PAGES D'ÉCRITURE
N°12 Août 2004
Début juillet, nous partions sac au dos, elle et moi. Pendant vingt-cinq ans, par intermittences, nous avons exploré à peu près tout le Massif Central, les Préalpes de Digne, le Mercantour, le Queyras, un bout de Pyrénées, le Morvan. Mille paysages, mille souvenirs se mélangent. L'un de ceux-ci, pourtant minuscule, s'est incrusté plus profondément que les autres.
Auvergne, début des années 70. Nous dormons dans une grange entre deux tas de foin. La journée fut longue et chaude. Plusieurs fois dans la nuit je suis réveillé par la soif. Mes jambes, mon dos, tout mon corps baignent dans une lourdeur très douce. La gourde est posée près de moi. L'eau, divinement fraîche, a un goût de pierre et de métal. Quelques gorgées, puis la rivière du sommeil.
L'été vaudrait-il la peine sans ce bonheur de boire ? Y a-t-il plaisir plus élémentaire, plus total ? Non, je n'évoquerai pas ici les petites bières et autres raffinements faciles : je chante la vraie soif, et l'eau, son vrai remède. La pureté de l'eau, qui est le contraire de l'absence de saveur. Le petit goût de l'eau révèle son essence, comme le faisait si bien celui, basalto-ferrugineux, de ma gourde : l'eau est purement minérale. Rien d'animal, de végétal en elle. La donneuse de vie par excellence est ce que nous absorbons de moins vivant.
Il ne faudrait que boire. Manger, c'est broyer, s'approprier : acte violent, presque cannibale. Boire, au contraire, quelle harmonie, l'eau entre en moi inchangée, je l'accueille et m'y soumets, je la sens m'inonder, m'irriguer dans mes moindres cellules, je ne sais plus qui d'elle ou de moi contient l'autre.
Manger a quelque chose de sale, gluant, et même, en fin de parcours, malodorant ... Mais en buvant on se lave. Il faudrait toujours boire en abondance, un litre d'un coup, toute la gourde, pour mieux suivre l'eau dans le corps, puis l'admirer jaillir aussi limpide qu'à l'entrée.
Pendant tout le voyage la gourde est un objet précieux. Après, ce n'est plus qu'un machin cabossé qui donne à l'eau un goût de caoutchouc. On le balance dans le haut du placard. Pendant l'année je n'y boirais pour rien au monde, même après des heures de course. L'eau elle-même, la première soif étanchée, cède la place aux jus de fruits, aux boissons doucereuses. On redevient chichiteux comme avant. Pureté perdue.
(Journal infime, 1999)
Lisant, juste après Si par une nuit d'hiver... de Calvino, le dernier Modiano, Des inconnues, je félicite le hasard (sans croire en lui) d'avoir ainsi rapproché pour moi deux livres si exemplairement opposés. J'espère en parler ici sans les juger — n'ayant d'ailleurs aucune préférence.
Le Calvino représente pour moi ces livres pleins, d'une évidente richesse, admirablement construits, articulés, précis, débordants d'invention, d'intelligence, vous laissant aussi comblé qu'épuisé, hors d'état de les commenter — eux-mêmes l'ont déjà fait. Modiano, au contraire, c'est le vide. Peu d'histoire, peu de mots, rien que du flou, de l'incertain. On n'a pas grand-chose à en dire. (L'auteur non plus, à ce qu'il paraît.) Mais tout ce vide nous attire sournoisement, comme un appel d'air, jusqu'au cœur du livre. En lisant le troisième récit des Inconnues, où une jeune femme solitaire est peu à peu attirée dans une espèce de secte aux personnages ambigus (séduisants ou minables ? paumés ou manipulateurs ? bienfaisants ou dangereux ?), à peine esquissés mais d'une présence aussi obsédante, en fin de compte, que les figures minutieusement détaillées de Balzac, j'ai l'impression que cette histoire évoque aussi, en filigrane, celle du lecteur pris au piège. Un livre de Modiano est une toile d'araignée — dont l'ouvrière serait moins dévoreuse qu'engluée avec ses victimes.
