonyme qui paniqua puis niqua la sarkozie en 2007, c'est lui qui l'édita.
J'ouvre L'invention de Paris, qu'il publia au Seuil en 2002, comme on rend visite à un vieil ami. Ou plutôt comme on part avec lui en balade. Il y explore la capitale sur près de 500 pages avec une érudition étourdissante et aussi — témoin la longue section intitulée «Paris rouge» — une affection marquée pour les insurgés de 1795, 1832, 1848, 1871 ou 1968, ce qui ne l'empêche pas d'aimer aussi Balzac, ce vieux réac.
C'est le genre de livre qu'on peut parcourir en plusieurs fois, sans ordre, au gré de l'humeur, comme on flâne dans une ville trop grande pour en faire le tour en un jour. J'ai vécu à Paris trois ans seulement, enfermé dans un internat ; le banlieusard que je suis jusqu'à la moelle vit trop près de la capitale pour qu'elle me fasse rêver et trop loin pour que je m'y sente à l'aise ; mais ici le guide est trop savant, trop talentueux, trop chaleureux pour que je boude le plaisir de la promenade. Plaisir ambigu cependant : d'une part, l'émerveillement devant l'apparition, superposée aux bâtiments actuels, de tous ceux qui les ont précédés (jusqu'aux campagnes originelles, englouties, qui font rêver, ô Champs-Élysées !), la résurgence de tous ces événements passés qui hantent la moindre rue, des fantômes de nos ancêtres — nous serons bientôt fantômes nous aussi ; de l'autre, la frustration de ne pas pouvoir voyager aussi dans l'immense palimpseste du temps, jointe à la douleur de retrouver là mort et embaumé ce qu'autrefois soi-même on a connu vivant. Le quartier des éditeurs par exemple :
L'essentiel était groupé dans le VIe arrondissement avant que la concentration, le souci des économies d'échelle et le mépris de l'histoire aient dispersé les grands groupes et leurs contrôleurs de gestion dans des tours climatisées, à l'abri de toute contagion avec des livres, des lecteurs ou des libraires.
Le livre n'est d'ailleurs pas le seul expulsé du quartier. Place Saint-Germain-des-Prés, cinq tumeurs — Dior, Vuitton, Armani, Lanvin, Cartier — ont envahi le tissu de la ville : il arrive parfois qu'un même organe soit envahi par des métastases multiples.
![]() Eric Hazan |
Le coin de Paris que j'ai le plus fréquenté, dans mes jeunes années surtout, c'est le XVIème, pas le plus sympathique, friqué, souvent sinistre, mais pas toujours, évoquant, nous dit Hazan,
un univers d'abonnés au Figaro, de collèges religieux, de hameaux paradisiaques et de chefs-d'œuvre de l'Art Nouveau et de l'Art déco.
Passy et Auteuil «apparaissent aujourd'hui, poursuit-il, comme un vieux couple fusionnel», en précisant qu'il y a un siècle on distinguait encore un Passy élégant et un Auteuil rustique. Certaines rues d'Auteuil, aujourd'hui encore, avec pas mal d'imagination, sentent encore sinon la campagne, du moins le village, et c'est émouvant comme les rares palmiers d'un désert.
Quand parfois je cours le dimanche matin à l'aube dans Paris dormant, j'aime remonter, à deux pas de la lugubre avenue de Versailles, la tranquille rue Boileau. L'écrivain y eut sa maison, champêtre et modeste, dit-on.
Il n'a pas tellement la cote, Boileau. On l'associe aux lectures scolaires, aux Satires, dont ces «Embarras de Paris» qu'on étudiait alors en sixième ou cinquième (aujourd'hui en fac) ; son Art poétique lui vaut une réputation de pion sourcilleux, de classique empesé ; on le juge d'autant plus chiant qu'on ne le lit guère. Eh bien moi — je le dis tout bas, ce n'est pas tendance — je l'aime bien, Nicolas Boileau. Queneau l'aime aussi, c'est très bon signe.
