BRÈVES

N°141 Juin 2015



BRÈVES


On a les aventures qu'on peut. J'aime confier au hasard une partie de mes lectures, m'éloigner un instant de mes sentiers battus, quels que soient les risques.

Sans une obligation professionnelle, je n'aurais pas découvert Saraka Bô de Tobie Nathan. L'auteur, ethnopsychiatre mondialement connu, disciple du grand Devereux, commença sur le tard une carrière d'écrivain avec ce polar publié en 1993 chez Rivages/Noir. Un polar atypique et plutôt corsé qui a marqué, dit-on, l'histoire du genre. Il s'y opère une étrange fusion. D'un côté, les ingrédients du genre, bruit et fureur, ultra-violence, cadavres mutilés minutieusement décrits, belles bagnoles, whisky, flingues, filles de rêve — on frise la parodie. Se greffe là-dessus l'expérience professionnelle de l'auteur, spécialiste de l'Afrique Noire. De nombreux personnages sont des immigrés africains en France, ou des malades mentaux, de préférence les deux. Les rites et croyances africaines jouent un rôle important, et le serial killer de riches bourgeoises n'est pas démasqué par un policier observateur et méthodique, mais par un psy, double de l'auteur semble-t-il, poète et beau parleur, qui trouve la clé de l'énigme dans ses lectures, son savoir clinique et ses rêves. Tout cela intelligent, érudit, talentueux, écrit moderne, avec récit éclaté, images décoiffantes, envolées poético-philosophiques saupoudrées de calembours lacaniens.

«Véronique sort de son lit, nue, ses deux petits seins ronds et musculeux accrochés à ses épaules comme des boules de Noël, secoue sa légère chevelure de soie noire... grâce des longs muscles tendus à se rompre, profondeur océanique de son regard de saphir...»

«Un rouquine aux yeux d'enfant, roux-vert, perdus dans un masque trop grand où transpiraient les ombres vagabondes d'un sourire...»

«Une moto glisse un long soleil ; l'autre virevolte à la chamade...»

«Je pense à ma gueule décharnée et sale, à ma peau grise, à ce vieux pantalon de flanelle qui pend lamentablement comme le sexe de Daladier lorsque les Allemands sont entrés dans Paris...»

Loin de moi l'intention de dégoûter qui que ce soit de ce bouquin impressionnant sans nul doute, mais en ce qui me concerne je ne me sens pas tout à fait chez moi dans ce déferlement pétaradant, clinquant, m'as-tu-lu, où l'ego de l'auteur s'étale de façon parfois gênante.


Nathan, le psy qui déclare «préférer les esprits à l'inconscient» !
Pour se mettre dans l'ambiance.

*


Balzac, on croit le connaître. Et voilà que de mois en mois il n'arrête pas de nous surprendre.

Béatrix, roman publié entre 1839 et 1844, est un ballet savant et compliqué pour trois danseurs : deux femmes brillantes (une belle marquise, une écrivaine célèbre qui a des traits de George Sand) tournent la tête à un jeune aristocrate breton qui leur tourne les leurs, mais rien ne se concrétise, l'écrivaine amoureuse du jeune homme le pousse dans les bras de la marquise, le maladroit la fait fuir, il en épouse une troisième et l'écrivaine se retire, de façon pour le moins imprévue, dans un couvent ! (Tout cela violemment simplifié.)

On connaît la minutie des descriptions balzaciennes, mais là, dans le portrait physique des femmes, il bat ses records : le moindre «abaissement mystérieux des paupières», le moindre cil qui dépasse est un prétexte à des observations infinies. Quant aux machinations tortueuses de l'écrivaine et aux joutes verbales entre les deux femmes, dont on ne sait même plus si elles s'aiment ou se détestent, on y assiste éberlué comme un enfant qui ne comprend rien aux discussions des grandes personnes.

Autre charme du roman : sa première partie se déroule en Bretagne, à Guérande, ce qui nous vaut un tableau frappant de la vieille noblesse bretonne et de la vie provinciale en général. Témoin ce portrait :

«Quant à la vicomtesse de Kergarouët, elle était le type de la provinciale. Grande, sèche, flétrie, pleine de prétentions cachées qui ne se montraient qu'après avoir été blessées, parlant beaucoup et attrapant à force de parler quelques idées, comme on carambole au billard, et qui lui donnaient une réputation d'esprit, essayant d'humilier les Parisiens par la prétendue bonhomie de la sagesse départementale et par un faux bonheur incessamment mis en avant, s'abaissant pour se faire relever, et furieuse d'être laissée à genoux ; pêchant, selon une expression anglaise, les compliments à la ligne et n'en prenant pas toujours ; ayant une toilette à la fois exagérée et peu soignée...» etc.

