BRÈVES

N°225 juillet 2022



BRÈVES


C'était quand déjà ? On oublie vite, on a tort, ça pourrait revenir, elle nous pend au nez la pandémie avec son cortège de confinements et autres misères. On oublie d'autant plus vite qu'on est un bourge doté d'une maison spacieuse et d'un jardin. Les plus cruellement frappés, comme toujours, c'étaient les pauvres. Témoin Parole donnée, de Jean-François Laé, aux éditions Syllepse, qui nous fait revivre la vie covidienne en Seine-Saint-Denis, département le plus démuni de France.

Pas de chiffres ici, mais des voix : l'auteur, sociologue, donne la parole aux différents acteurs. Les victimes d'abord, enfermées dans des logements exigus, les vieux et les malades dont on ne vient plus s'occuper, tous ceux que le ralentissement de l'économie et la fermeture des guichets d'aide sociale font glisser de la précarité dans la misère.

Les victimes, cependant, ne sont pas tout à fait seules. Sous-titre de l'ouvrage : Entraide et solidarité en Seine-Saint-Denis en temps de pandémie. Il y a d'abord les initiatives individuelles, la solidarité familiale en tête, évidemment, mais aussi et surtout les actions collectives. L'aide associative — que deviendrions-nous, dans n'importe quel domaine, sans elles ? — prend ici des formes très diverses, la plus remarquable étant sans doute, à la frontière entre les sphères publique et privée, ces agents du conseil départemental — presque toujours des femmes — qui demandent à devenir, et l'obtiennent, pendant une partie de leur temps de travail, des «appelantes volontaires». Les témoignages qu'elles recueillent lors de leurs appels téléphoniques occupent une grande partie de l'ouvrage, à côté du courrier envoyé directement à ceux qui nous gouvernent là-haut — car certains se décident à


jeter une flèche de papier par-dessus les barres HLM, par-delà les institutions locales pour toucher le Prince, celui qui peut plus que quiconque répondre à la plainte.


Comme si, pour notre monarque, le 93 était plus qu'un vague numéro.

L'auteur passe charitablement sur les défaillances de l'aide publique, prise de court par des événements largement imprévisibles, on oublie vite les quelques déclarations ministérielles ineptes du début de la pandémie (deux ou trois échantillons cruels suffisent), l'important c'est les mille petites combines souvent admirables et le grand élan de solidarité minutieusement décrites dans ce livre utile, qui tout compte fait encourage plus qu'il ne désespère. Conclusion :


Vite oublier ces mois sombres pour passer à autre chose n'est pas condamnable. Rien n'empêche de tourner la page, à condition de laisser un marque-page, justement, pour ne pas effacer cette histoire dont l'onde d'effet va loin devant nous.


Photo Dragan Lekic
Le Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), avril 2020

*


Restons confinés, mais très loin des banlieues pauvres, à Nice pendant l'été 2021.


L'air n'a jamais été aussi pur, le ciel aussi bleu. Des roses trémières poussent dans les caniveaux. Le fond sonore, habituellement assourdissant de motos, autobus et voitures, n'est plus strié, à intervalles, que par des sirènes d'ambulance. Il se rapproche du silence.


Cette rime en -ance, oui, pas mal. Beau mot, ce silence, mot susurré, avec sa fin en sourdine, glissement léger du [s], puis e muet. Continuons :


Les oiseaux saisissent leur chance.


Aïe. La rime de trop. Ça devient lourd. Et surtout, puisque le silence fait place au bruit, on devrait changer de sonorité — c'est le b, a, ba de l'écriture. Ensuite :


À l'angle des toits, en rebord de cheminée, se perchent des merles. Ils travaillent leurs trilles.


Jolie, l'image, et joliment mise en musique, avec les roulades des deux [tr], le double yod mouillé, la note aiguë du [i] : on les entend, les merles !


Je ferme les yeux. La ville serait-elle en train de rejoindre le jardin d'Éden ?


Là aussi, petit déluge d'allitérations, douceur et rondeur du [d].

Drôle de façon, dira-t-on, d'aborder un texte : il convient de commenter le contenu d'abord et finir sur un mot (pas trop long, hein ?) sur le style. Mais je n'y peux rien si dans la lecture, souvent, les choses se passent autrement. On n'est pas à la fac ici.

D'ailleurs, les phrases de cette page sont un juste prélude à l'impression mitigée que va me laisser l'ensemble.

