BRÈVES
N°181 novembre 2018
Nos quelques journées grecques, en ce mois d'octobre, furent chaudes et lumineuses comme un printemps. Ou était-ce le plaisir de revoir tant d'amis chers ?
Petite virée d'abord sur les îles proches, Egine, Pòros et Spètses. Je ne connaissais ces deux dernières que par les romans. On imagine quel enfer elles sont toutes les trois pendant l'été, mais on peut goûter encore, à l'automne, une partie de leur charme passé. Les petites rues de Pòros, en particulier, ont plutôt bien résisté au tsunami touristique, et Spètses elle-même conserve quelques coins secrets, malgré les agressions d'un milliardaire local qui planta en pleine ville, en bord de mer, une somptueuse horreur, mi-Carlton, mi-Ceaucescu.
C'est à Athènes que notre Miel des anges a soufflé ses bougies d'anniversaire : cinq ans d'existence, cinquante titres, cent auteurs au catalogue, début encourageant. Deux soirées ont fêté l'événement, organisées et animées avec brio par l'amie Hélène Zervas, dans deux des plus belles librairies d'Athènes : à Lexikopoleio d'abord, puis à Epi Lexi. L'accueil à Lexikopoleio est toujours d'une chaleur exceptionnelle : dans quelle autre librairie au monde fait-on la bise à tous les clients ?
La nouvelle récolte d'automne du Miel des anges a pour nous une importance particulière. D'abord, notre série de nouvelles prend tournure avec ses septième et huitième titres : Ilìas Papamòskhos, déjà présent dans Nouvelles fraîches I, nous donne son plus beau recueil à ce jour, Le renard dans l'escalier, et Yòrgos Skambardònis, l'un des grands noms du genre, se joint à la fête sous le titre Le maître couteau. Ensuite, les Poètes grecs du 21e siècle arrivent à leur sixième et dernier volume : les soixante poètes élus sont tous là, mission accomplie, reste à trouver une combine pour caser quelques uns de ceux qui sont restés dehors — ils sont des milliers... Enfin, après vingt-cinq ans d'attente, nous publions Elỳtis avec les merveilleuses chansons du recueil L'R d'Éros. La traduction est une immense patience.
Lexikopoleio, 16 octobre 2018. |
Autre actualité grecque : les éditions du Sonneur publient Tout seul, de Nìcos Panayotòpoulos, auteur inédit chez nous. Sous-titre : Prophétie autobiographique.
Tout seul, vraiment ? L'auteur-narrateur a perdu son père, a divorcé, son fils l'évite, certes, mais le fantôme du père disparu ne le lâche pas. La relation père-fils atteint ici des sommets d'intensité, d'ambivalence et de violence. Ce père tant détesté, tant aimé, qui ne comprend rien à son fils et reste pour lui une énigme, tout en contradictions et en zones d'ombre, est dépeint de façon saisissante.
Attrait supplémentaire de ce texte brûlant : il évoque au passage la société grecque traditionnelle et ses coutumes, encore vivaces pendant l'enfance campagnarde de l'auteur. L'exhumation des ossements, par exemple, est un moment qui fait frémir.
La narration procède habilement par retours en arrière successifs, dévoilant l'une après l'autre les énigmes du passé ; la langue, simple, dense, tendue, balisée d'images fortes et de belles formules, séduit aussi par son ironie mordante.
En prime, une scène étonnante où l'éditeur, Jean Mattern — l'un des meilleurs de la profession — explique à l'auteur ébahi, brillamment, le sens de son œuvre !
2013. On déterre les restes d'un saint martyr. |
C'est la Grèce, indirectement, qui m'a mené au dernier livre de Laurent Nunez. Nous étions invités ensemble à l'excellente émission de Manou Farine, En compagnie des poètes, sur France-Culture, moi pour évoquer les rebètika, lui pour Il nous faudrait des mots nouveaux (Cerf).
Nunez est allé à la pêche aux mots. Dans son livre sont présentés treize d'entre eux, pris dans autant de langues, allant de l'américain au latin en passant par le yaghan, l'urdu et l'inuktikut. Le point commun de ces mots : n'avoir aucun équivalent dans notre langue. La thèse de l'auteur : toute langue étant pleine de vides, de mots cruellement manquants, il serait bon d'en importer pour boucher les trous !