Il y a comme ça dans les livres des moments où le lecteur mis KO cesse de persifler. Admirable Balzac ! On lui pardonne tout.

Ses balourdises d'écriture par moments :

«La presqu'île du Croisic est bordée de roches granitiques dont les formes sont si singulièrement capricieuses, qu'elles ne peuvent être appréciées que par les voyageurs qui ont été mis à même d'établir des comparaisons entre ces grands spectacles de la nature sauvage.»

Son catholicisme cucul :

«...l'Église Romaine, si douce aux repentirs, si poétique avec les poètes, si naïve avec les enfants, si profonde et si mystérieuse pour les esprits inquiets et sauvages qu'ils y peuvent toujours creuser en satisfaisant toujours leurs insatiables curiosités...»

Son opinion sur la femme, faite pour se sacrifier à l'homme :

«La femme n'est égale à l'homme qu'en faisant de sa vie une continuelle offrande, comme celle de l'homme est une perpétuelle action.»

Point de vue banal à son époque, il est vrai. Et encore vivace, quoi qu'on dise, dans la nôtre...


Le jeune Calixte et Béatrix de Rochegude.
Il l'aime trop. Il va la jeter à l'eau.

*


Autre surprise perpétuelle : le livre mensuellement tiré au sort dans les abysses de ma bibliothèque, où les bouquins en attente se morfondent sur dix-huit rayons bien tassés. Le plus souvent, la main de Carole qui en tire un de l'oubli est une main heureuse.

Ce mois-ci, un très curieux ouvrage, Le langage des bêtes, aux éditions Garae/Hésiode, Centre d'anthropologie des sociétés rurales. Cette publication savante reprend et commente un recueil de mimologies, à savoir de formulettes rythmées et assonancées imitant les cris des animaux, recueillies en Occitanie et en Catalogne vers 1900 par Antonin Perbosc, instituteur et poète. La préface replace ces mimologies dans un contexte de contes populaires et de coutumes anciennes liés à la relation entre humains et animaux. Une relation très profonde. Témoin ce conte : un jeune homme sauve la vie d'un serpent qui lui donne en échange la connaissance du langage animal, mais attention : s'il la divulgue, il mourra. On apprend que si l'on trouve des œufs de coucou, il ne faut pas en parler près de la cheminée, «car le feu répète à l'air le secret qui passe ensuite à l'eau, à la terre et au serpent, partout présent comme un lien entre les éléments».

Il s'en passait des choses bizarres dans nos campagnes. Autour des oiseaux surtout, héros de cet ouvrage.

Ce qui m'enchante dans ce livre, c'est aussi sa position à l'égard du langage, résumée par le préfacier Daniel Fabre :

«Contre l'idée que le langage est une institution et que la nomination est arbitraire, Cratyle, dans le dialogue platonicien du même nom, affirme que la langue reflète ce qu'elle désigne, qu'entre le mot et la chose le lien n'est pas de pure convention.»

C'est exactement ce que je pense — non, ce que je ressens, de tout mon corps, de tous mes sens. Cratyle est ce qui m'a rendu Platon suspect à jamais.


*


Ce qui m'a fait acheter Le langage des bêtes naguère, c'est également son titre, qui faisait écho à un exercice de mes ateliers d'écriture. Je demande de traduire en mots des chants d'oiseaux en reprenant les mêmes sonorités. Exemple, le merle :


Dis-donc p'tit salaud t'as vu mon bec file vite

tu l'auras voulu 'spèce de goguelu je te pique sapristi


Ou bien :


Boudu que j'ai bu du whisky du kir oui oui

ah oui j'ai bu chérie j'ai fait la vie toute la nuit

la vie et pas pas qu'avec des filles et qu'est-ce qu'on a ri hi hi


Le merle de Perbosc, lui, dit ceci (en occitan, les oiseaux ne parlant pas français) :


Soi Miròi lo merlhe, acò me sufís.

Mon bec es d'òr fin que lusís

Ai dos elhons de paradís.

(Je suis Miroï le merle, ça me suffit.