Cette image du piège est incomplète : Modiano en même temps me libère. J'ai avalé Si par une nuit d'hiver... d'un trait, dans la plus grande concentration, toute envie d'écriture en sommeil ; chez Modiano au contraire, ma rêverie s'évade par les trous de l'histoire, le désir d'écrire se réveille.
Dora Bruder. Un point extrême. Dora Bruder a existé, elle a disparu dans les camps, très jeune, en 43. Modiano cherche ses traces. Il raconte avec la plus totale simplicité les maigres péripéties de son enquête. De Dora Bruder on ne sait à peu près rien. Ce rien est la matière du récit, le livre en est rempli, tendu, comme un dirigeable par le gaz. Le Paris d'aujourd'hui, hanté, perd sa substance, Dora Bruder et les autres fantômes occupent tout l'espace. Et moi lecteur, au bout du voyage, moi aussi je ne suis plus qu'une ombre, comme tous ceux qui se mettent à écrire.
(Journal infime, 1999)
«...the excitement of the elm trees rising and falling, rising and falling...»
Virginia Woolf, Mrs Dalloway.
«...car ces ormes qui tombaient puis se redressaient, tombaient, se redressaient encore...» (Traduction A, vers 1930.)
«...l'agitation des ormes qui montaient et retombaient, montaient et retombaient...» (Traduction B, années 90.)
«...l'excitation de voir les ormes monter et descendre, monter et descendre...» (Traduction C, 2000.)
L'énergie souple de «rising and falling», l'effet de balancement produit par le redoublement, tout cela est perdu par A., à cause du «puis» qui ralentit, du «encore» qui délaie, et du gommage de la répétition (répéter, à l'époque, cela passait pour manquer d'élégance...).
Je ne sais si B. a vu juste sur «excitement», mais qu'importe : l'essentiel, c'est que le mouvement (à mon avis) est mieux rendu chez elle que chez C. : comparé à l'infinitif, le présent est plus dynamique, les verbes choisis riment comme les deux «-ing», et le «et» s'enchaîne mieux avec le «-aient» que chez C., ou le hiatus [é-é] contribue à freiner l'allure. La version B. est du cinéma, celle de C. plutôt de la photo...
Je me demande si l'on ne pourrait pas, tant qu'on y est, couper les «et» : «...qui montaient, retombaient, montaient, retombaient...» Le geste serait plus dépouillé encore, obsédant, menaçant, désespérant, ce qui serait assez bien en situation — mais aussi plus sec, moins généreux, moins chargé en beauté, alors que Woolf continue ainsi : «with all their leaves alight...»
Les derniers mots, si violemment émouvants :
«For there she was».
Quatre monosyllabes, dépouillement absolu, au bord du silence. Adoration, contemplation presque sans voix. Clarissa devenant déesse inaccessible.
C, avec un souci de précision universitaire, essaie de traduire en détail le sens, et en particulier la valeur emphatique de l'inversion. «Et justement, elle était là.» J'en suis gêné. Ce n'est même pas exact. Woolf n'a pas seulement voulu dire : «Tiens, tiens, comme ça tombe bien !»
«Et elle était là». Grâce à ce «et», qui n'est pas littéral, B. réussit à dire en en une seule syllabe la même chose que C., de façon plus discrète et aussi plus forte. Rythme un peu bancal, mais on peut arranger à la lecture en liant vite «Et elle». Peut-être y a-t-il trop de [é] ?
J'aime beaucoup la version de A, qui se rattrape in extremis :
«Elle était là.» On a gardé le rythme original qui (pour une fois) a la même valeur dans les deux langues : étale, apaisé, point d'orgue. Le «for» a sauté ? So what ?