On imagine la charge provocatrice de cet appel à l'immigration, par les temps qui courent. Il suffit amplement à me le rendre sympathique. Évidemment, le traducteur en moi est un peu partagé : les mots qui manquent, c'est son pain quotidien (d'une langue à l'autre, aucun mot n'a d'exact équivalent), c'est même sa raison d'être : si une langue avait tous les mots nécessaires, une machine suffirait pour traduire et il n'y aurait plus de traducteurs. Traduire, c'est compenser les insuffisances lexicales par d'autres moyens, c'est s'attacher à rendre le poids et la saveur d'un mot inexistant chez nous par des sonorités, des rythmes, un ordre des mots, une astuce grammaticale...
Quant aux néologismes, si je les affectionne autant que Nunez et les pratique moi-même plus qu'à mon tour, je n'oublie pas non plus que pour dire une chose nouvelle, l'art consiste surtout à arranger de façon nouvelle des mots anciens. Et là je pense à Racine, celui de nos grands auteurs qui a le vocabulaire le plus réduit.
«Que la chose existât avant le mot, c'est évident. Mais quand on adopte le mot : on adopte la chose, et ainsi elle croît et se multiplie.» Oui, certes, mais je me dis aussi — avec un rien de mauvais esprit — que l'absence de mot peut rendre la chose, dans un sens, plus présente : nommer, c'est aussi étiqueter, réduire, dégonfler...
Nous aurions du mal à acclimater en français IKTSUARPOK ou MAMIHLATINATAPAI, et l'auteur lui-même en conviendra ; ce qui compte, c'est que ses commentaires fins et savants, à chaque escale du périple, nous apprennent bien des choses et nous invitent à la réflexion, puis à la discussion, tout en faisant rêver le traducteur à la façon de les traduire, ces mots-là — quel défi !
La cuvée 2018 du Petit Robert |
J'ai failli ne pas lire L'art de perdre, d'Alice Zeniter. Non parce qu'il a reçu je ne sais quel prix l'an dernier, mais à cause d'une interview de l'auteure, vue sur Dailytube, où elle crachait avec dédain sur... On the road de Kerouac !
J'aurais eu tort. Nous avons tous des pensées imbéciles, plus ou moins, sans forcément l'être. Et le roman de la jeune femme ne l'est guère.
Il raconte le douloureux destin d'une famille de paysans algériens sur trois générations, entre les années 50 et aujourd'hui : la guerre, la fuite en France, la difficile adaptation. Le père, pris en tenaille entre les soldats français et les maquisards du FLN, menacé de mort des deux côtés, a dû choisir la France et l'exil. On croit connaître cette période par ce qu'on a lu dans les gazettes, mais lire les détails change tout. L'art de perdre, on le devine, est fortement autobiographique et minutieusement documenté ; il retrace de manière poignante et convaincante le drame des harkis, traités des deux côtés de la mer comme des pestiférés.
Le livre ne tresse pas des couronnes à l'armée française, au FLN non plus, mais chacun sait que cette guerre fut un concours d'atrocités entre les deux ; les populations de notre hexagone, avec leur racisme pas toujours caché, n'apparaissent pas non plus ici sous leur meilleur jour. Le témoignage de l'auteure paraît globalement lucide et objectif, analysant personnages et situations avec précision, finesse et humanité, et ne peut qu'attirer la sympathie sur une population qui en a encore bien besoin.
Particulièrement attachant, le cheminement de la jeune héroïne, qui sans renier ses origines revendique cependant et obtient, malgré une foule d'obstacles, extérieurs ou intérieurs, sa liberté. Une liberté conquise également dans l'écriture. Exemple entre bien d'autres :
...ces choses qu'ils pensaient chérir toute leur vie comme des amulettes qui condenseraient l'Algérie et leur existence passée, ils les abandonnent peu à peu, les repoussent au fond d'un tiroir, gênés, irrités, et il n'y a plus que les enfants pour les sortir, les admirer, et jouer avec comme s'il s'agissait des pièces détachées d'un vaisseau spatial qui se serait écrasé chez eux, porteur d'une civilisation radicalement éloignée.
Zeniter a le sens de la formule, ses pages fourmillent d'images pleines de vigueur et de saveur. Même si sur l'île déserte j'emporterais plutôt Kerouac.
Camp de harkis, années 60. |
Patrick Bard... Mais je le connais ! À l'époque de mes vadrouilles suburbaines, il photographiait les banlieues. Lui à Montreuil, moi à Vincennes, quasi voisins. Nous avons même dû nous croiser. Un quart de siècle plus tard, je le retrouve écrivain. Son catalogue, déjà bien fourni, vient de s'enrichir d'un roman pour ados dont on me dit grand bien.