Mon bec est d'or fin qui luit

J'ai deux yeux mignons de paradis)


À Chèvres ces jours-ci, tandis que nous dînons sur la terrasse, un merle s'en donne à cœur joie. Quel artiste ! Je l'écoute ébahi comme si c'était la première fois. Je me demande ce qu'il raconte, pourquoi ces variations infinies. Parfois je me hasarde à siffloter des réponses et nous dialoguons, puis il se tait brusquement. L'aurais-je injurié ? Ou massacré la syntaxe ?


Film d'animation de 4' (1958), un vrai bijou.
Et Le merle, de Norman Mc Laren, vous connaissez ?

*


À dos d'oiseau, Les étoiles brûlées, Sous les tambours du ciel, Pendant que vous dormez... Quels beaux titres. Ainsi se nomment les recueils d'un poète délicieux, aujourd'hui retourné dans l'ombre : Maurice Fombeure.

Je l'ai pratiqué autrefois, puis un peu délaissé. Loué soit Éric Dussert, qui dans Une forêt cachée l'exhume en compagnie de 156 autres défunts et me rafraîchit ainsi la mémoire. Je retrouve dans mon rayon poésie quatre volumes dudit Fombeure : deux en Poésie/Gallimard, publiés naguère, et deux de chez Gallimard collection blanche — ou plutôt collection jaunie, dans son mauvais papier d'après-guerre.

Fombeure fut prof de lettres au siècle dernier. Sa bonne bouille me rappelle ce cher M. Pinson, qui m'enseigna le français en 5e. Moi qui connais le poète par ses écrits et son nom fleurant bon la France paysanne, je l'imagine bien sympathique.

Il a certains côtés de Jean Follain, sans égaler son espèce de génie. Ses poèmes, pour la plupart, nous emmènent dans une province villageoise tranquille où l'on reconnaît son Poitou natal, pays perdu, paradis perdu, où quelques nuages de mélancolie font mieux ressortir encore les moments de bonheur, comme dans «Péniches» :


L'éclusier dort au frais des saules

Assommé de petit matin

Un oiseau siffle sur l'épaule

D'un arbre au sommeil incertain.


Péniche empennée de roseaux

Lourde ventrue comme galère,

Coule sur ces paisibles eaux

Loin des serpents de la colère, (...)


Vers la fille aux cheveux de beurre

Amoureuse du marinier

Je n'en dis pas plus, moi, Fombeure,

Je sais qu'ils vont se marier,


Et puis nicher sur la péniche

Dans la cabine aux volets clos,

Et goûter sans trêve ni triche

Ce que n'ont pas toujours les riches :

L'amour qui coule au fil de l'eau.


Lire ou relire ces poèmes pareils à des chansons d'autrefois, savamment naïfs, où affleurent parfois des mots oubliés (cicindèles, gluyons, potentille, involucre, cornecul...), ces poèmes frais et moelleux comme du bon pain, c'est doux comme des vacances chez des vieux parents de province bien-aimés.


De l'avantage d'être poète...
Avec une jeune poétesse.

*


On reste à la campagne, on remonte encore dans le passé, en compagnie des bergers d'Hésiode et de Virgile, puis d'un autre berger, cet homme vieux de 5000 ans retrouvé récemment dans les glaces, dont on va tâcher de comprendre la mort. Puis on passe à la photo d'une noce paysanne en 1913 où l'on s'attache à certains personnages. On scrute ensuite un tableau ancien, une Nativité italienne où l'on aperçoit quelques bergers. Titre général : Bergers d'Arcadie (Fata Morgana, 1995).

Trois textes vaguement reliés. Un petit livre de quarante pages à peine, et en même temps immense.

L'auteur ? Thierry Laget, que je découvre sur le tard et dont j'ai dit tant de bien le mois dernier. Il en est des lectures comme des concerts : on a été si transporté, parfois, qu'on n'a pas envie d'applaudir. Et commenter semble un peu dérisoire. Disons que Laget voyage avec la même aisance dans les profondeurs de l'âme humaine que dans celle du temps et que son écriture somptueuse, à la fois ample et vive, respire avec une allégresse contagieuse. Écoutons-le résumer l'histoire de l'humanité :

«On construisait des villes pour se protéger des forêts, des pyramides pour observer la lune de près, des bateaux pour explorer la mer. On allait sur les routes en écartant les ronces, rien ne nous résistait, rien ne nous effrayait, on découvrait des contrées enchantées.