Paru au seuil dans la collection Fiction & Cie, ce Journal de nage de Chantal Thomas n'a rien d'une fiction : il raconte passion de l'auteure pour la natation et ses baignades au jour le jour. C'est grâce à eux qu'elle supporte le confinement, et moi pour qui s'agiter dans l'eau est une corvée, j'attendais de ce livre une révélation, une conversion aux joies aquatiques.

C'est raté.

On trouve ici ou là, il est vrai, quelques beaux aperçus :


Je nage dans la voie du détachement. Tout ce qui n'est pas immergé avec moi, à l'instant, s'irréalise. (...)

Être propulsé dans l'intemporel constitue un élément de la joie de nager. La mer n'a pas d'âge. Le nageur non plus.

Le corps qui nage n'a pas d'âge, ni de poids.


Mais pas terrible, ce «constitue un élément» raide et froid. Et à côté de ces moments forts (très belle page aussi sur Byron, nageur exceptionnel, et son pote Shelley qui vénère l'eau sans y toucher) combien de passages anecdotiques où l'on patauge et d'autres où l'on brasse des banalités... J'attends donc toujours le livre qui me mettra dans le bain.


Je ne connaîtrai jamais ça...
L'image dit tout.

*


Parmi les bons moments de ce livre dont on peut se passer par ailleurs, plusieurs allusions à Kafka et son Journal, que justement je viens de commencer : près de 800 pages en Folio-Essais, dans une nouvelle traduction due à Dominique Tassel.

C'est Kafka lui-même qui appelait Journal les nombreux cahiers qu'il noircissait fiévreusement, mêlant dans le désordre échos de son quotidien, réflexions, fictions ébauchées — choses vues, pensées, imaginées. Chantal Thomas :


Le mélange, chez lui, d'un sens de l'observation aigu et d'un accord d'évidence avec le fantastique surexcite l'esprit. Les deux, sens de l'observation et sens du fantastique, se renforcent l'un l'autre.


Pas commode, cette lecture. D'abord, on se sent vaguement intrus dans ces pages non destinées à la publication, que l'auteur, visiblement, écrit avant tout pour lui-même. On nage ici dans le premier jet, le brouillon, l'inachevé, même si cette boue ruisselle de pépites. Dérangeante aussi, la vie de l'homme Kafka, son malaise perpétuel, ses souffrances récurrentes, malgré quelques rares éclaircies.


Je sens, particulièrement le soir mais encore plus le matin, le souffle, l'imminence de grands états exaltants qui pourraient me rendre capables de tout... (1911)

De jour le monde visible me vient en aide, de nuit rien n'empêche que je sois déchiqueté. (1911, même jour)

C'est comme si j'étais en pierre, mon propre tombeau voilà ce que je suis, sans la moindre brèche pour le doute ou la foi, pour l'amour ou l'aversion... (1910)

Il s'agit uniquement, tant bien que mal, de maintenir la tête assez haut pour que je ne me noie pas. (1910)


On est en droit de préférer les œuvres achevées de Kafka, La colonie pénitentiaire par exemple, ma préférée, sombre merveille. On peut voir dans ce Journal une lecture secondaire, facultative, réservée aux groupies d'un écrivain génial. On peut aussi, en s'immergeant plus avant dans ce fleuve immense (je m'y prépare), se demander si au fond l'inachèvement chez cet auteur étrangissime ne serait pas, inconsciemment bien sûr, inhérent à son projet. Le procès, L'Amérique et Le château ne seraient-ils pas moins terriblement beaux et forts s'ils nous étaient parvenus dans un état d'achèvement banal, au lieu de rester ainsi, à jamais, mystérieusement béants ?


...au bain avec Max Brod.
Kafka, grand nageur...

*


De Kafka à Feydeau, le saut peut sembler acrobatique, et pourtant. Il y a chez l'un beaucoup de comique derrière la noirceur, et chez l'autre une évidente noirceur sous le comique.

Chat en poche, de 1888, que je découvre dans l'excellente Pléiade récemment parue (dix pièces du maître, un festin !), est une œuvre de jeunesse, étonnante, extrême comme elles le sont parfois. Le jeune auteur reprend certains procédés du vaudeville, mais de façon répétée, forcenée, tout est bâti sur un quiproquo étiré sur trois actes avec une virtuosité ébouriffante et peu à peu vertigineuse, contaminant jusqu'au langage, la plupart des répliques étant comprises de travers, entraînant personnages et public dans vent de folie tourbillonnant.

Ce bijou fut boudé par ses contemporains ; ils lui reprochaient cette démesure qui justement fait son prix, sans comprendre que répéter un cliché peut parfois en faire quelque chose de neuf.