POV : Point of view, publié chez Syros, raconte la descente aux enfers d'un ado devenu accro aux sites porno, jusqu'à tenter de se suicider, puis sa lente remontée vers une vie normale. C'est terrifiant, infernal. Dans quelle mesure ce cas extrême est-il représentatif ? s'interroge-t-on, avec la pointe d'agacement de celui qu'on presse de renoncer, sous prétexte que l'alcool tue, à son petit verre de vin quotidien. N'y a-t-il pas, ou ne pourrait-il y avoir, un usage raisonnable de la chose ?
Ce qui emporte l'adhésion, c'est le sérieux impeccable de l'entreprise, l'effort de documentation qu'on sent à chaque page et la c'est mieux que l'excès inversesobriété de l'écriture, qui tient à distance la caricature et le mélo et tape souvent dans le mille :
Quand il rouvre les yeux, ses parents sont là. Assis chacun d'un côté du lit, ils lui tiennent les mains. Chacun la sienne. Lucas se demande s'il les réunit ou bien si son corps trop lourd les sépare.
Quelle bonne école pour l'écrivain que le jeune public !
La seconde partie est le sommet du livre, avec notamment des séances d'atelier d'écriture épatantes et une idylle évitant habilement toute fadeur.
Non, ce n'est pas drôle. |
Oublions la sobriété. Nous allons visiter le Vatican, et c'est orgiaque ! L'Urbi et orbi de Giosuè Calaciura (Notabilia), publié en 2006, nous conte l'agonie d'un pape devenu gaga. Jean Paul II ? Oui et non : il s'agit tout de même d'un roman, qui en rajoute sur la réalité — on l'espère.
Le Vatican est ici un panier de crabes, un nœud de vipères, enfer terrestre, paradis de l'intrigue et de la magouille ; derrière le «nous» qui le décrit, avec un luxe de détails sordides et une diabolique insistance, se cachent on ne sait quels ecclésiastiques nourris dans le sérail, dont la crapulerie n'a d'égal que le cynisme. Sa Sainteté n'en finit pas de mourir, le récit ressasse dans le sarcasme ou part soudain dans des bouffées de fièvre, des scènes d'une poésie folle à la Fellini, mais c'est l'écriture elle-même qui flamboie, les phrases qui débordent, échevelées, les images qui pullulent dans une démesure perpétuelle, une espèce de biture géante. Seigneur, quelle splendeur dans l'ironie ! quel souffle !
Le pape s'en va prêcher dans les déserts :
Et, dans le mirage de glaucome des indigènes malades de trop de lumière, il apparaissait et disparaissait au sein de tourbillons de sable qui pouvaient être une étreinte de Dieu aussi bien que le vent de l'hélicoptère aux armes de saint Pierre.
Plus tard — mystification sublime — on fera croire au Saint Père gâteux qu'il continue de courir le monde, dans un avion retraité posé dans la banlieue de Rome, avec de vagues décors exotiques et des immigrés basanés payés pour l'accueillir. Le pauvre vieux s'étonne, tous ces lieux lointains qui se ressemblent tant... Que voulez-Vous, lui répond-on, c'est la mondialisation...
À la fin, Sa Sénilité ne parle plus le langage des hommes, mais un «jargon rauque et incompréhensible d'anges et d'animaux».
Nous le faisions descendre précautionneusement de l'auto et l'installions dans un fauteuil sur la plage, comme un empereur d'Orient, pour contempler une mer grise sans espoir qui exhalait une odeur d'ordures. Cela ne lui réussit pas. Au contraire. Au retour, en l'auscultant, les médecins trouvèrent des râles inédits dans ses alvéoles pulmonaires semblables aux tuyaux d'un orgue désaccordé.
Je ne connais pas l'italien, mais la traduction a grande allure. Lise Chapuis a fait là, sans aucun doute, un travail de romain. Si le beau monstre du signor Calaciura n'a pas remué les foules françaises, ce n'est pas sa faute.
2004 à Lourdes. |
Notre invité suivant, Marcel Arland, n'est plus guère coté à l'Argus. Tout jeune, il fit partie de la bande à Dhôtel, Vitrac et Limbour, ce qui suffit à me le rendre sympathique ; plus tard il fut lu, apprécié, honoré, pour ses recueils de nouvelles surtout, avant que sa mort en 1986 ne l'envoie doucement au purgatoire.
L'eau et le feu (1956, Gallimard) reposait sur l'un de mes rayonnages du haut. Quatorze histoires s'y succèdent et s'y répondent, tant les thèmes circulent de l'une à l'autre. On y retrouve le plus souvent la campagne grise où l'auteur passa son enfance, les villages perdus oubliés par le temps, et l'amour bien sûr, avec en particulier de beaux personnages de femmes mystérieuses, effacées, au destin volontiers tragique.