Au collège, dans le «Repas ridicule», j'avais été fasciné par ces vers, que je connais encore par cœur :
L'un traîne en longs fredons une voix glapissante,
Et l'autre, l'appuyant de son aigre fausset,
Semble un violon faux qui jure sous l'archet.
Les quatre longues nasales du premier vers, les grincements de la fin du deuxième et la diérèse violente du troisième, en montrant au gamin que j'étais combien la musique des mots porte le sens comme le cheval son cavalier, m'entrouvrait déjà une porte. Elle donnait, j'allais bientôt le découvrir, un nouveau monde et de somptueux palais.
Son Lutrin, ce long poème héroï-comique au sujet insignifiant — des religieux s'empoignent à propos de l'endroit où l'on doit placer un lutrin dans l'église — passe aux yeux de certains pour un exercice de style poussif et creux. C'est pour moi un tour de force hautement jouissif.
Pour la seconde fois un sommeil gracieux
Avait sous ses pavots appesanti mes yeux,
Quand, l'esprit enivré d'une douce fumée,
J'ai cru remplir au chœur ma place accoutumée.
Là, triomphant aux yeux des chantres impuissants,
Je bénissais le peuple, et j'avalais l'encens,
Lorsque du fond caché de notre sacristie,
Une épaisse nuée à longs flots est sortie,
Qui, s'ouvrant à mes yeux, dans son bleuâtre éclat,
M'a fait voir un serpent conduit par le prélat.
Du corps de ce dragon, plein de soufre et de nitre,
Une tête sortait en forme de pupitre,
Dont le triangle affreux, tout hérissé de crins,
Surpassait en grosseur nos plus épais lutrins.
Animé par son guide, en sifflant il s'avance ;
Contre moi sur mon banc je le vois qui s'élance.
J'ai crié, mais en vain, et fuyant sa fureur,
Je me suis réveillé plein de trouble et d'horreur.
En lutrinant pour la troisième fois je crois, avec davantage encore de plaisir (bien que le Livre VI final déçoive un peu), je me demande même s'il n'y aurait pas, dans ce festival de moquerie, cette apothéose du dérisoire, de la part de cet homme prisonnier d'un siècle cadenassé interdisant la moindre dissidence, un défoulement salutaire timidement subversif. Parodier ainsi les grandes épopées, n'est-ce pas railler mine de rien leur pompe, les dégonfler en douce ? Cette quasi-absence de sujet, n'est-ce pas un brin nihiliste ?
Je regarde ses portraits : il a une bonne tête, ça compte aussi.
![]() Nicolas Boileau. |
Autre lecture-pèlerinage : Chateaubriand et ses Mémoires d'outre-tombe. Il y a une trentaine d'années je m'étais payé l'imposante intégrale, quatre forts volumes ; cette fois je revisite seulement les années de jeunesse. Je n'en avais gardé qu'une image, celle du père arpentant comme un spectre les couloirs du château. Erreur ! Avant d'habiter brièvement Combourg, le jeune homme a passé son enfance et son adolescence à Saint-Malo, où il fut en même temps rudement traité et livré à lui-même.
Aurait-on mieux développé mon intelligence en me jetant plus tôt dans l'étude ? J'en doute : ces flots, ces vents, cette solitude qui furent mes premiers maîtres, convenaient peut-être mieux à mes dispositions natives ; peut-être dois-je à ces instituteurs sauvages quelques vertus que j'aurais ignorées.