Mise en scène Cécile Van Snick
Chat en poche, Uccle en Belgique, 2019

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Avec Bernard Frank, place à une autre forme d'euphorie. Journaliste et romancier, bien connu par ses chroniques du Monde et du Nouvel Obs, il fut un familier de Françoise Sagan, avec, tout comme elle, un grand talent et certaines limites.

Solde, publié en 1981 chez Flammarion, sous-titré feuilleton, est un pavé de 400 pages où Frank nous parle à bâtons rompus de ceux qu'il aime ou qu'il déteste, hommes politiques ou hommes de lettres, avec aisance et délectation. Emporté par sa facilité, sa verve inlassable, il se fait parfois longuet, s'attarde un peu trop par exemple à railler ce pauvre Lecanuet, paix à ses cendres froides, mais le plus souvent le feuilletonniste se montre étincelant et on l'écoute, ce gros chat nonchalant et souple aux coups de patte fulgurants, tout au long de paragraphes sans fin, avec délices. Ses portraits de Montaigne, Flaubert, Malraux, Rimbaud, Camus, Sartre et quelques autres, croqués sans déférence excessive, sont souvent d'une lucidité admirable et constamment réjouissants. L'éreintement final de Barthes et Sollers (injuste dans le premier cas) reste un morceau d'anthologie.

Exemples. Montaigne :


On peut l'ouvrir à n'importe quelle page, la conversation est déjà commencée, mais nous sentons que nous sommes les bienvenus, qu'il n'est pas besoin de regarder le cahier du voisin pour comprendre ce qui se dit.


Sartre :


Sa vie fut un perpétuel lycée. Comme élève, comme professeur, il ne donna que des sujets de satisfaction à ceux qui eurent le plaisir de le noter. Gallimard fut le bâton de maréchal de ce professeur doué.


Camus :


...cette façon d'écrire sans matière grasse, mais aussi sans nerf, sans cartilage.

La phrase de Camus a l'air de s'offrir comme un sujet de dissertation.


Sollers :


On l'avait vu agrippé au cou de son cheval de bois, Tel quel, crocheter au son des musiques foraines tous les anneaux de la modernité. Et c'était Lénine, et c'était Jakobson et Robbe-Grillet, et c'était Lacan, Chomsky, Faye, Saussure, Staline et Mallarmé.


Que pense-t-il au fond, cet homme ? Lui-même brouille les pistes, se qualifiant d'«iconoclaste conservateur». On sent chez lui le désir d'être celui à qui on ne la fait pas, qui ne marche pas au pas, qui fuit une certaine pensée à la mode, quitte à tomber dans une autre ornière. Témoin cette phrase, à la fois juste et un peu fausse, qui fournirait un bon sujet de dissertation :


C'est un tic qui s'est accentué depuis Baudelaire que d'admirer dans un écrivain non ce qui nous plaît vraiment, mais ce qu'il a de moderne, bref d'aimer en lui ce que nous mâchonnons tous les jours.


Frank est comme ces brillants causeurs qu'on rencontre dans les dîners : ils ne vont pas changer notre vision du monde, on s'en lasserait sans doute à trop les fréquenter, on les trouve un peu réacs mais quel panache ! On les écoute bouche bée, on se régale et on espère qu'on se reverra.


L'œil aussi malicieux que la plume.
L'âge venant...

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Tous les mois, dans ces Brèves, je rends visite à madame Poésie, que je courtise inlassablement comme traducteur et qui tourne trop souvent le dos au lecteur que je suis aussi.

Pourquoi choisir Théocrite ? Parce qu'il fut, dit-on, le poète majeur de l'Antiquité grecque,


une sorte de buisson ardent du paganisme : tout un monde disparu vit et brûle dans ces vers.


C'est Pierre Vesperini, l'un de ses traducteurs, qui le dit dans une préface elle-même ardente. Et il ajoute :


Parce que c'est l'un des plus grands poètes de la Grèce, comme tout le monde le savait de l'Antiquité au XIXe siècle, et qu'il est aujourd'hui le plus oublié de tous.


Alléchant, non ?

J'ai devant moi deux traductions récentes, que tout porte à croire excellentes, accompagnées de préfaces carrément lumineuses. Je me plonge donc dans la première des idylles... et reste ensuqué.

Que se passe-t-il ? J'essaie de le comprendre dans le CARNET DU TRADUCTEUR de ce mois, intitulé «Théocrites».


1945.
Dessin de Henri Laurens

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La poésie, ce mois-ci, on va donc la chercher du côté du Miel des anges. La récolte de printemps, un peu tardive hélas, propose comme de coutume quatre nouveaux titres, dont deux recueils poétiques.

