PAGES D'ÉCRITURE

N°41 Février 2007



BRÈVES


Recenser mes récentes lectures me donne le tournis. Non que j'aie passé beaucoup de temps à lire ces derniers temps, mais quel hétéroclisme ! quelle bricabracquitude ! Mais aussi, comment ne pas papillonner face à une telle variété d'ouvrages, de genres, de supports anciens et nouveaux ?


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Des bons gros bouquins à l'ancienne, ce mois-ci, je ne m'en serai offert qu'un : celui d'Alain Fleischer.

Cet homme a pratiquement mon âge, a fréquenté le même lycée, mais là s'arrête la ressemblance — hélas : mes séjours linguistiques anglais à moi furent plutôt calmes, alors que le jeune Fleischer vécut là bas, à peine pubère, une passion frénétique avec une fille de vingt ans ! Divinement belle en plus ! C'est du moins ce qu'il raconte dans L'amant en culottes courtes (Seuil), sous-titré roman comme tout texte de prose aujourd'hui, mode oblige, mais qualifié de «strictement autobiographique».

Lu cette histoire pour voir ce qu'ont dans le ventre les livres dont causent les gazettes (celui-ci n'a pas peu émoustillé divers jurys d'automne), et aussi pour me rincer l'œil avec des scènes de cul qu'on promettait assez raides.

«Longtemps, j'ai porté des culottes courtes...» attaque Fleischer proustiennement, et Proust va rester présent tout au long du livre, dans la complexité de l'analyse d'abord et la longueur des phrases concomitante. Patronage à vrai dire écrasant : Alain n'est tout de même pas Marcel et son affriolante histoire, essentiellement narrative et descriptive, manque nettement d'arrière-plans — les jeunes filles en fleurs sans la madeleine, pas de Recherche et question temps perdu, Dieu sait qu'on en perd, du temps, dans cet énorme volume. Notre homme est l'un de ces pisseurs de copie compulsionnels qui étouffent leur talent et le lecteur avec. Ce qui aurait pu donner une délicieuse novella de 60 pages devient un monstre dix fois plus gros, où quelques bijoux — justes notations, jolies métaphores, formules délicieuses, presque trop, qu'est-ce que c'est bien écrit ! — se noient dans la mauvaise graisse. J'ai eu beau diagonaliser, sautant lestement d'une scène de baise à l'autre, j'avoue m'être ennuyé, un comble ! pendant que le jeune priape régalait la belle successivement par tous les trous. C'est sans doute une vilaine jalousie qui me rend grognon, moi qui n'ai jamais fort niqué outre-Manche, encore moins à treize ans, mais j'ai trouvé tout cela moins bandant que prévu — à part le truc de la p.432, hé hé, pas mal pour son âge... M'ont gêné aussi la complaisance, l'autosatisfaction du jeune séducteur — mais comment raconter ses conquêtes sans paraître fat ? —, et surtout l'inconsistance de l'histoire. Vraie ou fausse, peu importe : on n'a pas envie d'y croire. Elle a autant d'épaisseur qu'un fantasme adolescent. Sur quelques pages, c'eût été moins gênant ; mais seuls les livres longs goncourent pour les prix...

Tant que j'y suis : m'a contrarié aussi, dans ce livre très grand écrivain, l'usage erratique, d'une confondante maladresse, que fait l'auteur du passé simple et du passé composé. Apparemment, cela n'aura gêné que moi...


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Abouti, accompli... angoissé, anxieux... persuader, convaincre... vélo, bicyclette... Vous connaissez la différence ?

Moi, pas vraiment, c'est pourquoi je me suis jeté sur Un bouquin n'est pas un livre, de Rémi Bertrand, en Points/Seuil, dans la nouvelle collection Le goût des mots. Encore un livre à l'ancienne, exercice de synonymologie, hommage aux subtilités de notre langue. Eh bien je ne regrette pas. Ces portraits de mots m'ont le plus souvent épaté par leur érudition, leur finesse et surtout leurs formules bien frappées conclues par des chutes brillantes. Cet homme appartient au sérail. C'est grandiose comme les cours de philo d'Albert Grondan jadis en khâgne !

Sans doute. Et parfois aussi — comme les envolées de feu Grondan — plus clinquant que solide. Les mots, trop sollicités, cessent de galoper librement pour se figer tels des chevaux de cirque dans des postures artificielles. De jolies réussites (abus / excès, besoin / envie, content / satisfait...) côtoient quelques ratages profonds (épouse / femme, humble / modeste...) Et quand on lit, par exemple, «Penser, cela pourrait signifier confronter ses idées à soi-même ; réfléchir, les confronter au monde», on se dit que c'est beau comme l'antique, mais qui parmi nous fait ces distinctions ? Nous montre-t-on ici la langue telle qu'elle est, ou telle qu'elle devrait être ?