Les talents d'affabulateur et la vanité du grand homme font qu'on l'évoque avec un zeste d'ironie, même quand on s'abandonne à la splendeur de ses phrases. Pour ma part, même si j'aimerais qu'il nous bassine un peu moins, dans ces premiers chapitres, avec la vanité des choses humaines, je reste bon public ; je me laisse bercer sans résistance tout du long, et pas seulement dans les morceaux de bravoure, comme cet extraordinaire moment d'exaltation adolescente où il imagine une femme idéale :
Je trouvais à la fois dans ma création merveilleuse toutes les blandices des sens et toutes les jouissances de l'âme. Accablé et comme submergé de ces doubles délices, je ne savais plus quelle était ma véritable existence ; j'étais homme et n'étais pas homme ; je devenais le nuage, le vent, le bruit ; j'étais un pur esprit, un être aérien, chantant la souveraine félicité. Je me dépouillais de ma nature pour me fondre avec la fille de mes désirs, pour me transformer en elle, pour toucher plus intimement la beauté, pour être à la fois la passion reçue et donnée, l'amour et l'objet de l'amour.
Le lisant, je retourne au lycée, en classe de troisième, où l'excellente Mme Couyoumdjian nous fait découvrir Atala. Elle nous raconte une chose incroyable : des chercheurs analysent la magie des phrases du maître en étudiant les rythmes, le nombre des syllabes ! J'en suis éberlué. Ces types-là ont du temps à perdre ! Comment me douterais-je que soixante ans plus tard je serai l'un de ces barjots ?
![]() Chateaubriand jeune encore. |
Feu Daniel Arasse était l'un de ces barjots, mais dans le domaine de la peinture. L'un de ces illuminés qui prennent un tableau et vous le démontent, le racontent avec chaleur et gourmandise, faisant parler le moindre détail et sortir d'une toile, tel un magicien, toute une époque, tout un monde.
À quatorze ans, il découvre Raphaël. Ses parents lui commentent les tableaux.
C'est là que j'ai compris qu'une image pouvait penser. J'étais admiratif, et je me disais : «Non seulement ça raconte une histoire, mais ça la pense !»
Le tableau pense, il parle, Arasse développe et transmet sa pensée. Témoin ce nième livre, Histoires de peintures (France Culture/Denoël), verbatim d'une série d'émissions de radio, abondamment illustré. Il y analyse avec une érudition et une subtilité extrême des tableaux anciens, presque tous italiens, en insistant sur le passage du Moyen-Âge à la Renaissance et ce moment capital : l'invention de la perspective.
La perspective, ça ne montre pas seulement, ça pense. (...)
La perspective est la forme symbolique d'un monde d'où Dieu se serait absenté, et qui devient un monde cartésien, celui de la matière infinie. (...)
La Renaissance par rapport au Moyen-Âge, c'était aussi (...) un passage de ce système mnémonique juxtaposé, statique, immuable, correspondant à une conception close et hiérarchisée du cosmos, à un autre système (...). La peinture servant non plus à se rappeler quelque chose, mais à convaincre, à émouvoir le spectateur de ce qu'elle raconte.
La Joconde que l'on croit connaître, tout ce qu'il en tire, comme un magicien sortant des colombes d'un chapeau, c'est prodigieux.
![]() Léonard de Vinci, L'Annonciation. |
Chez Arasse, on regarde les tableaux, on réfléchit, on admire, c'est confortable et agréable, mais voici un autre livre sur la peinture qui nous plonge dedans et dans les affres et c'est terrible. Le syndrome de l'Orangerie, de Grégoire Bouillier (Flammarion), tout entier consacré aux nymphéas de Monet, commence par un malaise inexplicable devant ceux de l'Orangerie, et se poursuit par la recherche de la cause du malaise et le lecteur n'est plus spectateur bien assis, mais témoin entraîné à toute allure, secoué, submergé par un explorateur d'une inquiétante hardiesse.
Quel mystère, ces nymphéas. Monet les a peints pendant trente ans avec une obstination maladive,
sujet à ses yeux inépuisable, que Monet tenta d'épuiser avec ses pinceaux et avec ses couleurs, sans jamais y parvenir, y revenant sans cesse, comme hanté, comme si les nymphéas lui posaient une question insoluble, une question personnelle.