D'abord, Poèmes d'un autre, de Stratis Pascàlis, l'une des voix grecques les plus puissantes et charmeuses de sa génération. Je l'avais déjà publié chez Al Manar et publie.net ; voici un plus large choix de ses poèmes couvrant la période 1977-2002, en attendant un second volume consacré à sa production plus récente.

Poésie toujours avec Chanson ou poème ? Cent chansons de la datant de la seconde moitié du XXe siècle, signées Gàtsos, Eleftherìou, Hadzidàkis, Savvòpoulos, Ganas et quelques autres. Des paroles qui sont de vrais poèmes. Les traductions collent à la musique et peuvent donc être chantées.

Côté prose, un recueil de nouvelles, L'autre ennemi, où Elissàvet Chronopoùlou nous fait revivre l'occupation allemande à Athènes, dans toute sa misère matérielle et morale, avec une force et une profondeur saisissantes.

Enfin, Tilèmahos Hytìris, homme politique bien connu en Grèce et poète publié au Miel des anges, nous revient avec Journal d'un retour, trois récits autobiographiques. L'auteur y évoque d'autres années terribles, celles de la dictature des Colonels, avec un humour et une auto-dérision jouissifs. Il y a là notamment une scène amoureuse en trio troublante, pour celui surtout qui a traduit les deux hommes et connu, bien des années plus tard, celle dont ils partagèrent les faveurs...

Le miel des anges fêtera son centième titre à l'automne et les projets ne manquent pas. À suivre !


Et maintenant, rendez-vous à l'automne.
Et maintenant, rendez-vous à l'automne.
Et maintenant, rendez-vous à l'automne.
Et maintenant, rendez-vous à l'automne.
Les quatre petits derniers.

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Autre rendez-vous quasi institutionnel ici : la BD du mois. Dans ma bibliothèque, depuis quelque temps déjà, les récentes, pour adultes, dépassent en nombre celles de ma jeunesse. La production actuelle est si riche et variée qu'elle fait de l'ombre à l'ancienne, et je néglige cruellement les copains de mon enfance, Tintin et Milou, Spirou et Fantasio, Blake et Mortimer, Johan et Pirlouit, Tif et Tondu, Bob et Bobette, Boule et Bill, Lucy Luke, Sibylline, Alix, Benoît Brisefer..., Chaque fois que j'y reviens pourtant, les retrouvailles sont réussies.

La mauvaise tête de Franquin, quelle splendeur...

Cette fois, après des dizaines d'années, je reprends contact avec Gil Jourdan. Des années 50 à la fin des années 70, seize albums, scénario d'un des grands noms du genre, Maurice Tillieux, et dessins du même, sauf à la fin où Gos le remplace. Première aventure : Libellule s'évade, suivi de Popaïne et vieux tableaux. Le jeune Gil Jourdan, détective privé, qui traque des trafiquants de drogue, recrute un ancien voleur, Libellule ; le commissaire Crouton, leur adversaire, aussi attachant que ridicule, va devenir leur ami. Scénar solide, avec ce qu'il faut d'invraisemblance pour faire planer l'histoire, des dialogues bien frappés, les blagues vaseuses du joyeux Libellule, un dessin efficace, typique de l'école franco-belge et un charmant parfum d'époque — Gil Jourdan n'a pas encore échangé sa Juva 4 contre une Dauphine. Un classique indémodable. Encore une belle retrouvaille, reposez en paix, m'sieur Tillieux !


L'ensemble est pieusement réédité.
Gil Jourdan, Libellule et Crouton.

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Livres (suite et fin). Ai-je déjà parlé de la boîte à livres du square d'en face ? Chacun vient y déposer ses vieux bouquins et/ou se fournir en lectures gratuites. J'y passe régulièrement pour déverser notre trop-plein, tous ces livres qui envahissent la grande maison et qu'à présent c'est sûr, je ne lirai jamais. Tout ce que je dépose disparaît dans les heures qui suivent, même mes tradales ! C'est fou ! Quels sont ces êtres mystérieux qui lisent encore, ces marginaux qui boycottent l'argent ? Comment faire pour mieux la connaître, cette tribu étrange dont les membres s'ignorent ?