Je craignais de trouver Arland guindé, désuet ; ce n'est certes pas un dynamiteur de traditions, il pratique un français soutenu, à l'ancienne — les «ne pas» remplacés par des «ne point», par exemple — mais sa prose a une belle ampleur, elle respire bien, et l'on est si vite saisi, dès les six pages de l'extraordinaire «Baignoire» qui ouvre le recueil, qu'on se fiche de savoir si M. Arland révolutionne ou non la Littérature.
Et comme il est très ardu de décrire le pouvoir de tels textes sans âge, apparemment simples, mais subtils insondablement, mieux vaut laisser la parole à l'auteur : au début d'un des sommets du livre, «Portrait d'Agnès», il nous livre en même temps qu'un portrait de femme inoubliable, tout un art poétique en prime :
Autant faire le portrait d'une source, me disais-je d'abord. Une source, ou, mieux, l'une de ces fontaines sans rides, qui semblent se nourrir de leur propre fonds, toujours nouvelles, toujours les mêmes, et qui, dans leur transparence, trouvent un abri.
Telle Agnès : par les yeux, d'un gris vert, très pâle, qu'elle offrait longuement ; et vous pouviez y descendre, cheminer ; la route était claire et sans embuche, mais précisément si claire, si paisible, qu'une gêne vous prenait bientôt, comme d'un monde, à peine réel, qui n'était pas fait pour vous.
Chez Gallimard ? |
Encore un oublié : Paul Fort, célèbre et fêté voilà un siècle. Brassens, dont nous venons d'écouter les douze disques, l'avait mis plusieurs fois en musique. «Le petit cheval dans le mauvais temps», c'est de lui. «Si tous les gars du monde» et «Le bonheur est dans le pré» aussi. C'est grâce à tonton Georges que j'ai eu l'idée de pêcher, sur le même rayonnage qu'Arland, ce petit volume : Ronde (80 poésies &149; pour la jeunesse &149; choisies &149; parmi les ballades françaises), chez Armand Colin &150; Bourrelier.
Les poèmes de Paul Fort sont presque toujours rythmés et rimés, mais écrits en prose, astuce qui rend ces rythmes et ces rimes encore plus voyants, plus dansants. Elles ont un charme délicat, ces petites choses, plus profondes qu'elles n'en ont l'air sous leurs dehors de ritournelles naïves ; elles passent du minuscule à l'immense et du doux à l'amer avec une grâce toute naturelle.
La pluie tombe infinie. Les horizons s'enfuient. Où vont-ils ces coteaux, ces coteaux sous la pluie, qui portent sur leur dos ces forêts qui s'ennuient ?
Où donc est Andely, Andely-le-Petit ? son coteau ? son château ? je les voyais tantôt. Les horizons s'enfuient. La pluie tombe infinie.
Du côté des forêts qui donc réapparaît ? Ce géant, est-ce lui ? Est-ce toi, vieux château qui vas courbant ton dos sous neuf siècles d'ennui ?
La pluie tombe infinie.
Mais un autre jour, quand la pluie tombe,
ce sont des pleurs de bonheur qui ruissellent,
tant dans mon cœur le cœur universel bat.
Georges et Paul |
Alors on pourrait faire une ronde autour du monde, si tous les gens du monde voulaient s'donner la main
écrivait le poète. La ronde autour du monde, aujourd'hui, c'est les Brésiliens qui donnent la main aux Hongrois, aux Polonais, aux Italiens, aux Turcs, aux Russes, aux Américains, aux Nord-Coréens, aux Saoudiens, aux Syriens, j'en oublie plein, pour danser une immense valse brune en sautant les frontières qu'ils chérissent tant — ô paradoxe ! Va-t-elle contaminer toute la planète, cette peste galopante ? Nous autres Français, sommes-nous à l'abri ? Sommes-nous sensiblement meilleurs que d'autres ? Moins xénophobes que les Hongrois, par exemple, moins racistes que les Polonais eux-mêmes ? Ce n'est qu'une question de circonstances, hélas. La bête sommeille au fond de chacun de nous. «Ah ! que le cœur de l'homme est creux et plein d'ordure !» s'écriait Pascal. En cas de malheur, combien d'entre nous continueraient d'avoir des idées justes, et seraient prêts à mourir pour elles ? 1% de la population, soyons optimiste. Et je ne serais sûrement pas des leurs.
Suffit-il, ce 1%, à sauver l'honneur de notre pauvre espèce ?