Commence une enquête hallucinante où l'inspecteur Bouillier nous emmène jusqu'à Auschwitz en passant par Moulinsart, et où l'on ne cesse de rencontrer la mort : ce que ces espèces de nénuphars cachent dans les profondeurs glauques de leur étang, nous dit-on, c'est les massacres de 14-18, les décès familiaux du peintre, l'agonie de ses yeux, etc.
D'où l'atmosphère de désolation qui, sourdement, émane des Grands Panneaux [de l'Orangerie]. Le silence recueilli qu'ils imposent. Loin d'être une célébration de la vie, les Nymphéas sont une méditation sur la mort.
Tout cela démontré avec une sombre jubilation et une virtuosité qui balaie les doutes. Le livre est un peu ralenti par des private jokes inutiles, mais qu'importe, quelle leçon de regard ! On est ébloui, abasourdi. On sort euphorique de ce bouquin angoissé, à condition d'oublier les tourments de Monet lui-même, stakhanoviste du pinceau, «moine-forçat», que son grand ami Clemenceau appelait son «vieux hérisson sinistre».
Qu'il est doux de bricoler gentiment, de ne pas être dévoré par le génie !
![]() Monet à Giverny |
La Nouvelle-Orléans, 1880. Un homme riche et tranquille épouse une délicieuse jeune femme. Tout s'annonce bien, mais non. L'ange qu'il croyait est un démon déguisé qui va peu à peu le faire descendre du septième ciel jusqu'aux abysses. Waltz into Darkness (Valse vers les ténèbres), roman de William Irish, s'appelle en français La sirène du Mississipi, titre anodin, et Truffaut n'en a pas tiré son meilleur film. Dommage pour ce très beau roman, lente et sombre descente aux enfers, d'une tristesse poisseuse, comme on peut s'y attendre de la part d'Irish. Ce grand monsieur est trop peu connu ici, hélas — et là-bas aussi, je crois. Hélas bis : il faut s'offrir la v.o. pour pleinement sentir danser cette valse, et lire le CARNET DU TRADUCTEUR de ce mois («Musique et prose») pour savoir en quoi cette traduction honnête me chagrine malgré tout.
(Le film de Truffaut, en fait, il serait juste d'aller voir comment il a vieilli... Et si des fois on l'aurait mal compris jadis...)
![]() La v.o. |
Truffaut a transposé l'histoire à la Réunion, mais nous sommes déjà repartis en direction du Brésil où au XVIe siècle un jeune Français se retrouve aux mains d'une tribu indienne. Comme ils s'apprêtent à le manger, il sauve sa vie en leur chantant Dufay et Janequin, épouse une Indienne, cannibalise avec eux, mais la confrontation entre rudes indigènes et Blancs violents, eux-mêmes divisés en parpaillots et papistes, nous mène d'embrouilles en sacs de nœuds jusqu'à une fin triste pour tout le monde. Sauf pour le lecteur, charmé par cette histoire insolite (à quel point authentique, on ne nous le dit pas), par les réflexions lucides qu'elle suggère sur le thème civilisation et barbarie, et par le talent de MM. David B. au scénar et Éric Lambé au dessin, cet Antipodes étant publié chez M. Casterman.
![]() À qui la faute, si cela s'est mal passé ensuite ? |
Et le voyage mensuel s'achève dans les Ardennes, chez notre ami André Dhôtel, à l'occasion du numéro que lui consacre une autre amie, la revue Europe. Au générique, Reumaux bien sûr, Delerm et quelques autres, Didier Henry par exemple, dont l'article, «Idylliques freluquets», est aussi charmant que son titre. Philippe Blondeau et Michel Lamart, en ouverture, citent à point nommé Georges Limbour, ami de Dhôtel, qui lui écrivait :
Tu as inventé ta géographie (...) de sentiers et de routes, de plats et de ravins, où l'on se perd, se cherche et se retrouve sans jamais cependant atteindre l'indicible but.