«But he would not go mad. He would shut his eyes ; he would see no more.»
«...Mais il ne voulait pas devenir fou. Il allait fermer les yeux. Il ne regarderait plus.» (A)
«...Mais il ne voulait pas devenir fou. Il allait fermer les yeux ; il ne verrait plus rien.» (B)
«Mais il ne voulait pas devenir fou. Il allait fermer les yeux. Il ne verrait plus rien.» (C)
Ce «Il ne voulait pas» unanime et indiscutable, pourquoi me laisse-t-il vaguement insatisfait ? D'accord, ce «would»-là exprime la volonté au moins autant que le futur dans le passé. Seulement la volonté, l'obstination est dite aussi par des moyens sonores, par la répétition opiniâtre des trois «would». En traduisant «Mais il ne deviendrait pas fou. Il fermerait les yeux ; il ne verrait plus», on atténuerait un peu la volonté, sans doute, bien qu'elle soit sous-entendue, mais le mouvement de la phrase, plus resserrée, plus martelée, deviendrait plus volontaire.
Oui, mais si je ne traduis pas par «vouloir», le digne angliciste qui me lit va me traiter d'ignorant ! C'est ainsi qu'on hésite, et c'est plus fréquent qu'on ne croit, par pure lâcheté, devant une solution juste sans doute, mais qui a l'apparence de l'erreur...
Comment me suis-je trouvé dans ces forêts
entre les ombres, humaines absences,
elles échappent à la fixité implacable
et m'accompagnent — étant ce qui demeure
quand la mort elle-même est passée
sans fantômes, sans ballets d'esprits
des ombres me suivent rien que des ombres
étrangement bucolique je traverse la rêverie,
des caprices végétaux se ramifient alentour
frissons, déesses des lieux déserts, et les sentiers
s'effacent en arrivant vers les eaux
qui s'élancent abruptes et s'en vont
et je m'arrête au bord de la rivière
paysage de Baptême
tout y est (comme sur une image)
grands buissons noirs, lueurs tombées du ciel,
rochers, cascades, truites et têtards,
et même la colombe (une blanche)
une seule, voletant
et même la voix (celle de mon père)
semble près de se faire entendre
et je ne sais si je suis
celui qui reçoit, qui doit se dévêtir
ou celui qui donne et se doit d'attendre
et je deviens alors mon propre Baptiste
sans mes habits je m'enfonce et j'émerge
au milieu du bassin
j'ai froid, frissonne et déjà ressors
seul aux clairières
où je crois n'avoir plus de nom
destin de qui doit mourir en croix
et je me dis, enfin, je suis une voix qui clame
mais nul après moi ne vient
pourquoi serais-je décapité
j'attaque la montée, léger, attentif
au signe de la montagne
et je suis invisible, imperceptible
telle une fleur, une pierre
ou toute chose que je n'ai plus à nommer.
(En regardant les forêts)
(réponse sur le numéro de la citation...)
...le pouvoir de la métrique et de la rime, qui est de rendre pour ainsi dire fatale une pensée, comme si elle venait de plus haut que celui qui l'exprime.
La poésie est ce qui reste quand on enlève la prose. La poésie est la prose simplifiée. La plupart des gens, quand ils veulent «faire poétique», ajoutent quelque chose à leur prose, et c'est catastrophique.
Et l'on ne compte plus les livres perdus avant que de naître pour avoir oublié que la littérature n'a quelque chance de devenir mémorable que par l'oubli conscient et constant d'elle-même.
On ne tient à cheval que si on regarde ailleurs, on n'écrit bien que si on a de plus hauts soucis.
Cet amour de la poésie passait naturellement par les livres, mais c'était comme le regard passe par une lucarne pour découvrir le ciel, la mer, les corps vivants...