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Une presse amicale et un titre habile m'ont dirigé, dans la même collection du Seuil, sur Que faire des crétins ?, recueil de perles dues à Pierre Larousse dans son dictionnaire, dénichées par Pierre Enckell. En effet, c'est gratiné... Pour se limiter aux arts, sachez qu'on respire dans les romans de Balzac «un air vicié, chargé d'émanations nauséabondes» ; Wagner est accusé de «dérouter l'oreille à l'aide de formules algébriques plus ou moins bizarres» ; Bizet a rompu «avec ce qu'on regardait jusqu'ici comme les traditions du goût, la satisfaction de l'oreille, l'harmonie» etc. etc. Enckell le souligne, la présente compilation est moins le portrait de Pierre Larousse que celui de son époque, dont il fut le porte-parole et qu'on découvre sous son jour le plus triste : ignorance, crédulité, arrogance, racisme, conservatisme imbécile...

On sort de là plutôt accablé. On a souri moins que prévu (les bourdes vraiment frappantes sont rares) ; surtout, on se demande lequel de nos bons auteurs sortirait intact de cette épreuve du worst of, tous ayant proféré des horreurs, pudiquement dissimulées ensuite par leurs fidèles ; on se dit surtout que dans cent ans, aux yeux de nos descendants, nous-mêmes serons odieux, ridicules, tous, plus ou moins — pas seulement Finkielkraut et Fukuyama...


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«Tout crétin, décrète M. Larousse, doit être transporté dans une autre contrée et là être soumis à une surveillance continuelle...»

Georges Picard, notre contemporain, a de l'humanité une vision moins méprisante et rigide ; son nouveau livre s'intitule Tout le monde devrait écrire. Donc les crétins aussi, j'imagine. Certains ne se le font pas dire.

Cet essai (non qualifié de roman !) paraît chez José Corti. De son auteur, j'avais lu naguère un texte d'humour zinzin qui m'avait laissé de marbre au point de l'oublier totalement. Son nouveau livre m'a séduit par son titre et l'idée-force énoncée dès le début : «Peut-être publie-t-on trop, mais il n'est pas sûr que l'on écrive suffisamment.» L'écriture personnelle, professionnelle ou non ; l'écriture comme refuge mais ouverture au monde, comme détente mais discipline, j'y crois profondément, je la souhaite à chacun de nous. Dommage que Picard dévie un peu de son sujet pour évoquer ses problèmes d'écrivain confirmé ; dommage qu'il enfonce au passage quelques portes ouvertes, mais c'est là le lot de tout essayiste : les meilleurs d'entre eux ont-ils plus de deux ou trois idées neuves par livre ? On leur demande seulement de les délayer habilement, élégamment, ce qui est le cas ici. L'auteur stimule son lecteur qui n'arrête pas de cocher des passages, de noter des réflexions, tantôt approuvant, tantôt râlant, et chemin faisant l'envie d'écrire s'éveille, ou se réveille. Les meilleurs livres sont-ils les bons livres, ou ceux qui rendront bons les nôtres ? N'y a-t-il pas, parmi les livres aussi, des génies qui font de piètres professeurs, et des artistes moyens qui se révèlent d'excellents pédagogues ?


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Pour me bercer de l'illusion qu'il me reste un peu de curiosité intellectuelle, acheté Ars grammatica de David Bessis, chez Allia. Un titre au xème degré, à faire fuir — au point d'attirer les curieux —, patience, on va comprendre. On ouvre : wow ! original ! audacieux ! Pas de texte, mais 72 pages, ou plutôt planches, composées de mots dans des bulles reliés par des lignes. L'ensemble raconte (peut-être) une histoire, mais c'est à moi de la fabriquer, après avoir formé les phrases à peine suggérées par les mots jetés sur la page. La grammaire évoquée par le titre, c'est donc au lecteur de l'apporter.