C'est à deux pas de là, dans la belle petite avenue Henri-Regnaut, que j'ai ramassé un livre de jardinage épatant. L'habitant d'un des pavillons l'avait déposé près de sa grille d'entrée. Dans L'oasis (Dargaud), sous-titré Petite genèse d'un jardin biodivers, Simon Hureau raconte la vie de son jardin sur dix ans : l'achat d'une maison de village dotée de 500 m2 de terrain moche, l'embellissement, l'agrandissement, la nouvelle vie végétale et animale qui foisonne, le tout abondamment illustré de dessins charmants, et une conclusion bien sentie :


Pour moi, le jardin doit rester cette sorte de quête permanente d'équilibre entre le faire et le laisser-faire, entre le dompté et le sauvage, entre le désiré et l'incontrôlable, entre l'artificiel et le naturel...


Tout cela incite à se mettre au travail, ou simplement donne à rêver.


...après quelques années de travail.
Son jardin-oasis...

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Le cinéma de juin ? Quatre films tout récents, l'actualité étant si riche qu'on est amené à négliger les bons vieux classiques, hélas.

En allant du bon à l'excellent :

Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux, conte fantastico-philosophique savoureusement déconatoire.

Un Desplechin pur jus, d'une rare âpreté, récit d'une haine entre Frère et sœur.

Flee, film d'animation signé Jonas Poher Rasmussen, racontant l'histoire vraie d'un jeune afghan homosexuel fuyant Kaboul pour Moscou, d'un enfer l'autre, avant de passer enfin à l'ouest.

Enfin et surtout, le costa-ricain Clara Sola, premier film de Nathalie Àlvarez Mesén. Encore une terrible histoire : l'héroïne, quarante ans, demeurée vierge, demeurée tout court, dotée de pouvoirs thaumaturgiques, va enfin découvrir l'amour. Quel dépaysement dans ce portrait d'une société paysanne arriérée, étouffante, et quelle étrange beauté dans cet hymne à la nature et au désir.


Dans le film, cette danseuse boîte à la perfection...
La belle Wendy Chinchilla Araya

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Avant de terminer l'autre jour mon audition intégrale des 106 symphonies de Haydn, j'imaginais les toutes premières comme des ébauches anodines. Erreur ! Dès le début le grand bonhomme est là, subtil, jaillissant, pétaradant, joueur. Et le régal est à son comble quand on découvre sur youtube la jubilation des musiciens. La 12e portée par le Giardino Armonico, que dirige le fougueux Giovanni Antonini, couvé du regard par sa première violone enamourée. La 6e avec l'orchestre de chambre norvégien, mené au violoncelle par Steven Isserlis aux sourires extatiques. (Auraient-ils tous fumé ?)

Il faudrait commencer chaque journée, herr Haydn, par un mouvement d'une de vos symphonies.


Il prépare une intégrale des symphonies de Haydn !
Giovanni Antonini, la fougue incarnée.

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Une cure de Haydn n'est pas de trop ces temps-ci pour supporter les nouvelles d'Ukraine. Les envahis finiront bien par renvoyer l'envahisseur dans ses chiottes, mais quand ?

La guerre en Ukraine, ça se passe aussi en France. Accueillir une famille de réfugiés, c'est la seule façon qu'on ait de combattre Poutine. Nous hébergeons depuis trois mois la famille Yevtushenko, une mère et ses deux enfants. Tout se passe bien avec ces gens charmants, même si les diverses démarches administratives sont une lourde charge. Il faut reconnaître que dans l'ensemble les autorités de ce pays ont fait des efforts, même si certains relais, localement, sabotent le travail. Un grand merci pour leur gentillesse et leur efficacité à l'équipe de l'école primaire Gambetta A de Sèvres, à celle du lycée Jules-Ferry de Versailles, et à la municipalité de Ville d'Avray qui a fait le maximum. À Sèvres même, la mairie a traîné les pieds, quant au lycée, zéro pointé ! Sa paresseuse proviseure n'en avait rien à cirer, de l'Ukraine. (Il y a de tout dans l'Éducation nationale — comme partout.)

Mais quel réconfort d'avoir vu un peu à l'œuvre, à cette occasion, les bénévoles inlassables du coin. Sans les bénévoles d'ici et d'ailleurs, ce monde serait invivable.


Les livres aussi, c'est important.
Croix-rouge de Lyon, mars 2022

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En août ? Kafka encore, Feydeau toujours, Céline, Vignal, Millerand, Rutès et ce cher Follain.


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SITATIONS

Savez-vous de qui sont ces phrases ?

(réponse sur le numéro de la citation...)


1


Les mots trop brillants abîment tout le travail. Et parfois des mots sans éclat, lorsqu'on les réunit, voilà qu'ils brillent ensemble.



2


L'esthétique est pour l'artiste ce que l'ornithologie est pour les oiseaux.








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