Pas de vacances pour volkovitch.com ! Même au plus creux de l'été, il doit tout de même bien rester quelques volkonautes sur la Toile. Voici pour eux les nouveautés du mois d'août :
— PAGES D'ÉCRITURE n°12 ;
— «Envolées», tiré de Transports solitaires, inaugurant une nouvelle rubrique, SLUMBERLAND.
— une virée athénienne dans ELLE, MA GRÈCE ;
— quelques poèmes de Nìkos Kavvadìas dans MADE IN GREECE ;
— des pubs en tous genres, destinées à satisfaire tous les goûts de ma clientèle — même les plus déplorables...
On fait tout un plat de certains lieux chauds, Palestine, Irak, Tchétchénie, mais connaissez-vous la tragédie qui couve chez nous ? L'atroce menace qui plane sur nos avocats bien-aimés ?
Les avocats, comme les coureurs cyclistes, ont droit à toute ma compassion. Parfois forcés d'accepter l'argent de crapules pour les soustraire à un juste châtiment, souvent contraints à l'entourloupe et au mensonge, et du même coup taraudés sans fin (j'imagine) par leur conscience, les avocats méritent ménagements et dédommagements. Or voici qu'on leur offre... un déménagement ! Le transfert du Palais de justice dans le quartier Tolbiac-Masséna ! Si loin des beaux quartiers où l'espèce pullule ! Pourquoi cette humiliante brimade ? Pourquoi pas en banlieue tant qu'on y est ?
La révolte gronde. «Tolbiac et Masséna, clame leur porte-parole, c'est la Peste et le Choléra ! ! !»
Vite, vite, signons les pétitions.
La Grèce championne d'Europe de football ! Grèce-France 1-0 ! Nos coqs arrogants humiliés par des humbles ! Pas fâché de voir l'Ogre, pour une fois, croqué par le Petit Poucet.
Tiens, oublié de regarder les matches. Pour les Jeux olympiques, je crois que j'oublierai aussi. Au fait, c'était quand, le Tour de France ? Quand je pense que je me souviens des Tours de l'après-guerre comme si je les avais courus... Merckx, Hinault et Fignon m'ont encore fait vibrer, puis mon zèle s'est peu à peu éteint. Qui peut encore s'intéresser à l'EPOpée du cyclisme, à part les pharmaciens ? Je sais, on se dopait aussi à l'époque, mais en amateur ; nous sommes passés de l'artisanat bricolo à l'industrie lourde. Les monstres roulants d'aujourd'hui m'inspirent des sentiments contradictoires jusqu'au malaise : une vive admiration, sachant que seringue ou pas, ce métier-là est affreusement dur ; et surtout une immense pitié, quand j'imagine les petits vieillards cassés qu'ils deviendront — ceux qui vivront jusque là.
Autre victoire grecque : Le miel des anges de Vanghèlis Hadziyannìdis (Albin-Michel, cf. MADE IN GREECE) a reçu le prix Laure-Bataillon pour «la meilleure œuvre de fiction traduite en français de l'année». Remise du prix en novembre à la Maison des écrivains et traducteurs de Saint-Nazaire.
Plusieurs amies me chantant les louanges d'Imre Kertész, écrivain hongrois et prix Nobel, je me suis plongé dans Être sans destin (10-18), roman inspiré de son séjour dans les camps de concentration nazis. Encore un bouquin là-dessus, me disais-je. Erreur. Chacun de ces témoignages nous fait voir l'horreur sous un angle nouveau. Celui-ci est terrible de façon sournoise. L'horreur s'installe de façon insidieuse, mêlée à des visions presque douces. La gare d'Auschwitz est pimpante, l'infirmerie un quasi-paradis. Le pire moment lui aussi baigne dans la douceur : épuisé par des épreuves inhumaines, le héros cesse de lutter, de souffrir, il se dissout dans une indifférence béate. On sombre comme lui, on est en train de mourir avec lui... Mais il en réchappe, rentre au pays et c'est alors le second sommet (ou second abîme ?) du livre. Le narrateur, interrogé par un journaliste, répond à peine et l'envoie balader ; ce journaliste a beau être sympathique et de bonne volonté, on nous affirme qu'il n'a rien compris, qu'il ne peut rien comprendre — or cet homme, c'est nous-mêmes, lecteurs, témoins indirects ! Après nous avoir pris par la main tout du long, le livre, in extremis, nous repousse cruellement.