On se dit que voilà une expérience passionnante — en se demandant si elle va ouvrir des portes, ou se refermer sur elle-même une fois l'idée dûment explorée. On lit, c'est vite fait, il y a là des trouvailles, de l'humour, des private jokes intellos, une tranche de sexe pour les amateurs (pp.18-23), et puis, comment dire... Non, on ne regrette pas vraiment de s'être offert pour 6 euros ce beau petit objet malin, on va pouvoir en causer, frimer en société, mais on ne voit pas trop ou mène l'entreprise. Passé l'effet de surprise, que nous reste-t-il ? Qu'a-t-on appris ? Qu'a-t-on vécu ? Sans doute ce livre vaut-il ce que vaut son lecteur, et n'a-t-on point en soi assez d'ars pour faire du gadget branché un chef-d'œuvre...


Doit-on le felliciter ?
Gadget branché, p.67

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Comment, tout un mois sans vrai plaisir de lecture ? Serais-je devenu ronchon, tatillon, méprisant ? Vite, courons chercher le plaisir où nous savons le trouver. Un petit coup de Pajak ?

Frédéric Pajak écrit aussi des romans traditionnels, mais il est avant tout pour moi l'inventeur d'un nouveau genre, où image et texte dialoguent à chaque page. J'ai aimé L'immense solitude et Mélancolie, j'aimerai sûrement la suite, avec Pajak c'est toujours pareil, il va encore me parler de lui et de ses maîtres en idées noires, Nietzsche en tête. Gagné ! J'entends des voix (Gallimard) revient sur les tristesses de l'auteur et de ses proches et revoici tonton Friedrich, mais le ressassement pajakien est un délice plein de surprises, tout en ruptures, en virages, en retours — mouvement narratif inimitable, effiloché en courts récits, libres et souples variations sur la basse obstinée d'un noir chagrin. Ce livre si soigné, où le contrepoint texte-image n'a jamais été si riche, a en même temps le charme nonchalant des lettres anciennes, écrites au courant de l'humeur, ou de ces infinies conversations nocturnes où le temps suspend son cours.

Le dessinateur Gébé (Hara-Kiri, Charlie-Hebdo), qui mit le pied du jeune homme à l'étrier, fait là une brève apparition. Gébé, l'auteur de l'émouvant Une plume pour Clovis...


Il enterre des cadavres...
Idées noires dès l'enfance.

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Patrick Bouvet ne m'a encore jamais déçu, lui non plus. Son travail sur les images et les sons, qui ont pour lui précédé l'écriture, donne à ses textes d'une extrême brièveté, comme ceux du dernier Beckett, une incroyable présence musicale, picturale, cinétique. Frappé naguère par son premier livre, In situ (cf. PAGES D'ÉCRITURE 3), je le retrouve avec le petit dernier, Canons, toujours à l'Olivier. 80 pages, trois femmes, une qui lit des magazines, deux qui se montrent sur scène ou à une caméra, femmes esclaves des images, femmes réduites à des images, scènes qui parfois se chevauchent, s'emmêlent, tout un jeu de reprises obsédantes, un tournoiement de kaléidoscope et l'impression d'être ballotté jusque tout près du cœur des choses. La voix de Patrick Bouvet est d'ores et déjà irremplaçable.


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Autre plaisir : un volume, épais celui-là, Matière à rire (Olivier Orban), regroupant tous les sketches de Raymond Devos. Une masse de textes — non, d'objets sonores, qui ont accompagné toute notre vie, portés par la voix familière qu'en lisant on entend, vociférante, comme si l'artiste était encore là. Je ne l'ai vu qu'une fois, Devos, dans une salle perdue de grande banlieue il y a vingt ans, et j'en reste ébloui. Sur le papier aussi ses textes tiennent drôlement le coup. Même que le perpétuel jeu sur les mots qui les anime est une formidable école de sensibilité au langage, par quoi commence tout apprentissage de la lecture et de l'écriture. N'en déplaise aux pisse-froid qui arrosent les jeux verbaux de leur dédain, on devrait lire du Devos comme on fait sa gym quotidienne.


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Pour lire ce genre de textes brefs, par petites doses, le lieu idéal ? Les toilettes ! Ma maison en ayant plusieurs, je m'attarde sans gêner personne. Quant à ma gym, depuis quelques jours, elle est rythmée par un autre objet sonore aux vertus dynamisantes...

Voici, dans son gros coffret, un trésor d'enfance qu'on navet cru à jamais englouti ! Des oreilles pieuses ont ressuscité sur CD l'inoubliable feuilleton de Pierre Dac et Francis Blanche, Signé Furax ! Nous l'écoutions chaque soir au dîner sur Europe1, et la France entière, comme nous rivée au poste, en oubliait de mâcher...

Back to the fifties !

Chaviro ! Rotantacha ! Chamipataro ! Rogriapatacha !