Puis c'étaient des tumulus, des temples, des acropoles, des chapiteaux sculptés, des arcs de triomphe, des discours devant le Sénat, on changeait de calendrier toutes les cent lieues, on bâtissait des châteaux-forts, des cathédrales, des villas de plaisance. L'Histoire s'accélérait encore. On inventait la presse Stanhope, le vers libre, l'indice Dow Jones, la résonance magnétique nucléaire, le trou dans la couche d'ozone.»

On ne va pas s'en tenir là. Ce Laget, on n'a pas fini d'en parler ici.


«...la lèvre supérieure retroussée sur les dents, dans un rictus que sauraient seules interpréter les âmes de nos défunts.»
Ötzi, l'homme de Similaun.

*


«Jamais, même durant les étés de sa jeunesse, la vie ne lui avait paru aussi dénuée de pesanteur que depuis le début de cet été-là.»

De qui cette phrase ? Modiano bien sûr. Il suffit d'une phrase pour le reconnaître. Je trouve celle-ci dans le dernier roman dudit, Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier (Gallimard), que je lis avec six mois de retard, le temps que le battage nobélien retombe et qu'une lecture paisible soit possible à nouveau.

Aucun doute, on est chez Modiano : un homme vieillissant, solitaire, qui a des traits de l'auteur sans être lui, erre dans Paris et dans le passé à la recherche de personnes disparues et de lui-même. Il y a là trois couches de passé : les années 50 de l'enfance, les années 70, le présent vers 2010 et on s'y perd un peu, mais c'est la réalité entière que l'on perd, qui se dissout lentement, avec «la sensation que les autres s'éloignent peu à peu de vous», avec «tous ces gens [qui] s'étaient fondus dans la nature, en changeant de nom, de prénom, et de visage.» — le ballet de fantômes habituel. «Oui, tout avait la légèreté d'un rêve.»

Un vague malaise et des moments de vague douceur, une impression de vacance planante et en même temps de menace insidieuse, d'étouffement léger — tout cela parfaitement dosé par un virtuose au sommet de son art. Mais Modiano ne se contente pas de rejouer une partition connue par cœur, on sent qu'il tâtonne à chaque fois, qu'il avance pas à pas dans une direction un peu différente. Cette fois-ci par exemple il nous laisse devant une histoire inachevée, avec une désinvolture discrète, admirable.

Il faudra un jour étudier les noms de ses personnages, toujours parfaitement choisis, dans leur terne banalité (Roger Vincent, Colette Laurent) ou leur saveur insolite ou interlope (Jean Daragane, Guy Torstel, Gilles Ottolini, Jacques Perrin de Lara...). Et puis ce lieu tellement associé pour moi aux années 50, ce nom magique : Le Tremblay. Mon grand-père écoutant Radio-Luxembourg : «Demain, courses au Tremblay...» L'hippodrome au bord de la Marne, aujourd'hui disparu, encore un fantôme au nom envoûtant : Le Tremblay, comme le tremblé des phrases et des histoires de Modiano...

«Écrire un livre, c'était aussi, pour lui, lancer des appels de phares ou des signaux de morse à l'intention de certaines personnes dont il ignorait ce qu'elles étaient devenues.» Encore une phrase qui me touche en plein cœur. Parce que je suis dans le même cas lorsque j'écris. Parce qu'il y a des livres qui attirent à eux leur lecteur (Regarde comme je suis beau !), et d'autres, comme celui-là, qui vont vers leur lecteur, humblement, lui lançant des signaux qui clignotent.


Je le vois pour la première fois.
Feu Le Tremblay.

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Côté cinoche, encore un joli mois, d'une grande variété. Si L'étrange Mme X, avec Michèle Morgan, avant-dernier film de Jean Grémillon (1951), n'ajoute rien à sa gloire (sans lui retirer grand-chose non plus), Belleville Tokyo d'Élise Girard (2011) est une bonne surprise. Cette histoire de femme enceinte plaquée puis trompée par son mari (il lui dit être à Tokyo alors qu'il baise à Belleville), filmée avec un juste alliage de distance et d'empathie, nous ballotte entre rire et larmes avec finesse, et la cinéphilie galopante des personnages rend le film encore plus attachant.


Ils travaillent dans une salle d'art et d'essai.
Philippe Nahon, Valérie Donzelli, Jean-Christophe Bouvet.