Cruauté sans doute salutaire, pédagogique — seul moyen de nous faire comprendre un peu malgré tout.
Devoir de vacances ou récré ? Pour le colloque Jean Echenoz de Saint-Etienne en novembre prochain, je commence à relire les romans dudit. Suivant l'ordre chronologique, j'ouvre Le méridien de Greenwich. Quelle maîtrise déjà ! Dans cet opus 1, Echenoz est là presque tout entier.
Je passe à Cherokee, dont son auteur se dit insatisfait — il a tort. Cherokee m'enchante à nouveau. Une fois de plus je n'ai rien compris à l'intrigue, comme c'est la règle dans certains polars, mais le réel n'est-il pas ainsi ? Derrière la fantaisie, la cocasserie, derrière aussi la beauté quasi abstraite des figures narratives et de leur enchaînement, frappé de plus en plus par tout ce que les livres d'Echenoz nous disent sur le monde qui nous entoure et notre place dedans.
Noté cette phrase entre des dizaines d'autres : «Il portait toujours son immense costume gris qui le faisait ressembler à un chapiteau de cirque triste, comme il y en a au purgatoire.» Une quintessence de climat échenozien, qui nous écartèle en douceur entre hilarité douce et mélancolie.
Encore sept bouquins à relire, ô bonheur !
Autre bonheur : tenir entre mes mains, dans un gros Quarto de Gallimard, les œuvres quasi complètes de Nicolas Bouvier. (Manquent seulement, sauf erreur, Le Corps, miroir du Monde, chez Zoé, et des notes japonaises inédites, Le Vide et le Plein, chez Hoëbeke.) 1400 pages : qui a dit que Bouvier a peu écrit ? Émotion de redécouvrir L'usage du monde, Le poisson scorpion, Chroniques japonaises et autres Journal d'Aran, illustrés de photos prises par l'auteur, plus quelques textes rares. Quand on pense que certains de ces livres essentiels ont paru à compte d'auteur ! Reliés ici entre eux par les notices et la bio, ils deviennent les étapes d'un même parcours, les chapitres d'un seul grand livre enfin tangible. Alléluia !
Alléluia (bis). Christian Pirot nous gâte encore. Grâce à lui, les paroles des chansons que nous aimons ne s'envolent plus. Les livres de ses éditions nous donnent à lire Aznavour, Lemarque ou Moustaki, mais aussi des personnages moins connus, quoique non moins précieux — Pierre Louki, Gilbert Laffaille, Bernard Dimey... Nouveau venu dans la collection : Pierre Philippe, l'un des plus grands paroliers actuels. Guidoni et Juliette, notamment, lui doivent leurs plus fortes chansons. Le rouge et le rose propose une intégrale : cent textes à peine, noirs bijoux, fleurs vénéneuses, délices violentes et délicates à savourer, à ruminer sur la page avant de les réécouter.
Ça se confirme : Dhôtel émerge du purgatoire. Les éditions Phébus mènent le mouvement avec un vaste programme de rééditions ; Gallimard se réveille doucement. D'ici deux ou trois ans, me dit-on, l'œuvre entière sera disponible.