Allez, tous en chœur, volkonautes du troisième âge :


Tout le monde il pue, il sent la charogne

Ya que le Grand Babu qui sent l'eau de cologne

Tout le monde il pue il fait mal au cœur

Y a que le Grand Babu qu'a la bonne odeur...


Je ne dirais pas que tout, dans l'ahurissante épopée, méritait de survivre, mais le texte abonde en trouvailles d'une poésie exquise (ah ! les injures de l'immonde Klakmuf !), les calembours fusent comme des pétards et les musiques, grandioses ou guillerettes, ont un charme quinquagénaire irrésistible. (De qui la mise en ondes ? Pierre-Arnaud de Chassy-Poulay, voyons !) Il y a enfin les voix, gravées dans mon oreille, retrouvées intactes, celle surtout de Jean-Marie Amato. Son Asti Spumante est un régal, son Furax est prodigieux. Jamais aucune voix n'a eu sur moi un tel pouvoir.

Jean-Marie Amato, comédien génial, est mort en 1961, à trente-cinq ans, suicidé.


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Signé Furax m'attendait depuis des années dans ma bibliothèque d'attente sous forme de livres, et voilà que je l'écoute au lieu de le lire. Des centaines de volumes font également tapisserie tandis que je valse d'un site à l'autre sur mon Mac. Le livre, menacé de partout ?

Pas forcément. La Toile, par exemple, peut nous aider à lire. Cette immense poubelle, comme toutes les poubelles, cache des trésors. Tombé sur l'un d'eux par hasard en cherchant les traces d'un auteur, Paul Berna, dont seuls se souviennent quelques vieux gamins dans mon genre. Le cheval sans tête, Le piano à bretelle, Le carrefour de la pie, La grande alerte et tant d'autres... La collection Rouge-et-or de mon enfance...

Un blog fait revivre ces merveilles avec une précision, une justesse, une sympathie délectables. Je ne sais rien de l'auteur, Didier Delaborde, sauf qu'il est incollable en livres pour la jeunesse. Son blog ingirum.blogspirit.com (dommage qu'il ne s'offre pas le confort et la souplesse d'un vrai site !) est une mine d'or, un paradis pour lecteurs curieux. On n'y rencontre pas seulement les auteurs dits pour la jeunesse (belles pages sur les albums géniaux de Maurice Sendak et Chris Van Allsburg, hommage à notre bon vieux Pierre Véry...) : cet homme précieux a des goûts remarquablement variés, souvent proches des miens, il vénère André Hardellet, est un fan de Genette et Frédéric Pajak, se régale des bédés de Davodeau... Je retournerai souvent sur ingirum à la pêche aux découvertes.

Les visiteurs feront bien de cliquer sur les noms les moins connus : Ernestine Chasseboeuf est un fameux numéro, et quant à Edy-Legrand, son album de 1919, dessiné à dix-huit ans, reproduit intégralement, est d'une fraîcheur et d'une splendeur étonnantes.


Totalement épuisé, bien sûr.
Edy-Legrand, Macao et Cosmage.

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Surprises d'Internet (suite). Un collègue me conseille d'être enfin sérieux, de délaisser mes pensées frivoles pour fréquenter l'édifiant site de la PEEP — vous savez, l'association de parents d'élèves qui défend les bonnes vieilles valeurs traditionnelles.

Je tapote peep.fr et que vois-je !

Jésus Marie Joseph, qui l'eût cru ? À qui se fier désormais ?


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Laissons un peu Internet et descendons au jardin, où Anne Ribes nous appelle. Son livre, Toucher la terre (Médicis), nous raconte comment cette infirmière est devenue jardinothérapeute, ayant compris et mis en pratique ce que certains d'entre nous savent intuitivement : la présence d'un jardin, et mieux encore le jardinage, peuvent soigner bien des blessures mentales.

Anne Ribes met la binette et l'arrosoir entre les mains d'enfants autistes ou de vieillards, elle se bat, au sein de son association Belles Plantes (www.bellesplantes.info), pour installer des bouts de jardin dans les hôpitaux. Et ça marche. Le contact avec les plantes, si apaisant, renoue peu à peu le lien entre l'être coupé du monde et les autres humains. La lecture de Toucher la terre elle-même, tout imprégnée de sagesse bouddhiste, apaise déjà profondément...


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Dans mon jardin à moi, le magnolia s'est couvert de bourgeons en décembre. Faut-il se réjouir de cet hiver doucereux et mollasson, ou voir en lui le résultat de la folie des hommes ? Certes, il existe encore des négationnistes de l'effet de serre — scientifiques payés par on ne sait trop quels industriels, quels ministres mentant Allègrement pour faire parler d'eux...