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William Wyler, metteur en scène de lourdes machines hollywoodiennes à la Ben Hur, se convertit sur le tard à un cinéma plus léger. Grand bien lui fit. Tiré d'un roman de John Fowles apparemment excellent, L'obsédé (1965), huis-clos britannique et intimiste, où un psychopathe (Alan Bates) séquestre celle qu'il aime (Samantha Eggar) et finalement la trucide, nous enfonce progressivement dans l'horreur avec une sobre virtuosité qui fait mouche. Du coup on pardonne à Wyler ses navets d'avant — oui, même La loi du seigneur.


Souris et chat.
Eggar et Bates.

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Vers la même époque, le documentariste québécois Pierre Perrault tournait sur l'île aux Coudres, dans l'estuaire du Saint-Laurent, une trilogie qui allait faire date. Dans le premier film, Pour la suite du monde, on voit les gens de l'île faire renaître leur pêche traditionnelle, abandonnée une génération plus tôt. Et ce pour des raisons finalement moins commerciales que morales : «pour la suite du monde», dit superbement l'un d'eux : pour assurer la continuité, s'appuyer sur le passé pour préparer l'avenir. Le film n'est pas sous-titré, on comprend un mot sur trois, c'est rude mais je tiens jusqu'au bout, fasciné par la beauté des visages, la musique des accents et la noblesse des paroles que je devine.


La pêche elle-même, on la voit à peine.
Préparatifs de la pêche.

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Le film du mois ? Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence, dernier méfait du suédois Roy Andersson qui nous avait déjà bien secoués avec Nous, les vivants et A swedish love story. En pleine forme, Andersson. Il fait défiler, dans des décors beigeasses ou verdâtres, des spécimens d'humanité lamentables pour la plupart, embarqués dans des péripéties ahurissantes mais dérisoires sous l'œil implacable d'une caméra fixe, en une série de plans d'une lenteur et d'une précision vertigineuses. Certains, sortis déprimés de la projection, ont accusé le cinéaste de mépriser l'humanité. Je n'ai rien vu de tel, pour ma part, dans ce film beau comme la rencontre de Beckett et Tati, qui m'a plutôt laissé plutôt euphorique. Lucien Logette m'expliquerait peut-être pourquoi, lui qui signe un article épatant sur ce Pigeon dans la Quinzaine littéraire. Logette qui nous explique tout quand nous n'y pigeons rien. Heureuse Quinzaine qui tient là l'un des tout meilleurs critiques de cinéma français !


Tous les cadrages sont admirables.
Le fameux volatile.

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Bilan personnel du mois : pas assez lu, pas vu assez de films, pas assez traduit ni écrit. Comme tous les mois. Et la musique pareil, que je n'écoute jamais avec l'attention qu'elle mérite.

Ce mois-ci, deux messieurs pas vraiment dans le vent : Paul Dukas et Albert Roussel. Réécouté l'extraordinaire Sonate pour piano de Dukas sur Dailytube : le son est médiocre mais la partition qui défile sur l'écran fait mieux sentir la complexité de l'écriture et la virtuosité de l'exécution, toutes deux effarantes. Comme c'est simple d'écrire avec des mots, à côté de ça ! Comme on se sent petit !

Roussel m'ennuyait un peu jusqu'ici, c'est ma faute. J'entends aujourd'hui comme si c'était la première fois sa Deuxième symphonie, la plus audacieuse et inventive des quatre, qui fut boudée par le public évidemment. Je découvre le Concerto pour petit orchestre, la Petite suite pour orchestre, le Concerto pour piano, tous bourrés de d'harmonies, de timbres, de rythmes et d'enchaînements délicieux. À ses mouvements rapides un peu trop boum-boum-rentre-dedans parfois — c'est le jeu, ils sont faits pour épater la galerie —, je préfère ses mouvements lents, souvent plus intimes, chez lui comme chez les autres, à la fois plus calmes et plus aventureux, avançant pas à pas sur des chemins nouveaux.


Pas loupée, la photo.
Albert Roussel.

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En juillet, ceux qui n'aiment ni Balzac, ni Brasillach, ni Laget, ni Géraud, ni Volodine, ni Lutz, ni Chase, ni même Rabiniaux, pourront se mettre en vacances de volkovitch.com.












SITATIONS

Savez-vous de qui sont ces phrases ?

(réponse sur le numéro de la citation...)


1


Les hommes, c'est comme les pommes : quand on les entasse, ça pourrit.



2


Pour beaucoup de niais vaniteux que la vie déçoit, la famille reste une institution nécessaire, puisqu'elle met à leur disposition, et comme à portée de la main, un petit nombre d'êtres faibles, que le plus lâche peut effrayer.



3


Entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.








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