Mon Dhôtel de l'été : Quand je te reverrai, un recueil de nouvelles oubliées, rassemblées en volume chez Phébus, mais qui sont tout sauf des fonds de tiroir. Bien que Dhôtel ait beaucoup écrit, son œuvre est pratiquement sans déchet. Il se montre aussi à l'aise dans la nouvelle que dans le roman — mais on le savait déjà depuis les splendides Idylles, rééditées en Folio. Outre une belle cohérence thématique (on y retrouve l'être aimé, par miracle, après une longue absence), les pages oubliées de Quand je te reverrai nous réservent le lot habituel d'enchantements (la perpétuelle «annonce de l'incroyable richesse du monde»), mais aussi pas mal de surprises, y compris pour les habitués ! La nouvelle autorise les audaces, et le grain de folie toujours présent chez Dhôtel apparaît plus qu'ailleurs encore, comme l'écrit Jean-Pierre Sicre, maître d'œuvre et préfacier, dans ces «quelques histoires qui n'ont l'air de rien, mais où il n'est pas interdit de s'attendre à tout».
Un fascicule fort bien fait du groupement de libraires Initiales, consacré à Dhôtel, coordonné par Pascal Thuot de l'excellente librairie Millepages à Vincennes, m'apprend l'existence d'un fan club, La route inconnue (cf. Liens). Je m'y inscris dare-dare. Dans le bulletin et les Cahiers, textes de et sur Dhôtel éclairants, ambiance dhôtellienne, autrement dit fervente et familière. Belle correspondance avec Jean-Pierre Abraham. Ils ne pouvaient que s'apprécier, ces deux-là...
On connaît bien le dessinateur Gébé, l'une des stars de Charlie-Hebdo, récemment disparu. Mais qui se souvient d'Une plume pour Clovis — selon moi son plus bel album ?
Une histoire tranquillement folle : un vieillard, Clovis, mène l'enquête pour retrouver un ancien copain d'école primaire — et remonte jusqu'à lui, soixante ans plus tard, guidé par d'infimes indices et des hasards providentiels.
Ce que je viens de vivre aurait sans doute plu à Gébé — ou à Dhôtel. Mon premier amour, au CM1, s'appelait Catherine Viaud. Je ne me suis pas déclaré alors. Elle a disparu. Les années ont passé, je regrettais toujours qu'elle ne sache pas. Je l'ai recherchée longuement, la citant deux fois ici même, et l'ai retrouvée par hasard le mois dernier. Quarante-sept ans après. Elle s'appelle à présent Catherine Guermantes et enseigne l'anglais en lycée, comme moi. Je l'ai invitée à dîner, j'ai raconté mon histoire, elle a souri avec indulgence et je me suis senti soulagé enfin.
La vie est un roman. Et je ne vous dis rien de Carole...
Le 1er septembre, premier anniversaire du site et début de sa deuxième saison. La formule ne changera pas beaucoup.
Le POÈTE DE L'ANNÉE sera Mìltos Sakhtoùris, l'une des grandes voix de la poésie grecque d'aujourd'hui. Je reprendrai des traductions publiées en 1995 dans mes premiers Cahiers grecs, aujourd'hui épuisés.
Chaque mois, dans MES ÉCOLES, je proposerai le portrait d'un ancien élève dont le souvenir m'accompagne encore, parfois trente ans après.
Le feuilleton 2004-05 s'intitulera Progrès en vue. Rédigé en 98, cet ensemble de proses autobiographiques effleure les sujets les plus divers : mes lunettes, la course à pied, Dieu, Freud, la jalousie, l'insomnie, les ordinateurs, les ascenseurs, le tram, le stylo à bille, les petites routes...
Les volkonautes étant nombreuses à me réclamer un horoscope, je pourrais bien céder à leurs désirs.
L'innovation majeure : une nouvelle rubrique, L'INVITÉ DU MOIS, accueillera un texte écrit spécialement pour le site par un(e) de mes ami(e)s écrivain(e)s, connu(e) ou moins connu(e). On commencera par un poème de Jacques Réda.
D'ici là, courage les filles, courage messieurs ! Août, son soleil crétin, ses mers sales, n'est jamais qu'un mauvais moment à passer !