Creux et plein d'ordure |
Si nous avions un régime fort, il ne laisserait pas montrer aux foules un film comme I feel good, de Delépine et Kervern, ces dangereux trublions : un film à la gloire d'Emmaüs, ce refuge de losers, fondé par ce communiste d'abbé Pierre ; une apologie éhontée de la décroissance, où le héraut des valeurs néo-libérales est un épouvantable crétin ; une histoire délirante, comme toujours avec ceux-là, dont les mille trouvailles hénaurmes, insulte au bon goût français, et la naïveté assumée (ils ont un cœur, ces charlots) n'amuseront et n'émouvront que les esprits égarés dans mon genre.
Le Dujardin et la Moreau |
Pas de problème, en revanche, avec Le grand bain, de Gilles Lellouche. Cette comédie très drôle, dont le punch n'empêche pas la finesse et la tendresse, fait elle aussi l'éloge des losers, mais à la fin, ici au moins, tout rentre dans l'ordre : l'équipe de natation synchronisée ringarde formée par une bande de bas cassés devient championne du monde ! Message clair : même les plus nuls peuvent réussir, suffit de vouloir. Cette fin très feel good movie ne décevra que certains esprits rétrogrades, dont je suis, qui crachent sur le paradis trumpo-macronien avec une obstination sénile.
Belle affiche... |
Sur DVD, ce mois-ci, deux moments précieux.
Tiré du nouveau coffret Philippe Faucon — un must ! —, La trahison (2005), le meilleur film français sur la guerre d'Algérie selon certains, auxquels on a envie de se joindre. 1960, un fort français en montagne, le FLN qui rôde autour, les hommes qui désertent et passent à l'ennemi, la défaite qu'on sent venir... Aucun manichéisme, un regard attentif sur chaque personnage et une mise en scène d'un dépouillement bressonien, qui touche à l'essentiel.
La huitième femme de Barbe-Bleue, je l'avais vue déjà deux fois. Elle le mérite, avec Lubitsch égal à lui-même et Gary Cooper réussissant — comme Jean Dujardin dans I feel good — ce tour de force : rendre son personnage aussi antipathique et attachant que possible. Mais pourquoi m'endors-je si facilement sur notre canapé ? La fin du film s'est résumée en un ballet de portes qui s'ouvrent et se ferment — beau comme une toile abstraite.
Cooper, Colbert et maître Lubitsch |
On réécoute une musique aimée plus facilement qu'on ne revoit un film ; parfois, on la quitte pour un temps, afin de ne pas user le plaisir. J'avais laissé ainsi tomber les quatuors de Debussy et Ravel, chefs-d'œuvre de leur jeunesse, incursion unique dans le genre — comme s'ils craignaient de ne plus faire aussi bien ?
Ils sont le plus souvent associés sur le même CD et je les retrouve l'un après l'autre, dix ou quinze ans après peut-être, encore plus impressionnants. Je croyais les connaître par cœur, il me semble saisir de nouveaux détails. J'entends dans le Debussy, le premier mouvement surtout, quelque chose d'impérieux, de conquérant, comme d'un génie qui prend le pouvoir. L'allegro initial du Ravel, si charmeur soit-il, est un peu en retrait, on se dit que le plus immense des deux, décidément, c'est bien Debussy — avant que les mouvements suivants rétablissent quasiment l'équilibre. Et finalement c'est surtout dans les mouvements lents, moins brillants, plus profonds, qu'on écoute l'un comme l'autre bouche et oreilles bées.
Ils s'appelaient Le quatuor... |
À notre retour de Grèce, plus d'Internet. Orange a coupé la ligne sans préavis le 12. Pas moyen de savoir ce qui se passe. Au terme d'un long parcours du combattant, nous apprenons que les travaux (ou les réparations ?) seront terminés... le 9 novembre ! Les Hauts-de-Seine, pays du Tiers-Monde.
Une heure et demie de queue à la boutique Orange pour une livebox que finalement ils n'ont pas.
Avec Orange, on rit jaune.
Que faire ? Aller voir ailleurs ? Comme si les autres opérateurs étaient moins nuls.
Orange amère... |
En décembre ? Pourquoi pas quelques grands anciens, Nabokov, Jaccottet, Thomas ? Et quelques contemporains, Pinson, Suel, Almendros, Kerangal ?
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(réponse sur le numéro de la citation...)
Ceux qui pensent que c'est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient.
Il n'y a pas de recette pour le succès, mais il y en a une pour l'échec : essayer de plaire à tout le monde.