Cinquante romans résumés en une phrase bien sentie.
Et de conclure :
Il tient à demeurer dans une position d'éternel questionnement et étonnement. C'est ce qui le rend intemporel et, par là même, toujours actuel, sinon moderne. N'ayant jamais été vraiment à la mode, il ne s'est pas démodé.
Ce numéro d'Europe le confirme : trente ans après sa mort, Dhôtel est plus vivant que jamais.
![]() Dhôtel dans les années 70. |
Au cinéma ?
Deux nouveautés françaises et c'est tout.
L'attachement de Carine Tardieu : une femme solitaire (Valeria Bruni-Tedeschi) se retrouve avec l'enfant de son voisin (Pio Marmaï) sur les bras. Film habile, fin, nuancé, chaleureux, tour à tour émouvant et drôle comme la vie dans ses bons jours, acteurs justes et attachants, Vimala Pons très belle, excellente soirée, et à part ça, que dire ?
Nismet, courte série où l'exemplaire Philippe Faucon enrichit son tableau si juste et attachant de la communauté maghrébine en France. La mère de Nismet a un copain gaulois qui drague la fille et bat la mère qui le tue et va finir sa vie en prison. Nismet ne cessera de lui rendre visite, elle s'accroche et se reconstruit peu à peu. Faucon filme cette dure histoire comme à son habitude, avec le naturel d'un Pialat, la douceur en plus, en même temps que la rigueur et la pudeur d'un Bresson.
![]() L'auteure du livre, la comédienne, le cinéaste. |
L'Europe est le berceau d'un double mouvement, presque antinomique. D'un côté une marche impérialiste imposant ses modes de vie et ses intérêts à tous les peuples du monde ; de l'autre un développement intellectuel exceptionnel s'épanouissant dans la science, l'art et l'éthique jusqu'à ce qui ressemble beaucoup à une forme de sagesse.
Lorsque — il y a de cela presque cent ans — la bêtise et la méchanceté se sont imposées sur le Vieux Continent, bien des esprits estimables ont pu trouver refuge aux États-Unis, où le flambeau de la culture européenne est resté allumé. À présent que le pouvoir aux États-Unis connaît à son tour la bêtise et la méchanceté, il me semble important de conforter ce contexte européen dont dépend la survie d'une culture à laquelle participe la meilleure part de l'humain.
Voilà ce qu'écrit Jean Jadin, dont je saluais l'autre jour le blog plein de sagesse, à ses lecteurs pour expliquer son changement d'adresse électronique : il quitte l'américain gmail pour Mailfence, une société européenne.
Le boycott, oui bien sûr, précieuse idée. Frapper au portefeuille les grands prêtres du dieu argent. De mon côté j'ai délaissé mes jus de fruits Tropicana en faveur de marques réputées françaises — avec le sentiment que je pourrais faire un peu plus... J'y songe, mais dites-moi les gars, qu'est-ce qu'on attend tous pour se remuer ? Combien parmi nous, dans ce pays, sont-ils prêts à diminuer leur confort, si peu que ce soit, pour lutter contre la peste étoilée ?
![]() Elle au moins, elle bouge. |
Sont prévus au programme en mai : Boileau encore, Rolin, Saumont, Tey, Clerc et cette chère comtesse de Ségur.
![]() Tom Gauld, La revanche des bibliothécaires.. |
(réponse sur le numéro de la citation...)
La traduction n'est pas une agence de voyages. Plutôt une agence matrimoniale : la langue de départ et celle d'arrivée s'ignoraient l'une l'autre jusqu'à ce qu'une œuvre littéraire leur offre l'occasion de se rencontrer.
C'est d'avoir vivement cherché une chose qu'on finit par trouver ce que l'on ne cherchait pas.