Certains reconnaissent l'existence de l'effet de serre, mais l'attribuent... aux pets des vaches.

Une seule consolation dans cette lamentable histoire : naguère, les écolos criant au danger passaient pour des gamins ignorants, tandis que politiciens et industriels détenaient la science et la sagesse ; or voici les rôles inversés, les écolos devenus vieux sages, les puissants de ce monde, Mr Bush en tête, montrés enfin sous leur vraie nature d'ados arrogants, irresponsables et suicidaires.


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À Chèvres, quoi de neuf ?

Un grand chévrien est mort : Jean-Pierre Vernant, homme remarquable, philosophe, anthropologue, helléniste, militant de gauche sans reproche. Je l'avais entendu au lycée, en 2003, exposer de façon lumineuse le mythe de Pandore aux lycéens, à l'âge de quatre-vingt-dix ans.

Certains veulent donner son nom à notre lycée — lequel n'en a jamais eu, échappant par miracle à l'épidémie qui souille nos villes et nos banlieues, tous ces Roger-Salengro, ces Paul-Vaillant-Couturier, ces Maréchaux-de-Lattre-de-Tassigny noyant sous leur béton les rues des Bois et des Fontaines d'autrefois, et dont plus personne ne sait quels héros ou quels salauds ils furent.

Le maire actuel (droitier) et l'ancien (gaucher) votent Vernant main dans la main ; certains de tous côtés résistent ; les socialistes locaux s'empoignent ; l'un d'eux propose que le lycée porte aussi le nom de Mme Vernant, qui enseigna chez nous jadis ! No comment... J'ai proposé, pour faire diversion, que le grand homme donne son nom à la salle de conférences où il brilla. Je ne me fais guère d'illusions. La machine est en marche. Mon vieux bahut, cette fois c'est cuit... Mais ne baissons pas les bras, camarades ! Luttons du moins pour que Chèvres ne devienne pas Vernanville !


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Volkonautes patients qui avez subi jusqu'au bout mon verbiage, vous serez récompensés : voici, en exclusivité mondiale, les deux couvertures auxquelles mes Coups de langue, parus ce mois-ci, ont échappé ! C'est Maurice Nadeau lui-même qui a choisi. L'intéressante jeune personne lui a semblé induire le lecteur en erreur, sinon en tentation...

Ces trois couvertures, quant à moi, je les aime autant. Sans prétendre à l'objectivité absolue (toutes les trois sont l'œuvre de Carole), je les trouve de loin supérieures à ce qui recouvre le Zatèli que je viens de publier... Mais combien sont-ils, les éditeurs qui laissent à l'auteur ou au traducteur le soin de faire la maquette ?

Je n'en connais qu'un. Le meilleur de tous.


Dommage... Dommage...
Les deux refusées.

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En mars, on parlera des cinq saisons, du Septième art, des trois bulletins trimestriels, de la deuxième guerre mondiale dans la deuxième ville de Grèce où deux adolescents s'aimeront entre quat'zyeux. On lira quelques livres de première bourre, et d'autres à 4.95...








SITATIONS

Savez-vous de qui sont ces phrases ?

(réponse sur le numéro de la citation...)


1


Le remède qui vous guérirait, ce serait être guéri déjà que de vouloir y recourir.



2


Ceux qui sont «bien pensants» parce qu'ils ne peuvent pas être «pensants» tout court.



3


Une mauvaise herbe est une plante dont on n'a pas encore découvert les vertus.



4


Il y a souvent plus d'angoisse à attendre un plaisir qu'à subir une peine.








L'HOROSCOPE DES LECTRICES


POISSONS du 19 février au 20 mars


Poissonnes si influençables, cessez de lire votre horoscope. Ou faites le contraire de ce qu'il vous suggère.

Ce mois s'annonce profitable pour vous, à condition de ne pas gaspiller votre temps. Lisez le soir, lisez le matin, lisez dans les transports — en commun ou même amoureux si votre partenaire manque d'inspiration.

Sentez-vous en lisant comme un poisson dans l'eau.

Lisez Virginia Woolf, relisez-la, si possible en V.O. Évitez les traductions de Marguerite Yourcenar — ou comparez-les aux autres, vous verrez. Ah ! Mrs Dalloway... La promenade du phare... Les vagues...



Poissons
Intérieur avec une jeune fille de Peter Ilsted.
Tiré de Les femmes qui lisent sont dangereuses,
de Laure Adler et Stefan Bollmann (Flammarion).

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